Des taux US dépendants de la Fed et de la BoJ

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Hausse des taux le 14 juin

Le feuilleton du plafond de la dette et du défaut de paiement est enfin derrière nous. Une solution semblait largement possible à trouver encore fallait-il l’entériner. Voilà qui est fait, les marchés peuvent continuer à monter jusqu’au ciel. Cela ne résout pas le problème de fond, à savoir la trajectoire insoutenable et insupportable de la dette américaine. Les trillions de T-Bills qui vont devoir être émis, le fameux tsunami, seront une opportunité de placer des liquidités à 5,5% dans un véhicule sans risque. Actions et obligations vont devoir trouver des arguments solides pour nous inciter à les privilégier au détriment d’une telle aubaine. Nous pourrions avancer l’argument d’un taux nominal alléchant qui devient beaucoup moins sexy une fois exprimé en taux réel mais ceci est valable pour toutes les classes d’actifs.

Quelque 339'000 créations d’emplois le mois dernier, le mois précédent révisé à +294'000: nous sommes bien loin des 180'000 censés marquer le tournant en direction d’un ralentissement puis d’une récession. Le marché de l’emploi est très solide, les salaires ne montrent pas de signe d’essoufflement alors que la désinflation semble marquer le pas. Que pourrait faire la Fed sinon monter ses taux d’un quart de point le 14 juin prochain? Certes, le CPI et dans une moindre mesure le PPI seront publiés avant le FOMC mais sauf accident majeur d’ici-là, l’issue du prochain meeting est inéluctable. Les Fed funds s’élèveront à 5,25%-5,50% dans huit jours.

Les investisseurs japonais pourraient se mettre à vendre massivement leurs Treasuries afin de racheter des JGB.
Taux longs US sous pression

Les taux longs américains plient mais ne rompent pas et ce relèvement de taux supplémentaire de la banque centrale ne devrait pas – a priori – créer de grands mouvements. Dans ce cas de figure, nous avons maintes fois répété qu’un bearish flattening met à risque la partie 2-5 ans de la courbe, le 30 ans étant plutôt épargné. Nous devons toutefois rester vigilants, a fortiori en présence de dettes à duration proche de 18 qui font payer cash toute erreur d’appréciation. L’économiste Torsten Slok a mentionné la semaine dernière un phénomène qu’il ne faut surtout pas sous-estimer. Selon lui, ce qui menace le plus les taux longs US aujourd’hui, c’est la politique de la BoJ, banque centrale japonaise. Si cette dernière devait abandonner soudainement sa politique de YCC (Yield Curve Control), les taux des obligations japonaises prendraient l’ascenseur. Par conséquent, les investisseurs japonais pourraient se mettre à vendre massivement leurs Treasuries afin de racheter des JGB. Un sell-off sur les taux longs US provenant du Japon, voilà ce qui pourrait nous arriver tôt ou tard et la conclusion de l’économiste est limpide: investisseurs en taux longs US, n’oubliez pas de surveiller la politique de la BoJ comme le lait sur le feu!

Taper Tantrum et hybrides: joyeux anniversaires

Nous avons récemment fêté deux anniversaires. Il y a 10 ans (c’était un 22 mai), la Fed surprenait les marchés avec un Taper Tantrum qui restera gravé dans nos souvenirs pendant encore longtemps. Toutefois, le taux 10 ans US était «seulement» passé de 2% en mai à 3% en septembre, ce qui nous semblait énorme. Avec le recul, ce krach obligataire paraît bien mois impressionnant qu’à l’époque. En 2022, le taux US à 10 ans est passé de 1.5% début janvier à 4,25% fin octobre ce qui ressemble beaucoup plus à un véritable bear market obligataire.

Un autre événement fête son anniversaire: 18 ans, l’âge de la majorité. Il s’agit des premières émissions obligataires corporates hybrides destinées aux investisseurs institutionnels. Les scandinaves Vattenfall et Orsted (qui s’appelait Dong Energy à l’époque) avaient ouvert le bal. Ce marché a ensuite cherché ses marques pendant un peu plus de dix ans pour véritablement prendre son envol dans les années 2014-2015 et devenir une classe d’actifs à part entière non sans mal, restant longtemps «coincé» entre les obligations convertibles et la dette bancaire subordonnée. 18 ans, c’est l’âge de l’émancipation: longue vie aux hybrides!  

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