Exploiter systématiquement le potentiel des «Megatrends»

Yves Hulmann

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Pour Carsten Menke de Julius Baer, on ne perçoit pas toujours d’emblée l’ensemble des implications qu’ont les tendances de fond pour la société, les entreprises et les consommateurs.

Comment peut-on se positionner pour tirer parti des «mégatendances» qui se déploient sur plusieurs années, voire plusieurs décennies? Entretien avec Carsten Menke (C.M.), Head of Next Generation Research chez Julius Baer, et Nicolas Magnien (N.M.), responsable Produits Structurés pour la Suisse Romande chez Julius Baer, qui s’exprimaient à l’occasion de la tenue de la conférence Structured Products Insights qui s’est déroulée mardi à Genève.

Julius Baer propose des solutions d’investissement basées sur les «Megatrends». Comment définissez-vous ces tendances de fonds et comment les traduisez-vous ensuite sous forme de thèmes d’investissement concrets?

Carsten Menke: Nous partons du constat que les «Megatrends» entraînent des changements structurels aussi bien dans la société, dans les habitudes de consommation que pour les entreprises. Ces tendances de fond se déploient parfois sur plusieurs décennies et il arrive souvent que l’on ne perçoive pas tout de suite l’ensemble de leurs implications à la fois pour la société, les entreprises et les consommateurs. Les mégatendances réunissent souvent des évolutions structurelles démographiques, écologiques et économiques, tout comme des évolutions sociales et technologiques, qui modifient durablement le monde qui nous entoure.

«Il y a eu toute une ‘hype’ au sujet des développements autour du Metaverse au début des années 2020 mais le souffle est ensuite rapidement retombé.»

Si l’on prend l’exemple de la téléphonie mobile, on est passé successivement d’appareils assez simples qui permettaient aux gens de s’appeler à la fin du XXe siècle, puis à des modèles offrant un peu plus de fonctionnalités au début du nouveau millénaire, avant que l’usage des smartphones ne s’impose à partir des années 2010. La généralisation de l’usage des smartphones sur la société et l’économie a eu, depuis, un impact qui est allé bien au-delà du seul domaine de la téléphonie mobile.

C’est ce que l’on a pu constater après-coup. Toutefois, au moment où une nouvelle technologie ou tendance apparaît, comment peut-on évaluer s’il s’agit seulement d’une innovation de courte durée et n’ayant qu’un impact limité – ou s’il s’agit, au contraire, d’une tendance de fond qui aura des implications beaucoup plus importantes à long terme?

C.M.: Un critère de différenciation utile est d’observer s’il s’agit d’une innovation purement technologique ou si elle a une pertinence plus large pour la société et l’économie. Par exemple, il y a eu toute une «hype» au sujet des développements autour du Metaverse au début des années 2020 mais le souffle est ensuite rapidement retombé lorsque l’on s’est aperçu qu’aucune entreprise n’était rentable dans ce domaine d’activité. L’arrivée des imprimantes 3D n’a pas eu non plus un impact aussi décisif que certains experts le prétendaient.

Chez Julius Baer, nous avons identifié actuellement cinq «megatrends» - que l’on appelle «future cities», «feeding the world», «energy transition», «digital disruption» et «future health» - qui, à leur tour, sont constitués de différentes technologies ou sous-tendances dont la dimension en termes d’investissements peut varier. A l’intérieur de la mégatendance de la transition énergétique, la mobilité du futur a un poids plus important que les combustibles propres, pour prendre un exemple. Compte tenu de la spécificité de chaque tendance ou technologie concernée, il est indispensable de disposer d’experts hautement qualifiés à même de pouvoir identifier les entreprises ou modèle d’affaires qui sont clairement liées à ces thèmes d’investissement. Il est nécessaire de pouvoir compter aussi bien sur des experts des secteurs de l’énergie, des technologies de l’information que du secteur de la santé, par exemple.

Misez-vous sur des thèmes très spécifiques ou gardez-vous au contraire une perspective plus large?

