Ça ne rigole plus du tout à Wall Street. Les ours frappent de plus en plus fort à la porte de taureaux désemparés, la peur d’un ralentissement brutal de la croissance économique des Etats-Unis se faufile dans les esprits échaudés de tout un chacun. La guerre économique agressive entamée par le grand blond aux idées noires fait non seulement resurgir le spectre de l’inflation dans toutes les têtes (sauf la sienne) mais aussi craindre désormais pour le PIB de la première économie du monde. Il existe un mot pour définir ce phénomène: stagflation. Elle transforme le mandat de la Fed (assurer la stabilité des prix et favoriser un niveau d’emploi élevé et stable) en mission quasiment impossible. Les récentes statistiques macro-économiques (ISM manufacturier) publiées lundi ont déjà montré des prix en nette hausse. En parallèle le Citigroup Economic Surprise Index est au plus bas depuis six mois et deux CEOs plombent l’ambiance hier, les patrons de Best Buy et Target avertissent que la politique de taxes douanières décidée par le président des Etats-Unis va entrainer des augmentations de prix dans leurs magasins.
Et Wall Street de poursuivre hier son repli entamé le 19 février. L’indice S&P500 (SPX) a désormais effacé sa hausse post élection présidentielle du 5 novembre, le Nasdaq100 (NDX) entre brièvement en territoire de correction en séance (-10% depuis son dernier top) mais parvient à éviter la «correctionnelle» à la cloche. Les volumes d’échanges sont soutenus, le breadth est déplorable, les optimistes diront que les indices rebondissent en séance pour s’éloigner de leurs bas du jour en clôture, les réalistes objecteront qu’hier le marché américain des actions est sauvé par ses moyennes mobiles à 200 jours. C’est en réalité un véritable coup de semonce que les ours envoient aux taureaux, le boulet passe tout près. Le scénario est planté, ce sont les moyennes mobiles à 200 jours qu’il faut désormais suivre, voyez plutôt: le SPX atteint 5732 points à son plus bas hier, sa 200 jours évolue à 5725 pts, il termine la séance à 5778 pts. Le NDX termine sa journée à 20'352 pts après avoir reculé jusqu’à 20'034 pts, sa 200 jours évolue actuellement à 20'221 pts. Le SPW (S&P500 équipondéré) fait exactement la même chose (clôture à 7089 pts contre la 200 jours à 7089 pts). Je marque ici une pause avec les 200 jours, vous devez vous lasser. Cela dit, le comportement des indices d’hier montre clairement que les traders ont pris les choses en mains, ce qui se produit bien souvent lorsque le marché dispose d’une visibilité similaire à celle que l’on peut parfois observer dans la joyeuse région de la Broye.
Le podium du jour du SPX se compose de la tech, des services de communication et de l’énergie. Les mastodontes de la tech clôturent en repli dans leur majorité, hormis Nvidia (NVDA +1,67%) et Alphabet (GOOG +2,34%). Les valeurs liées à l'IA, les actions les plus shortées (vendues à découvert), les actions mèmes, les entreprises technologiques non rentables, les semi-conducteurs, l’aluminium, les soins de santé gérés, la tech chinoise et les logiciels figurent parmi les meilleurs performances du jour. Les financières souffrent passablement hier, pénalisées par les craintes de ralentissement économique. La volatilité progresse de 3%, le VIX clôture à 23,51 après avoir atteint 26,35 plus tôt dans la séance. Son alter ego obligataire le MOVE gagne aussi 3%, il termine à 108,87 et signale une nervosité croissante dans la communauté obligataire, où le rendement du 10 ans évolue à 4,23%, pile sur sa… 200 jours mais oui! Au sujet des taux, les Fed Funds s’attendent désormais à trois baisses de 25 points de base chacune par la Fed cette année encore, cela évolue rapidement et illustre les inquiétudes montantes autour de la croissance américaine.
On observe d’ailleurs ces préoccupations à tous les étages du monde de la finance, comme par exemple sur le dollar, l’indice Dollar Index recule ce matin à 105,15, il s’approche de sa… 200 jours! (ndlr: ne tirez pas sur le messager pleeeze) qui se trouve elle à 105,02. En parallèle à ce désamour grandissant pour le billet vert, le marché semble démarrer une idylle avec l’euro, la paire EUR/USD décolle ce matin à 1,0689, elle a enfoncé au passage sa moyenne mobile à 100 jours et regarde désormais sa… 200 jours (je sors) à 1,0722. L’euro semble de plus en plus s’imposer comme un gagnant face au dollar, porté par les doutes sur l’économie américaine et les initiatives budgétaires européennes. La politique tarifaire imprévisible de Trump et les risques de récession aux États-Unis affaiblissent le greenback, tandis que l’Allemagne annonce un plan d’investissement historique. La BCE pourrait limiter ses baisses de taux et les attentes d’un assouplissement monétaire aux États-Unis renforcent la monnaie unique. Avec un optimisme croissant en Europe, notamment grâce à un possible apaisement en Ukraine, la devise européenne semble sur une trajectoire ascendante.
