«On peut s’arrêter quand on monte, jamais quand on descend» – Bonaparte

Stéphanie de Torquat, SILEX

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Une hausse des taux de la Fed est attendue le 3 mai, juste au-dessus de 5%. Nous pensons que cela conclura ce cycle de resserrement monétaire.

Il apparaît de plus en plus clairement que la faillite de la banque américaine SVB (Silicon Valley Bank) le vendredi 10 mars 2023 aura marqué une étape majeure dans ce cycle économique.

Beaucoup d’encre a coulé en fin d’année dernière autour du «pivot» de la Fed (Réserve fédérale américaine), terme imprécis que les acteurs et observateurs de marché cherchaient pourtant à prévoir avec précision. La faillite de SVB, ce qu’elle a mis en lumière, et la réunion de la Fed qui s’en est suivie une dizaine de jours plus tard ont peut-être finalement marqué ce fameux «pivot» tant attendu. En effet, Jerome Powell a montré à l’issue de cette réunion une grande prudence, signalant la fin vraisemblablement imminente du cycle de resserrement monétaire. Son compte-rendu publié la semaine dernière indique d’ailleurs que les économistes de la Fed prévoient maintenant une récession «légère», alors que les espoirs d’atterrissage en douceur se sont considérablement amenuisés.

Pourtant, la situation bancaire est sous contrôle, et tout indique qu’une crise financière systémique n’est pas à l’ordre du jour. Les facilités de prêts d’urgence de la Fed et de l’organisation parapublique «FHLB» («Federal Home Loan Banks system») ont joué leur rôle avec efficacité, permettant aux banques d’accéder à la liquidité nécessaire pour faire face aux baisses de dépôts immédiates, mais aussi, et surtout, pour maintenir de façon durable un niveau de confiance suffisant à l’évitement d’une fuite de dépôts massive et déstabilisante à l’avenir.

La faillite de SVB a mis en lumière une tendance de fond lente, mais puissante.

Sommes-nous donc de retour à la situation «pré-SVB», mais avec une Fed plus accommodante? Avec donc un risque de récession (paradoxalement) plus faible, et celui d’une seconde vague d’inflation plus élevé? Ce n’est pas si simple.

La faillite de SVB a entraîné une sortie de dépôts particulièrement abrupte, et donc très visible, des petites banques américaines. Mais cette tendance de baisse de dépôts avait en réalité commencé au sein des grandes banques américaines il y a un an, en mars 2022, dès le début du cycle de hausse des taux, les déposants déplaçant leur épargne de comptes très peu rémunérés vers des fonds monétaires dont la rémunération suit les taux de la Fed à la hausse.

La faillite de SVB a donc mis en lumière une tendance de fond lente, mais puissante. Tant que les taux de la Fed resteront élevés, cet appel d’air de dépôts peu rentables vers des fonds sans risque et fortement rémunérés, ne disparaîtra pas.

Les banques commerciales américaines n’ont donc que deux options. Soit, elles augmentent la rémunération de leurs dépôts afin de les rendre plus captifs. Ce qui impliquera un durcissement des conditions auxquelles elles prêtent à l’économie réelle, puisqu’elles chercheront naturellement à préserver leurs profits. Soit, elles réduisent leur volume de prêts, contraintes par la baisse des dépôts à leur disposition, ce qui durcit également les conditions de crédit à l’économie réelle.
Or, les conditions de crédit s’étaient déjà considérablement tendues avant la faillite de SVB. Ces faillites bancaires ne présagent donc pas d’un risque systémique explosif, mais exacerbent la probabilité déjà élevée d’un fort ralentissement des activités de prêts aux Etats-Unis.
Le crédit étant un moteur nécessaire à la croissance – sans crédit, pas de projet, d’investissement, ou de consommation durable, mais un risque accru de défauts – un ralentissement économique notable semble maintenant très difficile à éviter.

Il existe en réalité une troisième option, qui consisterait à éliminer la source même de ce mécanisme, en baissant les taux. Mais la Fed reste aujourd’hui contrainte par une inflation toujours deux fois et demie supérieure à l’objectif, et un marché de l’emploi historiquement tendu. Il lui faudra attendre des signes récessifs tangibles. Or ces signes ne seront visibles dans les données qu’une fois la récession en marche, et il sera alors probablement trop tard pour l’arrêter.

L’objectif non-avoué de la Fed n’est probablement plus de mettre en place un atterrissage en douceur, mais de limiter au maximum l’ampleur du ralentissement. Elle devrait donc rapidement conclure son cycle de resserrement monétaire, et surveiller sans concession tout signe de décroissance afin de réagir aussi rapidement que possible.

La Fed a mené une guerre déterminée contre l’inflation, sans effondrement économique. Mais celui-ci reste un risque à ne jamais sous-estimer. Comme le disait un chef de guerre célèbre, «on peut s’arrêter quand on monte, jamais quand on descend».

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