C.M.: Cela dépend de l’imbrication des différentes thématiques et technologies. Par exemple, nous combinons l’informatique en nuage avec l’intelligence artificielle (IA), car il s’agit de thèmes très imbriqués entre eux et qui impliquent souvent les mêmes entreprises.

Lorsqu’il y a une tendance qui connaît un rapide développement, à l’exemple de l’IA, vaut-il mieux essayer d’identifier les nouvelles entreprises qui ont un savoir-faire spécifique dans ce domaine, à l’exemple d’OpenAI, ou au contraire plutôt miser sur les groupes qui ont un leadership global, tels que Microsoft, et qui auront de toute façon les moyens d’acheter les sociétés les plus innovantes?

C.M.: Cette question se pose chaque fois qu’une innovation importante apparaît: faut-il mieux prendre des parts dans les sociétés les plus prometteuses lorsqu’elles sont encore en mains privées ou est-il préférable d’investir dans des entreprises plus établies et déjà cotées en bourse. Selon moi, ce choix dépend avant tout de son profil de risque en tant qu’investisseur. En ce qui nous concerne, nous évitons de prendre des risques trop importants et nous nous concentrons sur les entreprises déjà cotées en bourse.

«Nous avons identifié actuellement cinq mégatendances que l’on appelle ‘future cities’, ‘feeding the world’, ‘energy transition’, ‘digital disruption’ et ‘future health’.»

Pour identifier quelles seront les entreprises leaders à long terme, nous évaluons en particulier trois critères: le positionnement de l’entreprise, sa capacité financière et sa culture d’entreprise. Sur la base de ces différents critères, nous établissons un score qui va de «+3», octroyé aux entreprises identifiées en tant que «leader» dans un thème donné, à «-3», attribué aux sociétés considérées comme étant à la traîne («laggard»).

Quel horizon d’investissement faut-il avoir à disposition pour tirer parti du potentiel des «megatrends»?

C.M.: Cela dépend du thème d’investissement donné et de la durée avec laquelle il peut être jugé intéressant par les marchés financiers. Or, on constate souvent que les marchés passent d’un extrême à un autre concernant certains sujets ou certaines thématiques. C’est pourquoi, dans certaines situations, nous avons préféré renoncer à investir dans certains thèmes, comme les énergies propres (Clean Energy) à partir de la fin de 2020 car il y avait juste trop d’argent qui affluaient alors dans ce domaine.

Julius Baer propose des produits structurés pour investir en lien avec la thématique dite «Next Generation». Quels sont les avantages d’investir à l’aide de produits structurés plutôt qu’au moyen de fonds, d’ETF ou simplement en achetant des titres individuels?

Nicolas Magnien: Le choix du véhicule d’investissement dépend des besoins spécifiques des investisseurs. Il est possible d’investir dans les mégatendances aussi bien avec des titres individuels, des ETF, des mandats ou encore via des indices thématiques spécifiques. Chez Julius Baer, nous proposons nos propres indices propriétaires en lien avec certaines thématiques comme la cybersécurité, à l’exemple du JB Next Gen Cybersecurity Index.

L’avantage d’investir via des structurés est la possibilité de construire des profils de rendement/risque adaptés à chaque client ou par groupe de clients. Cela permet d’ajouter de la protection pour les investisseurs prudents ou du levier pour les investisseurs à la recherche de rendements plus élevés. Bien sûr ce format d’investissement sur mesure implique certains coûts à la mise en place et des spécificités sur le marché secondaire.

Proposez-vous aussi des produits structurés en lien avec certains «megatrends» spécifiques?

N.M.: Oui, et c’est une façon pour les investisseurs de pouvoir s’exposer à une thématique donnée en combinant un risque maitrisé et un potentiel de gain supérieur au marché obligataire.

Par exemple, en lien avec la cybersécurité, nous proposons un certificat de type Shark Note, à capital 100% protégé à maturité, qui permet aux investisseurs de profiter de la hausse de l’indice jusqu’à un certain seuil. Ces produits, peuvent être utilisés par des nouveaux entrants mais ils sont également des stratégies de prise de profit à la suite de forts mouvements haussiers sur les marchés actions.

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