La pharma en suspens

Arthur Jurus, ODDO BHF

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En cas de nouvelles taxes US, l’impact devrait être absorbé principalement par les entreprises, avec des révisions baissières des bénéfices avant imposition de 3% à 6% en moyenne.

Les négociations commerciales se poursuivent et se bipolarisent entre la Chine (impact négatif sur les marchés obligataires) et les autres économiques qui bénéficient d’un moratoire de 90 jours sur les hausses tarifaires pour tous les autres partenaires (impact positif sur les marchés actions). Les taux 10 ans américains sont donc de nouveau à 4,5%. La baisse début avril était justifiée par le ralentissement économique mais l’escalade de tarifs douaniers entre les Etats-Unis et la Chine augmente le risque d’une inflation américaine rapidement à 4%, d’où le rebond des taux longs. Les Américains taxent les produits importés depuis la Chine à 145% et les Chinois taxent les produits importés depuis les Etats-Unis à 125%. Ce week-end, les smartphones, PC, semi-conducteurs, tablettes et écrans ont rejoint l’or et les produits pharmaceutiques sur la liste des produits non concernés par les tarifs douaniers. Les changements persisteront.

Pour la Suisse, la principale question en suspens reste la possible application de tarifs sur l’ensemble des produits pharmaceutiques exportés vers les Etats-Unis. Si de nouveaux tarifs douaniers étaient appliqués sur les produits pharmaceutiques, l’impact devrait être absorbé principalement par les entreprises, avec des révisions baissières des bénéfices avant imposition de 3% à 6% en moyenne. La situation serait plus problématique pour les sociétés génériques où les marges sont inférieures et dont la majorité des principes actifs provient d’Asie. Le coût supplémentaire sera partagé avec le payeur final, mais seulement en 2026, car les prix pour 2025 sont déjà négociés. En outre, ces nouveaux prix du médicament dépendront aussi de l’inflation.

En pratique et à court terme, l’effet de nouveaux tarifs prendrait effet dans plusieurs semaines en raison des stocks déjà constitués sur le marché américain. Les acteurs pharmaceutiques investiront pour renforcer leurs sites de production aux Etats-Unis, car ceux-ci sont sous-dimensionnés malgré leurs efforts post-pandémie. A moyen terme, (i) de nouvelles lignes de production seront mises en place, mais cela nécessite des délais plus importants en raison des coûts associés et des délais pour obtenir l’aval réglementaire, (ii) le prix des nouvelles molécules ayant une innovation démontrée sera plus élevé dans le futur, (iii) les prix des assurances privées aux Etats-Unis augmenteront.

En 2023, la Suisse a exporté pour 274 milliards de francs suisses, dont 52 milliards vers les Etats-Unis, dont près de 31 milliards liés aux produits pharmaceutiques. Une contraction de 20% des ventes correspondrait à une baisse de 0,1 point du PIB suisse. Les exportateurs suisses sont néanmoins habitués à une appréciation de leurs prix de 2,7% chaque année en moyenne depuis 25 ans. Il n’en demeure pas moins que des nouveaux tarifs pourraient rendre moins résilient l’économie suisse en cas de plus fort ralentissement économique mondial.

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