Ce n’est pas vraiment Broadway à Wall Street ces jours, l’ambiance y est morose, la stratégie totalement illisible de Donald Trump est passée par là. Pendant ce temps-là, de l’autre côté de l’Atlantique on sabre le champagne plus ou moins chaque jour, malgré une guerre voisine. Un alignement de circonstances explique le désamour en cours pour les actions américaines couplé à un retour en grâce de la vieille Europe. Trump n’est en réalité que le facteur déclencheur d’une prise de conscience européenne tardive mais bienvenue, l’Angleterre et l’Allemagne prennent les choses en mains, l’Allemagne surtout et son ambitieux plan à 500 milliards d’euros pour développer ses infrastructures et relancer sa défense. En parallèle, les dirigeants de l’UE font bloc autour de Volodymyr Zelensky, on élabore un plan à 800 milliards d’euros pour la défense du continent. En parallèle, l’espoir d’un cessez-le-feu en Ukraine persiste, les actions européennes sont nettement moins chères que leurs consoeurs américaines, elles ont beaucoup de rattrapage à effectuer en termes de performance alors que les intervenants se détournent de Wall Street, jugée trop chère, ayant extrêmement bien performé ces dernières années et polluée par la nouvelle administration en place à Washington DC.
Climat de prudence Downtown Manhattan donc, on ne le répétera jamais assez, les acteurs du marché détestent l’absence de visibilité plus que tout (cela les met dans un état d’esprit similaire à celui des joueurs des Lakers lorsqu’ils rentrent de Boston, c’est dire…). Hier soir Donald Trump donne interview à la maison à Fox News, durant laquelle il a un rare moment de lucidité et admet qu’une récession ne peut être écartée cette année. Et c’est bien là que tout pourrait se jouer dans l’année et demie à venir, période au terme de laquelle les élections de mi-mandat auront lieu aux Etats-Unis, or on sait que l’électeur vote en premier lieu avec son portemonnaie, si d’ici là la croissance de la première économie du monde se ratatine alors que les prix augmentent, cela pourrait changer la donne.
La journée de vendredi est notamment marquée par plusieurs interventions de membres de la Fed avant la période de silence précédant la réunion du FOMC du 19 mars. Le président de la Fed, Jerome Powell, ne modifie pas vraiment la tendance du discours, mentionnant un possible ralentissement des dépenses des consommateurs, une incertitude accrue et un marché du travail mieux équilibré. Il souligne que la Fed doit interpréter les signaux économiques avec prudence et qu’elle est en bonne position pour attendre une plus grande clarté. Par ailleurs, Michelle Bowman déclare qu’elle s’attend à ce que le marché du travail et l’activité économique jouent un rôle plus important dans les futures décisions de politique monétaire. Adriana Kugler observe une hausse des anticipations d’inflation et suggère que cela pourrait inciter la Fed à maintenir ses taux stables pendant un certain temps.
Dans un tel contexte, Wall Street réalise sa troisième semaine consécutive de repli. L’indice S&P500 (SPX) abandonne 3,1%, le Nasdaq Composite 3,5% et le Russell2000 (RTY, les petites capitalisations) 4%. La séance de vendredi est marquée par une nervosité toujours présente, le VIX a beau reculer de 6%, il reste en hausse de 19% sur la semaine, son niveau actuel est de 23,37, la zone 25-30 est intéressante. Léger rebond vendredi après la fessée de jeudi, les mastodontes de la tech son mitigés, on notera la performance historique de Tesla, qui a désormais perdu mille milliards de dollars de capitalisation boursière depuis son top et abandonné tous ses gains post élection de Donald Trump. C’est la pire semaine boursière du SPW depuis septembre, il a entamé un combat sans merci avec sa moyenne mobile à 200 jours qui évolue actuellement à 5733m points contre une clôture vendredi à 5770 pts. Son trend haussier entamé en octobre 2023 est désormais cassé. L’indice Nasdaq100 (NDX) termine sa séance à 20'201 pts contre sa 200 jours à 20’247 pts, il évolue pile sur le bas de son canal haussier entamé en janvier 2023, c’est chaud… Sur le front des monnaies, le dollar est dans les cordes comme rarement face à un euro qui ne s’est pas senti aussi bien depuis des décennies. La paire EUR/USD traite ce matin à 1,0816, il faut suivre le niveau de 1,1050 – 1,1100 de près, si elle s’en approche et le teste, cela impliquera une remise en cause de la tendance baissière de la monnaie unique européenne depuis 2008.
Sur le front obligataire, le rendement du 10 ans US traite ce matin à 4,25%, sa 200 jours évolue à 4,24%. Le marché des Fed Funds prévoit une baisse potentielle de 25 points de base par la Fed le 18 juin.
