Les banques françaises accordent-elles trop de crédit?

Bruno Cavalier, Oddo BHF

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L’économie française affiche une croissance du PIB réel annuelle de 2%. C’est deux fois plus que le rythme enregistré de 2014 à 2016.

 

En dépit d’un affaiblissement au premier trimestre, l’économie française affiche une croissance du PIB réel annuelle de 2%. C’est deux fois plus que le rythme enregistré de 2014 à 2016. Pour une bonne part, cette accélération a été tirée par l’investissement, qui lui-même s’est repris grâce à la vigueur du crédit en réponse à la politique monétaire accommodante de la BCE. Le lien crédit-investissement-croissance n’a-t-il pas été poussé trop loin dans le cas français? Les autorités de tutelle le pensent et n’excluent pas d’imposer aux banques, de manière préventive, des contraintes additionnelles pour prévenir l’endettement excessif des entreprises.

«La BCE a tout fait pour pousser les banques
à prêter davantage ces dernières années.»

Si l’on veut trouver un bon exemple de l’efficacité de la politique monétaire via le canal du crédit, il faut considérer la France. Ces dernières années, la BCE a tout fait pour pousser les banques à prêter davantage, en baissant ses taux de refinancement, en fournissant de la liquidité dans des conditions généreuses en partie conditionnées à la production de nouveaux crédits et en rachetant de la dette publique.

En conséquence, les taux d’emprunt ont baissé, le crédit a rebondi, l’investissement s’est redressé et, finalement, la croissance économique a accéléré.

France: crédit à l'équipement et investissement

Source: Thomson Reuters, BIS, Oddo BHF Securities

L’assouplissement monétaire a rempli son objectif, trop peut-être dans le cas français. Le crédit bancaire croît en effet bien plus vite que la croissance du PIB nominal. En mars, les prêts aux entreprises non financières progressaient de 5,4%, mais +6,4% sur la partie «prêts à l’investissement» (71% du total) et +7,9% pour la sous-partie «prêts à l’équipement» (43% du total). De surcroît, l’endettement sur les marchés est également en hausse. Selon la BRI, le ratio entre crédit au secteur privé et PIB évolue plus vite que sa tendance de long terme, l’écart évoluant au voisinage de 5% du PIB.

France: «gap bâlois» sur le crédit au secteur privé

Source: Thomson Reuters, BIS, Oddo BHF Securities

L’endettement des sociétés, en particulier, croît plus vite que dans les autres pays européens.

En décembre 2017, le Haut Conseil de Stabilité Financière avait publiquement exprimé sa préoccupation quant à la dynamique de l’endettement, en particulier dans le cadre de rachat d’entreprises avec fort effet de levier. En mars, il a décidé qu’à compter du 1er juillet, les banques devraient limiter leur exposition aux grandes entreprises à 5% de leur fonds propres, ou subir des pénalités. Lors de sa prochaine réunion en juin, il sera à nouveau débattu de l’opportunité d’imposer aux banques un coussin de fonds propres contra-cyclique pouvant représenter 1% de leurs actifs pondérés. À ce jour, cette option nucléaire n’a pas été retenue mais le signal est clair. On veut du crédit mais pas trop.

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