Le retour de Donald Trump au sommet de l’Etat américain s’accompagne d’un virage commercial marqué. Depuis plusieurs semaines, la multiplication des annonces de hausses tarifaires donne le ton: droits de douane de 25% sur les voitures importées, menaces sur les importations de cuivre, sanctions ciblées contre les importateurs de pétrole vénézuélien, ou encore intégration de la TVA étrangère dans les calculs tarifaires. Le plan de «réciprocité tarifaire», attendu pour avril, pourrait marquer une escalade majeure dans la stratégie protectionniste américaine.
Présentées comme une tentative de rétablir une forme d’équilibre commercial, ces mesures risquent surtout d’amplifier les tensions inflationnistes. D’après les données de la Fed de St. Louis, chaque point de hausse des tarifs pourrait ajouter 0,1 point d’inflation. En cumulé, les annonces actuelles pourraient générer une poussée de 1,2 point sur l’inflation annuelle – dont près de la moitié en impact direct, le reste via l’effet de contagion sur les prix domestiques. Si le plan de réciprocité est appliqué dans son intégralité, l’effet inflationniste pourrait dépasser les 2 points, dans un contexte où l’inflation s’établissait déjà à 2,8% en février, avec un pic potentiel à 3,5% d’ici la fin de l’été.
Cette pression sur les prix intervient au moment où l’économie américaine donne des signes d’essoufflement. Selon la Fed d’Atlanta, le PIB réel pourrait à peine croître de 0,2% au premier trimestre 2025, largement pénalisé par le commerce extérieur. Les entreprises, redoutant des hausses tarifaires imminentes, ont massivement avancé leurs importations: en janvier, celles-ci ont bondi de 11,9%, et les ports de Los Angeles et Long Beach ont vu leur activité croître de 22,7% sur un an.
Dans ce contexte, la Réserve fédérale se retrouve dans une impasse : entre la nécessité de contenir l’inflation et celle de soutenir une croissance fragile. Pour l’instant, une seule baisse de taux de 25 points de base est envisagée pour novembre, mais les marchés anticipent déjà jusqu’à trois ajustements en 2025 – preuve du décalage entre le discours officiel et les attentes des investisseurs.
Depuis la fin 2024, le tarif moyen appliqué aux importations américaines est passé de 2,5% à 7,7%, et pourrait atteindre 8,3% prochainement – un niveau inédit depuis les années 1940. En cas de guerre commerciale généralisée, ce chiffre pourrait même grimper à plus de 25%, rappelant les pratiques du XIXe siècle. L’environnement commercial se complexifie, l’incertitude économique augmente: l’indice d’incertitude politique dépasse désormais les pics de 2018. Parallèlement, les entreprises revoient leurs projets d’investissement à la baisse, et des coupes budgétaires ont été annoncées dans plusieurs agences fédérales, notamment dans les secteurs sociaux.
A court terme, l’emploi semble résister: le taux de chômage reste proche de 4%, mais la situation pourrait rapidement se détériorer si l’investissement et la consommation continuent de ralentir.
La stratégie actuelle des Etats-Unis repose sur un pari périlleux: rééquilibrer le commerce extérieur via des hausses tarifaires massives, dans un monde économique fragmenté et instable. Mais les conséquences dépassent la seule sphère économique. Déjà, des représailles commerciales se préparent: l’Union européenne envisage de réactiver 8 milliards d’euros de droits de douane sur certains produits américains emblématiques.