On quitte le côté désormais obscur de la force pour passer au côté éclairé et on y retrouve les acheteurs, qui se servent massivement en valeurs de la défense et aussi défensives, notamment dans les matériaux. On peut citer Hensoldt, fournisseur allemand de composants électroniques de défense, Rheinmetall, fabricant en parties du char Léopard, Thales, spécialiste des équipements technologiques et des systèmes de communication, Leonardo, qui conçoit et fabrique des systèmes de défense, Saab, producteur d’avions de combat, de missiles et de lance-roquettes, Dassault Aviation, BAE Systems et Airbus. L’indice Stoxx Europe 600 (SXXP) est inchangé sur la semaine, en Allemagne le DAX progresse de 2%, il est proche de son top et n’est pas suracheté. En Suisse le SMI réalise une performance hebdomadaire de +0,6%, il est tout proche de son record.
Au chapitre macro-économique, l'Allemagne met fin à l’austérité budgétaire avec son plan de relance de 500 milliards d’euros sur 10 ans, marquant un tournant majeur pour l’Europe. La BCE abaisse ses taux de 25 points de base pour la sixième fois consécutive, maintenant une politique accommodante malgré une inflation légèrement plus élevée que prévu. La BCE reconnaît que la relance allemande pourrait transformer l’économie européenne, mais souligne les défis structurels qui justifient une poursuite de la baisse des taux pour soutenir la croissance.
Aux États-Unis, la situation reste incertaine. Les indices PMI montrent une activité stable mais une inflation préoccupante. Les créations d’emplois en février sont légèrement inférieures aux attentes, tandis que les chiffres de janvier sont révisés à la baisse. La croissance des salaires est conforme aux prévisions, mais le taux de chômage est un peu plus élevé qu’anticipé. Les économistes ont exprimé des inquiétudes concernant la baisse du taux de participation et soulignent que le rapport de mars pourrait mieux refléter les effets des tensions liées au commerce et à DOGE. Les anticipations de baisse des taux par la Fed sont stables, autour de 77 points de base d’ici la fin de l’année.
En Chine, l’assemblée du Politburo confirme l’objectif de croissance de 5% pour 2025. Pour cela, elle va augmenter ses dépenses de 150 milliards de dollars et recourir aux emprunts d’État à hauteur de 230 milliards. Le déficit devrait atteindre 4% du PIB. Concernant la guerre commerciale avec les USA, la Chine va imposer des taxes entre 10 et 15% sur certains produits agricoles, ainsi qu’une restriction sur l’exportation des minéraux de terres rares. Cela explique la volonté de Trump de mettre la main sur les matières premières ukrainiennes et celles du Groenland.
L’ancien patron de la Banque Centrale du Canada, Mark Carney, remporte la course pour devenir le prochain Premier ministre, prenant les rênes à un moment délicat marqué par le différend commercial du pays avec les États-Unis. Il promet de maintenir les tarifs douaniers de rétorsion en place jusqu’à ce que «les Américains nous montrent du respect» et de faire du pays une «superpuissance énergétique.»
Elon Musk affirme que les États-Unis devraient quitter l’OTAN, estimant qu’«il n’est pas logique que l’Amérique paie pour la défense de l’Europe.» Pendant ce temps, Trump déclare avoir largement levé le gel du partage de renseignements américains avec l’Ukraine.
Au menu macro-économique du jour, la production industrielle allemande de janvier a été annoncée à 8h00. Elle est sortie meilleure que prévu, le chiffre de décembre a été révisé à la hausse.
Porsche Automobil accuse une perte de 21,7 milliards de dollars après impôts en raison de la dépréciation de sa participation dans Volkswagen. BBVA annonce qu'elle proposera des services de négociation et de conservation de bitcoins et d'éthers en Espagne. Tesla a effacé 1000 milliards de dollars de capitalisation et a reperdu les 48% gagnés depuis l'élection de Donald Trump. Les USA renoncent à obliger Google à vendre ses investissements dans l'IA dans le cadre d'une affaire antitrust. Robinhood paie 29,75 millions de dollars pour mettre fin aux enquêtes du régulateur américain.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en ordre dispersé. Tokyo progresse de 0,38% à la cloche, Hong Kong perd 1,85%, Shanghai égare 0,19%, Séoul prend 0,27% et le Nifty50 traite à l’équilibre. Le future SPX recule de 0,8% tandis que l’Europe ouvre à l’équilibre. L’or évolue légèrement au-dessus de 2900 dollars l’once, le baril de WTI Light Crude traite à 67,2 dollars.
On reparle de l’éternel dossier du shutdown aux Etats-Unis. Les républicains devraient faire adopter à la chambre des représentants un texte permettant aux administrations d'être financées jusqu'au 30 septembre. Ils ont besoin pour cela du soutien des démocrates au sénat, ce qui pourrait donner lieu à de nouvelles passes d'armes. La date butoir est fixée au 14 mars à minuit.