Pétrole, Protectionnisme, Populisme – 3 risques pour la croissance

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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Prévision de croissance mondiale réduite d’un demi-point sur deux ans.

Après le réchauffement économique global de 2017, les perspectives sont plus hésitantes au début 2018. La balance des risques s’est clairement déplacée du côté négatif. Trois risques sont apparus ou se sont intensifiés. Primo, il y a un (mini)choc pétrolier. Secundo, il y a une menace de protectionnisme alimentée presque chaque jour par le président américain. Tertio, il y a la résurgence du stress financier au cœur de la zone euro à la suite des élections en Italie. Dans l’ensemble, les conditions d’activité et d’emploi ne sont pas très différentes d’il y a six mois. Mais, vu les risques, nous réduisons notre prévision de croissance mondiale d’un demi-point sur deux ans.

Au premier trimestre 2018, le PIB réel a progressé de 3.5% en rythme annualisé à l’échelon global selon nos calculs, contre 3.8% en moyenne sur 2017. Normalement, il n’y aurait pas de quoi s’émouvoir d’un freinage aussi faible, qui pourrait être du bruit statistique. Somme toute, aucun grand pays n’est en récession, ou proche de la récession. Dans l’ensemble, le climat des affaires est bien installé en zone d’expansion.

Divers épisodes de stress et de volatilité ont accru le sentiment de prudence des investisseurs.

Pourtant, le sentiment des investisseurs est devenu plus prudent ces derniers mois, à l’occasion de divers épisodes de stress et de volatilité, alimentant des narrations négatives au sujet de la surévaluation des marchés, de l’instabilité des pays émergents, de la fragilité congénitale du «projet européen» ou du surendettement de l’économie mondiale. Aucun de ces sujets n’est vraiment neuf mais se posent dans un contexte marqué par l’émergence ou l’intensification de trois risques majeurs.

  1. Le premier risque tient au renchérissement notable des prix du pétrole depuis l’été dernier. L’alliance OPEP-Russie s’efforce de manipuler les cours pour compenser les distorsions d’offre ailleurs (Venezuela, Iran), mais le résultat n’est pas garanti. Le prix du pétrole s’est écarté de manière durable et significative de ce qui semblait être, il y a un an, un régime d’équilibre à environ 50$/b. L’incertitude pétrolière n’est pas favorable pour les décisions d’investissement. De surcroît, il y aura au moins de manière transitoire une poussée d’inflation, négative pour le consommateur final. Après le contre-choc pétrolier de 2014-2015, l’économie mondiale avait gagné un point de croissance additionnelle (tout n’étant pas imputable au pétrole). À l’opposé, le choc actuel, de moindre amplitude et intervenant dans un contexte macro plus favorable, peut retirer quelques dixièmes de point de croissance.
  2. Le deuxième risque est la menace croissante que les Etats-Unis, par la voix de leur président et de ses conseillers, font peser sur la fluidité des échanges mondiaux, et à terme, sur leur volume. Pour l’instant, il y a surtout du bruit, un peu de fureur dans les tweets de Trump, mais aussi quelques hausses des droits de douane. Les effets macro sont négligeables à ce stade. Il en irait tout autrement si le protectionnisme devait se généraliser. Ce n’est pas l’hypothèse centrale de notre scénario macro, mais là encore, c’est une incertitude inédite qui peut peser sur le climat des affaires.
  3. Le troisième risque est politique. Il concerne l’Italie et, par extension, toute l’Europe. Les partis politiques antisystème ont dominé les dernières élections italiennes. Une fois la chose faite, il est apparu que leur projet gouvernemental était plus hostile à l’euro et à l’Europe qu’ils ne l’avaient dit. Tous les éléments des crises souveraines et bancaires de 2011-2012 sont réunis. Pourtant, l’Italie est plus solvable qu’il y a six ans, ses banques sont en meilleure santé. De plus, l’Europe dispose d’outils pour apaiser le stress financier, utilisés avec un certain succès par le passé. Encore faut-il que le futur gouvernement italien se montre prêt à des compromis. Si de nouvelles élections (incertaines à ce stade) devaient se transformer en référendum sur l’euro, alors, vu le ressentiment des Italiens, tout est possible, y compris le pire.

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