Divergence Europe, États-Unis: le consommateur donne le ton

Stéphanie de Torquat, SILEX

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Les premières baisses de taux risquent de se concrétiser plus rapidement en Zone euro qu’aux États-Unis.

On observe depuis quelques mois une forme de divergence entre les États-Unis et la Zone euro.

La croissance économique américaine a été solide jusqu’à présent en 2023, voire très forte, avec plus de 2% de croissance annualisée aux deux premiers trimestres et presque 5% selon l’estimation avancée du troisième trimestre. La Zone euro, quant à elle, est en quasi-stagnation, avec 0% de croissance au premier trimestre, moins de 1% annualisé au second, et une contraction de 0,4% annualisé au troisième trimestre.

Les indicateurs avancés à plus haute fréquence de l’activité économique, les PMIs, peignent un tableau analogue. Alors que les PMIs du mois d’Octobre sont globalement revenus au-dessus de la barre des 50 aux États-Unis, donc en territoire d’expansion, leurs équivalents européens sont en nette contraction.

Pourtant, les consommateurs américain et européen bénéficient de facteurs de soutien similaires. Le taux de chômage est très faible d’un point de vue historique dans les deux cas, à 3,9% et 6,5% respectivement, la hausse des salaires a rattrapé l’inflation dans les deux cas, à 4,1% et 4,6% en glissement annuel respectivement, et l’inflation baisse de façon semblable, à 3,7% aux États-Unis et 2,9% en Zone euro pour le mois d’octobre. Enfin, que ce soit aux États-Unis ou en Zone euro, les consommateurs ont accumulé un excès d’épargne significatif durant les confinements liés au Covid, qui n’est pas encore totalement épuisé.

La BCE a clairement terminé son cycle de resserrement monétaire, avec un taux de dépôt au niveau historiquement restrictif de 4%.

Mais ce qui compte n’est finalement pas tant la capacité à dépenser, que la réalisation concrète de ces dépenses. Et c’est là une différence majeure entre les États-Unis et la Zone euro. Alors que le consommateur américain profite à plein de ces conditions favorables en dépensant l’essentiel de ses revenus avec un taux d’épargne extrêmement faible – et reparti à la baisse récemment – le consommateur européen, lui, met de côté, avec un taux d’épargne en hausse et bien au-delà de sa norme pré-Covid.

Les raisons sont probablement multiples, avec une prudence structurelle peut-être plus développée en Zone euro qu’aux États-Unis, et les risques haussiers sur les prix de l’énergie, liés au contexte géopolitique incertain, qui affecteraient plus la Zone euro, importatrice nette d’énergie, que les États-Unis, aujourd’hui indépendants de ce point de vue. Il est également possible que la transmission de la politique monétaire restrictive de la Banque Centrale Européenne (BCE) vers le consommateur se soit faite avec plus de force que celle de la Réserve Fédérale américaine (Fed) à ce stade, eu égard, entre autres, à la proportion très élevée de taux hypothécaires fixes à long-terme aux États-Unis.

Dans ce contexte, la BCE a clairement terminé son cycle de resserrement monétaire, avec un taux de dépôt au niveau historiquement restrictif de 4%, et une première baisse de taux d’ici le milieu de l’année prochaine possible compte-tenu de la faiblesse de la croissance.

La Fed, de son côté, est bien consciente que le consommateur américain n’est pas invincible. La situation pourrait se détériorer lorsque plus personne ne s’y attend. Elle reste donc très prudente, ayant gardé ses taux directeurs inchangés aux deux réunions de fin septembre et début novembre, entre 5,25% et 5,5%. Les premières baisses de taux, quant à elles, ne viendront que lorsque le coût du capital restrictif aura eu raison de l’endurance impressionnante du consommateur américain.

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