Les messages mixtes de la résilience

Stéphanie de Torquat, SILEX

2 minutes de lecture

Une croissance et une demande résilientes risquent d’impliquer une inflation résiliente.

Un mot a ponctué l’été des observateurs de la sphère économique et financière, notamment aux Etats-Unis… la résilience!

En effet, le consensus début 2023 était de voir une récession se matérialiser aux États-Unis, plutôt en seconde partie d’année, dans le sillage d’un cycle de hausse de taux historiquement ample et rapide, plus de 5% en moins de 15 mois. Certes, l’année n’est pas terminée, mais l’image économique du moment n’est pas celle d’une récession imminente.

Pourquoi cette résilience, va-t-elle durer, et si oui, qu’implique-t-elle?

Un cycle de resserrement monétaire entraîne normalement une séquence de réactions en chaîne assez classique et prévisible.

D’abord les secteurs les plus sensibles aux taux ralentissent, l’immobilier et le secteur manufacturier. Puis les acteurs économiques les plus vulnérables, différents à chaque cycle, cèdent. Enfin, le consommateur et le secteur des services, plus de deux-tiers de l’économie, finissent par faiblir également. Cette séquence a été respectée à ce stade.

L’immobilier a fortement ralenti en 2022. Il est vrai qu’il a rebondi cette année, mais l’explication est simple. La grande majorité des prêts hypothécaires aux Etats-Unis sont fixes à 30 ans, une résultante du traumatisme de 2008. Par conséquent, avec des taux hypothécaires à plus de 7%, un sommet sur plus de deux décennies, les propriétaires de maisons existantes qui ne peuvent – ou ne souhaitent – pas se financer à de tels taux ne bougent plus de chez eux. Cela pousse les acheteurs vers les maisons neuves, dont l’offre est également limitée par une baisse de l’investissement depuis 2008. Cela soutient les prix, et a permis à l’immobilier de ne pas s’effondrer comme dans certains cycles précédents. Mais le potentiel de ce rebond sera limité par les conditions d’accessibilité au logement qui se sont considérablement détériorées. Quant au secteur manufacturier, il est en contraction depuis octobre 2022.

La troisième étape, les «maillons faibles» qui souffrent, s’est produite début mars avec les faillites de banques régionales, conséquence directe des hausses de taux. Ces faillites ont été efficacement isolées, écartant le risque systémique. Mais le durcissement des conditions de crédit et leur cause – les taux élevés – sont toujours présentes. Elles vont finir par affecter la dynamique de prêts à l’économie réelle et donc la consommation.

Consommation qui tient toujours, pour trois raisons majeures. D’abord, l’assainissement considérable du bilan du secteur depuis 2008. Les ménages et les entreprises sont moins endettés.

Ensuite, la normalisation des distorsions liées à la Covid-19. L’excès d’épargne accumulé grâce aux soutiens fiscaux et monétaires pendant la pandémie n’est pas épuisé et la pénurie de travailleurs dans le secteur des services soutient les embauches.

Enfin, l’absence d’austérité fiscale contracyclique. Le déficit public, au lieu de se réduire, comme cela devrait être le cas en période de surchauffe économique, s’est fortement détérioré en 2023. Certains de ces points sont structurels, d’autres ne vont pas durer.

Une chose est sûre, la résilience est généralement un tout. Une croissance et une demande résiliente, si elles devaient durer, impliqueront très probablement une inflation résiliente. N’oublions pas que l’inflation sous-jacente est encore à 4,7%, plus du double de l’objectif des 2%.

Si le ralentissement économique de fin de cycle se concrétise dans un avenir relativement proche, il pourrait effectivement s’avérer «doux». Mais si cette résilience devait durer, la Fed serait contrainte de faire plus, pour plus longtemps, générant un ralentissement plus tardif certes, mais aussi plus profond.

Choisir entre ces deux scénarios aujourd’hui est difficile. Aucun modèle ne permet de prévoir l’instant précis du déclenchement d’un orage.

Mais n’oublions pas que la résolution finale de ce cycle ne s’est pas encore produite. Elle pourrait surprendre lorsque plus personne ne l’attend.

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