Fed: une pause pour quoi faire?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Inflation core et jobless claims

Sans surprise, la Fed a décidé de ne rien décider mercredi dernier. Elle estime qu’une pause est nécessaire en juin avant de procéder vraisemblablement à un relèvement de taux supplémentaire en juillet. Les marchés ont donc gagné la partie. En effet, le seul argument qui militait pour un statu quo reposait sur un principe simple (voire simpliste) qui fonctionne à merveille depuis le Taper Tantrum de 2013: si une décision de la Fed n’est pas approuvée par au moins 60% des intervenants de marchés, la banque centrale renonce à la prendre. Puisque les marchés demandaient à la Fed de s’abstenir cette fois-ci mais approuvaient d’avance à hauteur de 60% une hausse des taux Fed funds de 25bp le 26 juillet, Jay Powell et son comité n’ont pas voulu faire de vagues.

D’un point de vue purement économique, cette pause est un non-sens car, comme le souligne Jerome Powell, l’inflation core décroît trop lentement et ce n’est pas le moment de baisser la garde. Tout en se félicitant des progrès considérables du CPI main depuis un an, les membres du FOMC savent pertinemment que le plus dur reste à faire. Nous pouvons toutefois noter que les partisans de la pause marquent un point lorsqu’ils prétendent que le marché de l’emploi a sans doute atteint son apogée. Ils citent comme preuve les jobless claims hebdomadaires (262'000 pendant deux semaines consécutives) qui plaident pour un début d’érosion. Nous allons examiner cela de près mais les 339'000 créations d’emplois au cours du mois dernier sont encore très loin des 150’000-180'000 synonymes d’un début de retournement.

Aujourd’hui, l’impact d’un QT agressif est potentiellement bien plus dangereux que celui d’un relèvement de taux car la liquidité des marchés ne tient qu’à un fil.

Nous militons toujours pour deux hausses de taux pour atteindre un plateau que la Fed devrait tenter de maintenir si possible pendant environ un an. Ce qui continue de nous étonner, c’est le débat sempiternel autour de ce taux Fed funds. Il est toujours utile de rappeler que la Fed utilise en ce moment deux outils pour mener à bien sa politique restrictive et que le jour où les taux auront atteint leur niveau le plus élevé, cela ne signifiera en rien la fin du resserrement monétaire. Pour cela, il faudra également que les membres du FOMC nous indiquent jusqu’à quel niveau la taille du bilan de la Fed doit diminuer et à quel moment pouvons-nous envisager la fin du Quantitative Tightening. Aujourd’hui, l’impact d’un QT agressif est potentiellement bien plus dangereux que celui d’un relèvement de taux car la liquidité des marchés ne tient qu’à un fil. Risquer de briser cet équilibre fragile, c’est provoquer à coup sûr un credit crunch. Et dans ce cas, il faudra évidemment oublier le fameux plateau de douze mois entre dernière hausse et première baisse de taux. Jusqu’à présent la Fed a fait tout juste (chapeau bas, ce n’était pas gagné d’avance) mais elle n’a jamais été aussi proche de basculer brutalement dans le tout faux. Espérons que les récents déboires de plusieurs banques régionales auront été un électrochoc salutaire.

Des taux longs imperturbables

Les marchés de taux, qui avaient anticipé cette décision de la Fed (ou plutôt cette non-décision), ont très peu bougé. Le 2 ans est remonté d’une dizaine de points de base et le 10 ans est resté proche de 3,70%-3,75%. L’inversion 2-10 se rapproche des 100bp, ce qui est conforme avec un scénario privilégié par les marchés de taux qui voient une récession inévitable et un retour à une politique monétaire accommodante plus rapidement que prévu par les dot plots. Le 30 ans, qui s’établissait à 3,90% il y a huit jours, n’a même pas atteint 3,95% au cours de la semaine pour clôturer à 3,85% vendredi.

Nous sommes toujours convaincus que les différents scénarios qui s’offrent à nous dans les semaines qui viennent sont tous favorables au long bond. Il aurait même pu s’offrir un rally de fin de semaine pour saluer la décision de la BoJ vendredi de maintenir sa politique de Yield Curve Control. Cela fait, au moins provisoirement (jusqu’au 28 juillet pour être précis), une épine en mois dans le pied des taux longs US.

Un dernier mot sur les marchés de crédits mais il va être très court: ils se comportent comme les actions. Les nuages commencent à s’amonceler mais ils profitent de l’instant présent sans trop se soucier du lendemain. Attention tout de même car les orages d’été peuvent s’abattre ailleurs que sur nos villes et nos campagnes!

A lire aussi...