L’OCDE remet la question des déficits publics sur le tapis

François Savary

2 minutes de lecture

La faible croissance à court terme et l’augmentation du coût de la dette à brève échéance ne font que rendre plus ardue la gestion du problème.

A l’instar des autres institutions économiques internationales, l’OCDE a publié, la semaine dernière, ses prévisions pour la conjoncture mondiale; rien de folichon mais un message désormais assez consensuel que la croissance mondiale est en mesure d’éviter les affres d’une récession à horizon dix-huit mois.

Alors que le mois de mai nous a rejoué pour la énième fois le «psychodrame» du plafond de la dette américaine, finalement (pour ne pas dire logiquement) relevé, les opérateurs de marché sont désormais dans l’attente des décisions monétaires de la Réserve Fédérale cette semaine puis de la BCE dans un second temps; dans ce contexte, la récente publication de l’OCDE offre un chapitre intéressant sur une question que l’on a eu un peu tendance à occulter au cours des derniers mois au profit du «risque de récession» ou de «la crise de l’inflation», celle des finances publiques et de la menace qu’elles font planer sur l’économie mondiale à moyen terme.

Que les hommes politiques américains aient fait durer le (faux) «suspens» jusqu’à la dernière seconde pour caresser leurs électeurs dans le sens du poil à l’approche des élections de 2024 n’a rien d’étonnant. Nous avons désormais tout compris l’inutilité de la politisation de ce débat récurrent aux Etats-Unis, qui ne constitue qu’un effet secondaire d’une réalité première: la détérioration continue des finances publiques américaines depuis 2008. Ainsi, le ratio de la dette sur le PIB US a doublé en quinze ans, symbolisant on ne peut mieux la «gabegie» dans la gestion des finances publiques américaines au cours de la dernière décennie; j’avais en son temps écrit que la baisse des impôts mise en œuvre par D.Trump était la «plus stupide de l’histoire»; je persiste et je signe même si l’ex-Président n’est évidemment pas le seul à blâmer dans l’accélération vertigineuse de la dette américaine au cours de la dernière décennie.

L’Europe n’est évidemment pas en reste! A l’image du grand soulagement des autorités françaises après la décision d’un organisme de notation de maintenir le rating de leur dette souveraine. Nous savons tous que la perte de contrôle sur les déficits et la dette ne peut pas continuer ad aeternam sur le sol européen. A cet égard, le ministre allemand des finances, Christian Lindner, a donné de la voix au cours des derniers jours, dans le cadre des négociations sur la restauration d’un cadre global pour le contrôle budgétaire et financier - le célèbre Pacte de Stabilité 2 – dont on ne pourra pas faire l’économie à terme. La position «rigoriste» du ministre allemand, qui se dit d’ailleurs soutenu par d’autres, ne fait que démontrer une chose: même si l’on a eu tendance à éviter la question, il faut que l’Europe y apporte des réponses.

L’OCDE note, au passage, que la révolution numérique pourrait être un défi de plus à gérer dans le cadre de la question globale des finances publiques.

Dès lors, le coup de semonce de l’OCDE (« assurer la viabilité des finances publiques à long terme est devenue une nécessité plus urgente et les pouvoirs publics devraient en faire un objectif plus important ») ne pouvait mieux tomber ! L’organisation parisienne relève au passage que les efforts pour réduire les déficits publics primaires demeurent insuffisants dans un contexte de pression « considérable » à long terme en relation avec un vieillissement de la population et avec la transition climatique. La faible croissance à court terme et l’augmentation du coût de la dette à brève échéance ne font que rendre plus ardue la gestion du problème.

En outre, l’OCDE note, au passage, que la révolution numérique pourrait être un défi de plus à gérer dans le cadre de la question globale des finances publiques.

Nous vivons une période où le terme d’AI est sur toutes les lèvres et les études abondent, qui pour nous vendre l’émergence d’une nouvel Eldorado – hausse supplémentaire de 7 trillions de dollars du PIB mondial en dix ans en cas d’adoption massive de l’AI, progression de 3% de la productivité annuelle pour les entreprise -, qui pour nous dresser de très sombres prédictions (300 millions d’emplois pourraient être automatisés). Or, au regard de l’importance de la «révolution» que représente l’AI, l’OCDE ne pouvait évidemment pas ignorer la mention de ce phénomène dans son appréciation de la situation mondiale.

Le pire est toujours possible mais pas forcément probable… il n’en demeure pas moins que l’émergence de cette technologie constitue un élément supplémentaire qui doit être pris en compte dans la détermination d’un cadre global pour conduire un indispensable assainissement des finances publiques.

L’intelligence artificielle constitue-t-elle une chance pour faciliter la reprise en mains de déficits ou sera-t-elle une contrainte supplémentaire pour parvenir à gérer ce problème « considérable»? Nul ne le sait! Cependant, la pire des options pour les gouvernements serait d’espérer de manière candide que la révolution numérique en cours constitue un « oreiller de paresse » en ne misant que sur l’Eldorado que l’AI pourrait représenter !     

A lire aussi...