Au chapitre macro-économique, le secrétaire au Trésor des Etats-Unis Bessent affirme que l’administration Trump se concentre sur le moyen terme et privilégie l’économie réelle (Main Street) plutôt que la finance (Wall Street), en insistant sur la nécessité de rééquilibrer l’économie. Le président de la Fed de New York John Williams surveille de près les attentes en matière d’inflation et s’attend à une forte répercussion des tarifs douaniers sur les consommateurs.
Sous nos monts quand le soleil… En Helvétie cela se passe plutôt pas mal, du moins en relatif ces jours. L’indice SMI clôture à 13'006 points hier, il traite au plus bas à 12'991 pts et teste donc avec succès son top du 3 janvier 2022 établi à 12'997 pts. On se souvient qu’une golden cross s’est produite sur l’indice le 13 février, le SMI n’est plus suracheté et, cerise sur le gâteau, le franc s’affaiblit contre l’euro, je répète, le franc s’affaiblit contre l’euro, ce qui se produit grosso modo tous les passages de la comète de Halley. La paire EUR/CHF traite à 0,9494, elle tente de casser sa… 200 jours! Qui se situe à 0,9459. La configuration technique du SMI est plus solide aujourd’hui qu’il y a une semaine.
Donald Trump demande la fin du programme de subventions de 52 milliards de dollars du Chips Act et défend son usage des tarifs douaniers lors de son discours devant le Congrès. Il affirme également avoir reçu une lettre de Volodymyr Zelenskiy indiquant que l’Ukraine est prête à négocier pour mettre fin à la guerre avec la Russie et signer un accord sur les minerais.
Les contrats à terme sur le Bund prolongent leur baisse après que Friedrich Merz annonce que l’Allemagne va modifier sa constitution pour exclure les dépenses de défense et de sécurité des restrictions budgétaires et créer un fonds d’infrastructure de 500 milliards d’euros.
La Chine fixe son objectif de croissance à environ 5% pour 2025, alors que débute le Congrès national du peuple. Son déficit budgétaire visé atteint environ 4% du PIB, un niveau inédit depuis plus de trente ans.
Au menu macro-économique du jour, les PMI des services pour février, dans leur lecture finale, seront publiés tout au long de la journée pour les principales économies. Notamment aux Etats-Unis, où les investisseurs vont aussi prendre connaissance de l'enquête sur l'emploi d'ADP (14h15), des commandes d'usines (16h00) et des stocks pétroliers (16h30).
Thales met en garde les gouvernements contre la dépendance à l'égard des systèmes de type Starlink. Stellantis met en garde ses concessionnaires contre les conséquences des droits de douane et déclare être en pourparlers avec l'administration Trump. Bayer prévoit une amélioration en 2026 après une baisse des bénéfices cette année. Adidas prévoit une croissance à un chiffre en 2025. Sandoz voit son bénéfice net chuter en 2024, mais son chiffre d'affaires net augmente. CrowdStrike perd 9% hors séance après ses trimestriels. Walt Disney va réduire ses effectifs globaux de près de 6%, selon le WSJ. Google, filiale d'Alphabet, exhorte le gouvernement américain d'éviter le démantèlement de l'entreprise. Prada affiche une croissance de 25% de son bénéfice en 2024 et une hausse de 17% de son chiffre d'affaires.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse, le sentiment du marché se porte un peu mieux. L'embellie est alimentée par les déclarations du secrétaire américain au commerce, Howard Lutnick, qui laisse entendre qu'il pourrait y avoir un allègement des droits de douane visant le Canada et le Mexique. Tokyo grappille 0,23%, Hong Kong décolle de 2,84%, Shanghai avance de 0,53%, Séoul monte de 1,15% et le Nifty50 prend 1,14%. Le future SPX récupère 44 points et l’Europe ouvre en hausse de 2,1%. L’or remonte légèrement à 2920 dollars l’once, le pétrole reste cantonné à 67,77 dollars.
Le mot d’ordre du jour: on garde donc un œil attentif sur les moyennes mobiles à 200 jours…