Oublier Deauville?

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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Oublier Deauville? Le plus sûr moyen de refuser plus de solidarité entre pays, c’est d’exiger au préalable que chacun ait éliminé tout risque.

Depuis un an qu’il est élu, Emmanuel Macron a été le seul dirigeant européen à pousser l’idée que la zone euro doit être dotée de moyens d’affronter dans de meilleures conditions la prochaine crise. La réaction des autres dirigeants a oscillé entre l’écoute polie, l’indifférence ou l’hostilité. Les récents soubresauts politiques venant d’Italie ont rappelé combien une telle réforme était souhaitable, ce qui ne garantit pas qu’elle aura lieu. Le plus sûr moyen de refuser plus de solidarité entre pays, c’est d’exiger au préalable que chacun ait éliminé tout risque, auquel cas, bien sûr, la solidarité ne sert plus à rien. C’est la ligne de conduite des gouvernements allemands depuis 2010.

Deauville est une station balnéaire de la côte normande, connue pour son casino, ses plages, son festival du film, ses belles villas… et pour l’accord Merkel-Sarkozy du 18 octobre 2010. Ce jour-là, les dirigeants allemand et français proposaient d’amender les Traités pour créer un mécanisme permanent d’aide aux pays en difficulté. Une des conditions était que ces pays restructurent leur dette publique afin d’assainir leur situation financière. Il est en général admis que l’accord de Deauville, même s’il partait de bonnes intentions (restaurer la solvabilité, réduire l’aléa moral), a fait plus de mal que de bien. En posant la restructuration de la dette comme un préalable, on ouvrait la voie à sa redénomination éventuelle. L’aggravation des crises souveraines/bancaires de 2011-2012 est une conséquence de Deauville. Le débat actuel sur la réforme de la zone euro – autrement dit la manière d’assurer son bon fonctionnement même en période de stress – reste dominé par les idées de l’accord à Deauville. 

Huit ans plus tard, Mme Merkel est toujours à la tête de l’Allemagne. En France, deux présidents ont succédé à M. Sarkozy, l’un qui a tout fait pour saper la confiance des autres partenaires européens, l’autre qui tente de restaurer la crédibilité française. La condition minimale était de sortir la France de la procédure pour déficits excessifs et de lancer différents chantiers de réforme. La Commission européenne a acté le premier point, le FMI le second. Pour que Macron, principal avocat d’une réforme de la zone euro, soit entendu, il va de soi que la remise en ordre de l’économie française doit être sérieusement engagée. On ne peut pas avec certitude préjuger du résultat final mais l’espoir de réussite est au plus haut depuis très longtemps.

Si l’Allemagne veut vraiment une zone euro sous-optimale,
il est difficile d’imaginer qu’elle impose Jens Weidmann à la tête de la BCE.

Les propositions de Macron sur l’Europe ont été exprimées dans plusieurs discours, notamment à la Sorbonne au lendemain des élections allemandes. Elles mêlent parfois le concret et le lyrique. Dans le domaine économique, cela associe la convergence (fiscalité des entreprises) et la mise en commun de ressources (budget spécifique de la zone euro géré par un ministre de plein droit). Les lignes rouges allemandes sur les Eurobonds ou la mutualisation des dettes sont respectées.

Pour des raisons de politique intérieure, la réponse allemande a été différée. Elle est arrivée ce week-end par le biais d’un entretien de la Chancelière à la FAZ. Beaucoup ont noté que, sous des apparences d’ouverture, le propos manquait sérieusement d’ambition. C’est l’approche minimaliste, réduisant toute réforme de la zone euro à la réduction des risques dans les pays faibles. Rien de plus. C’est donc nier qu’une union monétaire optimale requiert une capacité d’absorption des chocs asymétriques, reposant entre autres sur l’intégration plus poussée des systèmes bancaires et des marchés financiers. Si l’Allemagne veut vraiment une zone euro sous-optimale, il est difficile d’imaginer qu’elle impose, en plus, Jens Weidmann à la tête de la BCE.

La suite des événements sera dictée par l’interaction entre la politique et les conditions de marchés. L’épisode de stress italien a rappelé que la stabilisation de la zone euro, largement due à l’action de la BCE, n’était pas acquise pour toujours. Il a montré aussi que le marché mettait à nouveau la France dans le groupe des pays «core».

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