Pendant qu’Emmanuel Macron tente de garder la main en nous expliquant que les méchants sont à Moscou, que les gentils de Washington ne sont plus ce qu’ils furent et que l’Europe doit agir pour renforcer sa défense, à Berlin on agit. Sous la houlette du futur chancelier Friedrich Merz, les conservateurs de la CDU/CSU et les sociaux-démocrates du SPD trouvent un accord pour lever les restrictions du frein à l’endettement et débloquer des fonds colossaux afin de financer la défense et les infrastructures de l’Allemagne. Concrètement, il est décidé de créer un fonds spécial de 500 milliards d’euros dédié aux infrastructures, visant à stimuler la croissance et moderniser le pays. En parallèle, l’accord vise à assouplir les règles fiscales pour permettre une augmentation significative des dépenses de défense. Ces mesures combinées pourraient représenter plus de 1'000 milliards d’euros d’investissements, cela marque un tournant important de la politique budgétaire allemande.
Le marché a donc à sa droite une Europe revigorée par l’Allemagne et à sa gauche une économie américaine qui montre des signaux inquiétants de ralentissement de sa croissance, accompagnés d’une inflation renaissante, il ne manquerait plus que le rapport mensuel sur l’emploi de février aux Etats-Unis, qui sera publié demain, montre un ralentissement du marché américain du travail, le rapport ADP d’hier est tout sauf encourageant à ce sujet. Rappelons ici que les trois ingrédients qui permettent la mise en place du cauchemar des banquiers centraux, la stagflation, sont une croissance en berne, des prix en hausse et un marché de l’emploi anémique. En parallèle à ce tableau macro-économique qui s’assombrit, les Etats-Unis doivent faire avec leur girouette en chef, qui change d’avis comme de chemise et menace chaque jour un peu plus tout un chacun des pire maux.
Le comportement du président des Etats-Unis commence à fatiguer plus d’un intervenant du marché, il implique une volatilité persistante, une absence crasse de visibilité et la nécessité de regarder ailleurs pour des investisseurs américains habitués depuis longtemps à investir «local». Les actions européennes ont retrouvé grâce aux yeux du plus grand nombre depuis le 20 décembre, c’est désormais au tour de l’euro d’être recherché, la paire EUR/USD traite ce matin à 1,0800, vendredi soir passé elle évoluait à 1,0360, un tel mouvement sur une monnaie est violent, la paire a désormais cassé ses moyennes mobiles à 50, 100 et 200 jours, elle lorgne vers 1,0937, puis 1,1150 – 1,1200, si elle casse ce niveau elle s’extirpera par le haut de son canal baissier entamé en décembre 2009. Le marché des options est de plus en plus positif sur l’euro, il price actuellement la paire à 1,20 dans les mois prochains. On recherche aussi massivement les bons du Trésor Allemand, le rendement du 10 ans Bund traite ce matin à 2,87%, lundi il évoluait à 2,41%, sa prochaine résistance se trouve à 3,02%, c’est le plus haut atteint durant la séance du 4 octobre 2023. C’est qu’il va falloir financer tout cela, ce n’est pas gratuit. On observe par ailleurs une pression acheteuse croissante sur la bourse allemande, le DAX décolle de 3,4% hier, il récupère quasiment d’un coup les 3,5% perdus la veille et gagne encore 1,1% ce matin, contre une avancée de 0,5% de l’Eurostoxx50.
En parallèle à cette passion subite du marché pour l’euro, le dollar semble être devenu radioactif tout aussi subitement, au-delà des trumpitudes que qui vous savez lui fait subir, les Fed Funds prévoient désormais trois baisses de taux par la Fed cette année encore, tandis que le marché doute de plus en plus que la BCE coupe les siens comme anticipé il y a encore peu. Ce matin Goldman Sachs indique prévoir moins de baisses de la BCE à cause du plan d’investissements allemand. Ça tombe bien, la BCE annonce sa décision sur les taux aujourd’hui, les économistes prévoient une coupe de 25 points de base, pour la suite le discours de Christine Lagarde sera très écouté et peut-être le plus important cette année. En l’état, le marché n’est plus convaincu de rien à ce sujet, hormis pour la réunion d’aujourd’hui.
Parlons un peu de Wall Street, on se souvient que Donald Trump y était très sensible pendant son premier mandat, alors que depuis son retour à la Maison-Blanche il semble avoir changé d’approche. Mais Wall Street pourrait bien être en train de le forcer à changer de fusil d’épaule, les craintes croissantes de récession relayées par la bourse conduisent l’administration Trump à piloter sa stratégie aux instruments. Dernier changement de cap hier avec l’annonce d’une exemption d’un mois pour les marchandises mexicaines et canadiennes liées au secteur automobile, après que les CEOs de Stellantis, Ford et GM aient lancé un appel de détresse. C’est l’excuse du jour choisie par les intervenants pour racheter (un petit peu) les actions américaines. On garde aussi en tête que les moyennes mobiles à 200 jours avaient quasiment pris le pouvoir mardi en effectuant un excellent travail, confirmé hier sur le S&P500 (SPX) et le Nasdaq100 (NDX) qui rebondissent tous deux aux alentours de leur 200 dma respective, un bon point technique pour le marché. Les mastodontes de la tech portent le marché, la volatilité recule de 6% mais le VIX reste aux alentours de 22, un niveau relativement élevé, il progresse d’ailleurs à la hausse ce matin déjà. Le rendement du 10 ans US remonte à 4,32%, il regarde sa prochaine résistance à 4,40% (100 jours).
Les indices américains d’actions ont rebondi hier, mais on ne peut s’empêcher de pense à un dead cat bounce, le future SPX recule perd d’ailleurs 40 points ce matin.
Au menu macro-économique du jour, la décision de la BCE sur ses taux (14h15) puis aux Etats-Unis l’étude Challenger sur l'emploi (13h30), les inscriptions hebdomadaires au chômage et les statistiques trimestrielles sur la productivité et le coût de la main d'œuvre (14h30), enfin les stocks des grossistes (16h00).
Logitech vise un rachat d'actions de 2 milliards de dollars et confirme ses perspectives pour 2025. ON Semiconductor propose de racheter Allegro MicroSystems pour 6,46 milliards de dollars (35,10 USD l'action). L'offre est repoussée par Allegro. Tesla va construire une nouvelle méga-usine au Texas, selon Electrek. Seven & I prévoit d'introduire en bourse sa filiale nord-américaine de magasins de proximité à partir de 2026, selon Nikkei. Rio Tinto investit 1,8 milliard de dollars dans le développement de la mine de fer Brockman dans la région de Pilbara. Alibaba progresse de 8% à Hong Kong après avoir lancé un modèle d’intelligence artificielle qui peut selon lui concurrencer DeepSeek.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse. Tokyo gagne 0,77% à la cloche, Hong Kong décolle de 3,29%, Shanghai monte de 1,17%, Séoul prend 0,7% et le Nifty50 avance de 0,77%. Le future SPX perd 40 points et l’Europe traite en hausse de 0,4%.
L’absence de visibilité et la volatilité actuelle du marché incitent à ne pas agir avec précipitation.