Le nouveau réalignement monétaire américain

Arthur Jurus, ODDO BHF

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Un «accord de Mar-a-Lago» pourrait succéder à Bretton Woods (1944) et au Plaza (1985). Dans ce contexte, le franc et l’or pourraient fortement en bénéficier.

Les hausses tarifaires décidées par les Etats-Unis semblent inaugurer une stratégie de réalignement monétaire visant à déprécier le dollar, réduire la dette fédérale et renforcer la compétitivité. L’accès au dollar et au marché américain deviendra plus contraint. Les taux obligataires ont logiquement baissé, tandis que les marchés actions ont fortement réagi, traduisant les incertitudes autour de la capacité du système mondial à s’adapter à ces nouvelles règles.

Les droits de douane servent à négocier l’ouverture des marchés étrangers aux produits américains et à inciter les entreprises à produire aux Etats-Unis. Leur niveau varie selon le déficit commercial avec chaque partenaire, révélant une hiérarchie: partenaires stratégiques (Canada, Mexique, Royaume-Uni), neutres (UE), ou opposés (Chine). Ceux qui ajustent leurs préférences en faveur des Etats-Unis pourraient conserver l’accès au dollar et à la sécurité militaire américaine, par exemple à travers l’OTAN, via un éventuel réarmement européen en matériel américain.

La Fed sera confrontée à un dilemme: baisse des taux à court terme pour soutenir l’économie, mais hausse potentielle à moyen terme si l’inflation repart.

La réduction de la dette fédérale est un autre objectif. Le ralentissement induit par les tarifs permet une baisse des taux longs, réduisant le coût du refinancement. Une baisse de 100 points de base sur le 10 ans US permet d’économiser 90 milliards de dollars, alors que 7200 milliards doivent être refinancés. L’administration peut alors allonger les maturités, proposer de nouvelles formes de dette (perpétuelles, zéro coupon), ou pousser la Fed et les créanciers étrangers à absorber plus de dette publique.

La dépréciation du dollar est aussi au cœur de cette stratégie. Monnaie de réserve mondiale, le dollar est surévalué, ce qui nuit aux exportateurs américains. Un réalignement monétaire, à l’image de ceux de 1934 ou 1971, semble probable. Un «accord de Mar-a-Lago» pourrait succéder à Bretton Woods (1944) et au Plaza (1985), avec des mécanismes pour contraindre les Etats à réduire leurs réserves en dollars ou à arrimer leur monnaie au billet vert afin de limiter sa chute.

Dans ce contexte, le franc suisse et l’or pourraient fortement en bénéficier. Le franc profiterait d’un ralentissement américain, d’une inflation supérieure à 3% et d’une baisse attendue des taux directeurs de la Fed. L’or serait soutenu par une inflation plus forte, des taux réels plus bas, et un changement de régime monétaire semblable à celui de 1971-1980, période durant laquelle son prix a été multiplié par 23.

La Fed sera confrontée à un dilemme: baisse des taux à court terme pour soutenir l’économie, mais hausse potentielle à moyen terme si l’inflation repart. Sa crédibilité pourrait être mise en cause, surtout si elle est contrainte d’acheter massivement de la dette publique, au risque de voir la valeur réelle de son bilan s’éroder et de participer à une monétisation de la dette.

A court terme, ces mesures fragilisent l’économie américaine. L’inflation importée pèsera sur le pouvoir d’achat et les marges des distributeurs. A l’approche des élections, l’administration pourrait contrebalancer ces effets en baissant les prix de l’énergie, en allégeant les normes ou en réduisant la fiscalité des ménages et des entreprises.

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