Tensions estivales ou début d’une tendance?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Un CPI très attendu

Les taux ne connaissent pas l’ennui de la torpeur estivale. La courbe s’est subitement affolée après la publication des minutes du dernier FOMC puis des statistiques ADP sur le marché de l’emploi. Les minutes du meeting de la Fed ne nous ont franchement pas appris grand-chose, en tout cas rien de plus que l’on ne savait déjà. La banque centrale américaine est toujours hawkish, elle va donc poursuivre sa politique monétaire restrictive et ne compte pas baisser ses taux de sitôt. Est-ce que certains investisseurs ont conclu «higher for longer» à cette occasion? Vraisemblablement.

Les chiffres ADP sont allés dans le même sens: un marché de l’emploi toujours tendu qui permet une politique agressive de hausses de taux tout en réduisant sensiblement la taille du bilan. Pas de chance, les NFP du lendemain ont contredit cette version en laissant entrevoir des débuts de dégradation, sachant par exemple que sur les 209'000 créations d’emplois du mois dernier, plus de 125'000 proviennent des secteurs «government» et «healthcare & social assistance» (merci Jim Perry pour l’info). Les niveaux de claims et layoffs font penser à un retournement prochain du marché du travail mais les taux longs sont restés perchés sur des niveaux supérieurs à 4% atteints jeudi dernier. Une des raisons possibles de cette tension sur les taux longs US est peut-être que le taux du 10 ans japonais JGB (0,46% hier) s’approche dangereusement de son maximum fixé par le YCC de la BoJ. Il est envisageable de penser que certains investisseurs anticipent également une possible dégradation des taux longs US due à de ventes massives provenant du Japon.

Est-ce que tous ces événements passeront au second plan demain après la publication du CPI? Ce serait surprenant car les marchés sont préparés et conditionnés. Ils s’attendent à une chute brutale du CPI headline de pratiquement 1% en YoY. Le fameux effet de base sera de nouveau responsable de cette brusque amélioration de l’inflation puisque l’on attend un +0,2% ou +0,3% en juin 2023 qui viendra «éliminer» le terrible +1,2% de juin 2022. Le CPI headline sera donc sans doute proche de 3% mais faut-il se réjouir tout de suite? Attendons-nous en effet à un retour de bâton au cours des deux prochains mois car le CPI MoM de juillet 2022 s’affichait à 0% et celui d’août à +0,2%. Un effet de base très favorable demain mais plutôt défavorable au cours des deux prochains mois ne permet pas de crier victoire trop tôt. C’est le message que fait passer la Fed, tant bien que mal.   

4% sur les taux longs, début du sell-off?

Il est tentant de s’inquiéter et de suivre le troupeau qui était majoritairement bearish sur les taux longs si nous prenons pour indicateur la taille des position shorts sur futures et options qui a atteint récemment des niveaux historiques. Nous pensons toujours que ces mouvements sont une partie intégrante de la vie des marchés, que la volatilité est souvent plus élevée en période estivale et qu’il ne faut pas bouder notre plaisir. Nous avions en effet très envie de rajouter un peu de duration si les taux longs franchissaient ce niveau et nous ne nous sommes pas privés. Au cours des vingt dernières séances, le 30 ans avait dépassé le niveau de 3.90% à sept reprises sans jamais s’approcher de 4%. Parallèlement, sur nos portefeuilles euros, nous avons ajouté une dose homéopathique de Bund 10 ans au-dessus de 2,60%. Il s’agit peut-être d’un début. L’avenir, mais surtout Madame Lagarde, nous le dira.

Nous continuons donc à apprécier la partie longue, 10, 30 ans et surtout 20 ans en fond de portefeuille (4,30% hier!). Nous sommes également toujours de grands amateurs de TIPS courts. Le 18 mois, échéance janvier 2025, s’échangeait hier à 3,10% de taux réel et il s’agit toujours d’une excellente opportunité d’investissement en buy and hold. Le pire qui puisse nous arriver est un manque à gagner par rapport à son homologue à taux nominal. Quant aux crédits, c’est le calme plat. Le portage est correct mais sans plus tandis qu’en gestion active les spreads ne sont plus tellement attirants. Il faudra sans doute attendre désormais la rentrée de septembre qui coïncidera, espérons-le, avec le grand retour du marché primaire. L’Investment Grade a déjà pris ses quartiers d’été: et si nous faisons de même?  

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