Panique à la clôture

Axel Botte, Ostrum AM

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Semestre apocalyptique pour le risque, achevé par un plongeon des taux ignorant le message des banques centrales.

©Keystone

Le S&P 500 vient d’enregistrer son pire premier semestre depuis 52 ans et les premiers échanges de la seconde moitié de l’année n’augurent rien de bon. Les rendements obligataires replongent, en raison des craintes de récession, des flux d’extension de maturités de fin de mois et, de manière générale, du refus des intermédiaires financiers de prendre des risques à la clôture semestrielle. Aussi, l’illiquidité du marché du crédit provoque des hausses de spreads considérables. Après les taux et les swap spreads, ce sont finalement les spreads de crédit qui explosent à la hausse.

Les marchés financiers semblent croire que les banques centrales vont capituler et renoncer à leur objectif de ramener l’inflation à la cible de 2%. La pente des courbes de taux s’accentue nettement au cours de la semaine. La réunion des banques centrales à Sintra n’apporte pourtant aucun élément attestant d’une détente monétaire à venir. L’inflation n’est pas maîtrisée, mais le repli des matières premières alimente les thématiques de récession et l’espoir d’une décélération autonome de l’inflation. Le dollar américain reste le refuge par défaut. Le franc suisse est à parité et le dollar-yen oscille autour de 135 dans l’attente d’une hypothétique intervention de la Banque du Japon.

Les marchés restent sourds au discours de Sintra

L’économie américaine a épuisé son potentiel. En effet, la croissance du deuxième trimestre devrait être légèrement négative. La demande interne privée, seul moteur de la croissance au premier trimestre, ralentit. La consommation de biens reflue sous l’effet de l’inflation et du ralentissement de l’investissement immobilier induit par la hausse des taux hypothécaires. La consommation des ménages devrait progresser entre 1% et 1,5% en rythme annualisé entre avril en juin. Cependant, l’investissement des entreprises reste dynamique. La production de biens d’équipement affichera une croissance annualisée à deux chiffres.

L’action des prix sur les marchés financiers témoigne d’une préférence accrue pour les actifs liquides et sûrs.

Même si la demande publique freine la croissance depuis plusieurs trimestres, le soutien à l’Ukraine inversera la baisse des dépenses militaires. Le solde extérieur devrait s’améliorer à la marge après la longue dégradation caractéristique d’une demande interne en surchauffe. En zone euro, les enquêtes conjoncturelles préfigurent une inflexion. L’indice des directeurs d’achat, plébiscité par les intervenants de marchés, se maintient toutefois au-dessus du seuil fatidique de 50. L’inflation est hors de contrôle à 8,6% en juin. On relève toutefois une stabilisation dans les prix des services à 3,4%. L’accalmie inattendue de l’inflation allemande (8,1%) provient de la baisse sans précédent du coût des transports publics.

L’action des prix sur les marchés financiers témoigne d’une préférence accrue pour les actifs liquides et sûrs. Le T-note replonge violemment entraînant l’ensemble des marchés obligataires du G10. Le rendement du 10 ans américain (2,85%) a diminué de 65pb depuis le sommet du 14 juin. Si l’activité économique est variable, la perception des risques par les investisseurs spéculatifs l’est encore plus. Le consensus baissier sur les taux d’intérêt s’est ainsi renversé malgré la persistance de l’inflation. Il s’agit donc principalement d’une baisse des taux réels. Le discours à Sintra, volontariste sur la question de l’inflation, ne trouve aucun écho sur les marchés financiers. Certes, la clôture comptable a pu favoriser les extensions de duration et la préférence pour la liquidité, mais le revirement apparait exagéré.

En seulement deux semaines, le taux obligataire à 2 ans allemand a effacé 125pb à 150pb de resserrement. L’amplitude hebdomadaire du 2 ans allemand est la plus forte jamais enregistrée. Les spreads souverains s’ajustent à la baisse des rendements sans risque. La perspective d’un outil anti- fragmentation accélère la convergence des spreads. Le BTP italien à 10 ans se resserre de 16pb contre la référence allemande à 186pb, alors que l’obligation assimilable du Trésor s’élargit de 4 pb pour tutoyer les 60pb. La redistribution des tombées du portefeuille de la BCE crée une pression particulière sur les dettes française et belge. Le diable est dans les détails du mécanisme anti-fragmentation qui devrait être rendu public le 21 juillet.

Sur les marchés d’actifs risqués, les flux suivent les craintes de récession. Au plan mondial, environ 5,8 milliards de dollars sont sortis des fonds d’actions. La technologie américaine a plongé, les services publics offrant le seul amortisseur. L’accélération baissière sur les taux n’offre qu’un bref répit sur les valeurs de croissance, en retard de performance par rapport à la thématique des dividendes.

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