La BCE se glissera-t-elle dans les pas de la Fed dès septembre?

François Savary

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Le choix est «cornélien» au moment où les signes de ralentissement se multiplient alors que l’inflation reste trop élevée, malgré une légère amélioration.

Montera ou montera pas? Tel est le choix clair auquel la Banque centrale européenne sera confrontée lors de sa réunion de septembre. Le choix est «cornélien» au moment où les signes de ralentissement se multiplient alors que l’inflation reste trop élevée, malgré une légère amélioration.

Du côté de Washington, les jeux semblent faits, grâce à des données économiques qui pointent dans le sens désiré par les grands argentiers américains. Un maintien des fonds fédéraux sur leur niveau actuel est très probable. Dans la logique en place depuis juin, la Réserve Fédérale devrait réaffirmer son message de flexibilité réactive face aux chiffres conjoncturels, tout en conservant un biais qui ne fermera pas la porte à une hausse complémentaire des taux, si les circonstances le justifient. A cet égard, les opérateurs de marché semblent de plus en plus convaincus que le processus de resserrement monétaire US est arrivé à son terme ; il est cependant fort vraisemblable que J. Powell ne devrait pas confirmer un tel message lors de la prochaine réunion du comité de la Fed, maintenant une forme d’incertitude qui sied à ce dernier dans les conditions actuelles.

Au cours des derniers mois, la «stratégie de stop and go» adoptée outre-Atlantique dans la gestion de la politique monétaire a suscité de nombreuses interrogations, pour ne pas dire des commentaires désapprobateurs sur l’opportunité de nourrir ainsi un manque de clarté nuisible à la crédibilité d’une institution qui est en mal de reconquête sur ce front. Je reste perplexe sur cet argument, sauf à croire que l’on peut éliminer «d’un coup de baquette magique» le choc inflationniste que l’économie mondiale traverse ou à nier la complexité de la situation à laquelle les comités de politique monétaire sont confrontés.

Aucune stratégie monétaire n’est sans risque et seul le temps permettra de juger si J. Powell et ses collègues ont eu raison d’opter pour celle qu’ils conduisent actuellement.

La BCE doit-elle prendre exemple sur son homologue US et s’engager dans la voie du «un pas en avant, deux pas en arrière»? Christine Lagarde a peut-être indiqué, dans un discours récent sur le besoin prioritaire pour la BCE de mieux faire comprendre ses prévisions d’inflation et les erreurs commises à ce sujet, que le temps de passer à une stratégie identique à celle de la Banque Centrale américaine est venu.

Alors que l’inflation reste mal maitrisée sur le vieux continent, on connaît la propension des plus «durs» du conseil de la BCE à ne pas relâcher les efforts pour faciliter un recul complémentaire de la hausse des prix en portant les taux à 4% dès septembre; pour madame Lagarde, résister à cette pression ne sera pas une chose aisée et pourtant je suis d’avis qu’elle y parviendra. Cela serait souhaitable au regard des chiffres économiques récents, des indicateurs avancés et de l’évolution du crédit en Europe.

La plus grosse erreur dans les conditions actuelles serait sans doute de se focaliser excessivement sur quelques dixièmes de pourcent de trop ou pas assez sur le taux d’inflation à court terme, alors que le combat contre celle-ci sera, on le sait, de longue haleine!

Au demeurant, il est également intéressant de relever les déclarations du Conseil de Stabilité Financière, dans le cadre de la préparation du G20 du week end, sur les risques et les chocs potentiels importants que l’économie mondiale pourrait connaître à moyen terme. A cet égard, la politique monétaire n’est pas la moins importante pour permettre d’y faire face.

Retrouver une forme de sérénité dans la conduite de la politique monétaire est un défi majeur pour tous les banquiers centraux qui ont clairement failli dans leur mission au cours des vingt-quatre derniers mois. Le chemin du «soft landing» pour l’économie mondiale, désormais très consensuel, reste étroit; il ne faut pas le cacher. Initialement très critiqué, le choix de la Réserve Fédérale d’opter pour une stratégie de «stop and go» n’est peut-être pas si mauvais que certains ont pu le dire. La BCE se laissera-t-elle convaincre? La réponse viendra rapidement, sachant que si la Fed doit faire attention de ne pas procéder au relèvement de trop, le défi auquel C. Lagarde et ses collègues sont confrontés est encore plus important au regard de la situation conjoncturelle européenne.

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