Périls sur le secteur pétrolier américain

Axel Botte, Ostrum AM

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En Amérique du Nord le pétrole ne manque pas, mais l’offre s’avère limitée.

© Keystone

Le pétrole est toujours au centre des perspectives économiques. Les prix exorbitants actuels, causent des difficultés aux consommateurs.

Les freins à l’offre de pétrole

Il est incontestable que l’offre de pétrole aux États-Unis dans un contexte de prix élevés du brut, reste modeste en 2022. Certes, les États-Unis sont le premier producteur mondial avec une production proche de 12 millions de barils par jour, mais cela reste un million de barils de moins qu’en 2020.Par le passé, un baril autour de 75 dollars à 80 dollars était suffisant pour relancer la production de pétrole en Amérique du Nord. Actuellement, à 110-120 dollars le baril, l’offre devrait s’ajuster à la hausse, mais sur le terrain la réalité est bien différente.

L’industrie pétrolière subit les pénuries de main-d’œuvre généralisées de l’économie américaine. Le manque de talents limite les capacités de production du secteur. Deux facteurs principaux sont en cause. Premièrement, le postulat au sujet de l’industrie pétrolière est qu’elle n’a pas d’avenir: c’est la fin du pétrole avec un pic pétrolier attendu vers 2030. La surabondance de l’offre de 2014-2015 avait conduit à des prix du pétrole inférieurs à 30 dollars. La stratégie de l’Arabie saoudite consistant à défendre coûte-que-coûte sa part de marché a laissé des traces, puis la pandémie a provoqué un plongeon des prix du brut en négatif.

Désormais, les préoccupations environnementales limitent l’attrait d’une carrière dans cette industrie pour les jeunes. Il y a une baisse des inscriptions d’étudiants dans les programmes d’études supérieures en ingénierie ces dernières années. Certaines universités aux États-Unis ont dû fermer des programmes de formation. Sur le terrain, le recrutement de personnels est compliqué dans un contexte de tensions sur les salaires. En effet, la rémunération dans ce secteur est déjà très élevée et on voit mal comment attirer les talents en jouant dessus.

Le manque d’ajustement de l’offre à la hausse du brut est attribuable à un déficit d’investissement, ainsi qu’à des problèmes de maintenance des équipements.
Problèmes d’approvisionnement et de maintenance

Dans le passé, la production de gaz de schiste répondait à une hausse du baril dès 75 ou 80 dollars, mais l’accent mis sur la rentabilité, au lieu de la croissance, implique que moins d’argent est investi, malgré le redressement de la demande. Le manque d’ajustement de l’offre à la hausse du brut est attribuable à un déficit d’investissement, ainsi qu’à des problèmes de maintenance des équipements.

Lors de la surabondance de l’offre en 2014, les prévisions des prix d’équilibre à long terme étaient tombées à 50 dollars. En outre, le postulat de la «fin du pétrole» gagnant du terrain, les sociétés d’exploration et de production ont eu tendance à restreindre leurs investissements. Puis la pandémie a frappé l’économie mondiale et la décision de l’Arabie saoudite de continuer à produire, malgré le plongeon vertigineux des prix, a porté un nouveau coup dur à l’industrie. L’effondrement des flux de trésorerie de 2020 a assombri les perspectives de croissance et même les dépenses en capital de maintenance se sont effondrées.

Les entreprises préfèrent ne jamais fermer des puits, si elles en ont le choix. Il est coûteux de fermer les puits de pétrole. En cas de crise, les entreprises exploitent des flottes plus petites et il y a moins de travailleurs sur le terrain. En effet, lorsque les prix du pétrole chutent et que les entreprises opèrent en dessous de leurs capacités pendant une période prolongée, les équipements de forage inutilisés doivent être stockés et servent de source de pièces détachées. Ainsi, les équipements stockés ne sont pas facilement mobilisables lorsque la demande reprend. Par ailleurs, la maintenance des biens d’équipement a été compliquée par les problèmes de congestion des chaînes d’approvisionnement mondiales.

Rationnement du crédit

Le crédit est abondant aux États-Unis, sauf pour les secteurs non conformes aux principes ESG. L’industrie pétrolière est confrontée à un rationnement. L’alliance bancaire nette zéro et de nombreux fonds de pension ont indiqué que le financement du secteur des combustibles fossiles doit diminuer pour se conformer aux objectifs de développement durable.

Les investisseurs actuels ont aussi changé de point de vue sur le secteur. La perspective d’un baril à 80 dollars à long terme n’est plus suffisante pour les investisseurs, compte tenu des exigences liées à l’ESG, de la volatilité des marchés et de l’impact du resserrement monétaire de la Fed. En 2020, le financement a été réduit, au vu de la forte baisse des flux de trésorerie. Avec des prix du brut oscillant autour de 110 à 120 dollars, les sociétés pétrolières génèrent de nouveau beaucoup de liquidités, mais les actionnaires exigent des plans de rachats d’actions et le versement de dividendes élevés.

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