Les banquiers centraux nous donneront-ils un rendez-vous clair pour la fin du printemps?

François Savary

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Les derniers chiffres économiques américains ne démontrent pas un fléchissement abrupt de la conjoncture outre-Atlantique!

Cela fait désormais quasiment dix-huit mois que les opérateurs de marché discutent de «pivot» de la politique monétaire, voire de baisse des taux aux Etats-Unis et en Europe. Que d’espoirs déçus au cours de cette période, même s’il est vrai que l’arrêt du resserrement monétaire est désormais acquis. 

Les dix prochains jours verront les principaux grands argentiers de la planète nous révéler leur choix. Il y a fort à parier qu’il n’y aura pas d’annonce majeure à l’issue de ces réunions. A cet égard, les investisseurs, qui - en décembre - entrevoyaient de manière  quasi certaine une baisse des taux américains dès mars, ont revu à la baisse leurs anticipations depuis le 5 janvier. Le phénomène est également valable en ce qui concerne la BCE.

Les déclarations du FMI sur la nécessité de ne pas procéder «de manière précipitée» à un relâchement monétaire se sont multipliées récemment. Cet avertissement a peut-être pesé sur les banquiers centraux qui ont passé le mois de janvier à tenter de réduire les espoirs de baisse rapide des taux d’intérêt, à l’image d’une Christine Lagarde, qui s’est «engagée» - la semaine dernière à Davos - à agir «à l’approche de l’été».

Les divers membres de la Réserve Fédérale n’ont pas été aussi précis mais le message est sensiblement le même: il est urgent d’attendre! 

La volonté de calmer les attentes des investisseurs n’est d’ailleurs pas étrangère au regain de volatilité sur les marchés obligataires et boursiers depuis le 1er janvier. 

Les opérateurs sont trop optimistes sur les chances d’un assouplissement rapide des politiques monétaires. 

Pour chacun d’entre nous, le retour à un coût de l’argent moins élevé n’est pas seulement un élément important pour l’économie réelle, à l’image d’une croissance européenne qui se languit depuis plusieurs trimestres, mais aussi pour les investissements financiers; en effet, en raison de leur rallye au cours du dernier trimestre de 2023, les marchés obligataires et les bourses ont largement «épuisé» leur potentiel haussier, tout au moins à court terme.

Dans un tel contexte, le message que les grands argentiers tentent de mettre en exergue depuis quelques semaines est-il crédible et constituera-t-il le fil rouge des prochains mois?

Nous considérons depuis plusieurs mois que les opérateurs sont trop optimistes sur les chances d’un assouplissement rapide des politiques monétaires. La période mai-juin verra sans doute le premier mouvement dans ce sens. Les propos de grands argentiers ne nous surprennent donc pas.

Les derniers chiffres économiques américains - nous disposerons cette semaine de la première estimation du PIB US pour le quatrième trimestre 2023 qui devrait ressortir à 1,8% - ne démontrent pas un fléchissement abrupt de la conjoncture outre-Atlantique! En outre, et comme cela était attendu, le reflux de l’inflation se fait plus difficile, en raison de certains effets de base tant aux Etats-Unis que sur le vieux continent. Ajoutons à cela les perturbations induites par les développements en mer rouge, à commencer par l’augmentation des prix du fret et/ou des dérèglements des chaînes d’approvisionnement, pour constater que les propos récents des banquiers centraux sont loin d’être infondés.

Résister à la pression des marchés, qui souhaitent une action rapide sur le plan monétaire est certainement le choix le plus judicieux pour la Fed et la BCE; en effet, au regard des données économiques dont nous disposons, le risque d’erreur de politique monétaire est davantage celui d’un relâchement trop précoce que d’une orientation trop restrictive.

La «crise inflationniste» des deux dernières années n’est pas un phénomène anodin et l’erreur à ne pas commettre est de considérer qu’elle est définitivement résolue.

Le choc subi par les économies est significatif et les évolutions salariales sont là pour démontrer que les risques pour la maitrise durable de la hausse des prix sont encore bien présents. A contrario, on doit noter le rebond de la productivité aux Etats-Unis depuis deux trimestres, un phénomène qui a de quoi nourrir les espoirs d’une inflation plus modérée à moyen terme; il faut cependant que ce développement positif se confirme au cours des prochains trimestres avant d’en tirer des conclusions plus péremptoires.

En conclusion, les grands argentiers font tout leur possible pour convaincre les investisseurs que la baisse des taux n’est pas imminente. Ce choix nous paraît judicieux dans les conditions actuelles et sous l’hypothèse que les «crises» géopolitiques ne connaissent pas une détérioration marquée au cours des prochaines semaines.

Dans un tel contexte, le retour de la volatilité sur les marchés financiers n’est pas illogique, puisque ces derniers doivent s’habituer à l’idée que les attentes qu’ils avaient construites sur les taux d’intérêt en fin d’année dernière étaient trop optimistes. Le message des grands argentiers vient à point nommé pour «calmer» les investisseurs, d’autant plus qu’il y a un réalité économique évidente, la croissance mondiale résiste et l’idée du «soft landing» est loin d’être infirmée dans les faits.

Malgré les déclarations de certains pour alimenter le «sentiment de crise» que la bonne tenue du marché de l’emploi, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, ne valide pas, le choix de l’attente est peut-être le meilleur sur le front monétaire, même si cela doit nourrir un comportement plus erratique des marchés financiers au cours des prochains mois! Alors oui, il serait bien que les grandes banques centrales nous confirment que le rendez-vous de la fin du printemps devrait être le bon en ce qui concerne la baisse des taux directeurs.

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