Le Vendée Globe touche à sa fin, il reste un marin en mer, magnifique perdant qui devrait rejoindre les Sables d’Olonne demain après-midi. La fermeture officielle de la ligne a eu lieu ce matin à 8 heures, le dernier skipper encore en course ne sera donc pas classé mais on ne peut s’empêcher d’admirer Denis Van Weynbergh, qui garde le cap et ne lâche rien.
À une toute autre échelle, le navire «USA» tangue de plus en plus, l’apprenti capitaine aux manettes ne maintient pas le cap, les passagers commencent à avoir la nausée et Wall Street ne fait pas exception. La journée d’hier semble marquer un tournant, le marché en a assez des changements de stratégie du président des Etats-Unis, qui semble manifestement naviguer aux instruments. Donald Trump avait dans un premier temps annoncé des droits de douane de 25% à l’encontre du Canada et du Mexique, puis avait fait marche arrière en leur «accordant» un délai d’un mois jusqu’au premier avril, puis avait changé d’avis pour réannoncer ces droits plus vite que prévu, pour décider en début de cette semaine que le secteur automobile serait épargné, du moins provisoirement et, goutte d’eau qui fait déborder le vase du marché hier, finalement exempter tout le monde pour un mois jusqu’au 2 avril. À ce stade, je vous suggère de revoir le film de Claude Lellouche «tout ça pour ça».
Le président des Etats-Unis parle beaucoup et menace tous azimuts. Ses mots perdent en crédibilité jour après jour, le problème du marché réside dans l’écran d’incertitudes que Donald Trump dresse devant l’économie, la bourse, les entreprises, or on sait combien les intervenants abhorrent l’absence de visibilité. Ils ont patienté bien longtemps, ce temps semble écoulé, les acteurs s’agacent et le font savoir au président, qui se sent obligé hier de déclarer qu’il ne regarde pas la bourse, tout un chacun sait que rien n’est plus faux.
Ce matin le Financial Times publie un article à ce sujet, qui raconte qu’après l'élection de Donald Trump, l'enthousiasme des investisseurs a propulsé les marchés américains à des niveaux records. Cependant, quelques mois plus tard, l’impact de sa politique «America First», notamment les tarifs douaniers, a commencé à inquiéter les marchés, provoquant un ralentissement économique et une baisse du dollar. Parallèlement, l’Europe a adopté des mesures de relance, boostant ses propres marchés financiers. Les indices européens ont dépassé Wall Street et des actions comme celles du secteur de la défense en Allemagne ont fortement grimpé. Le revirement a été tel que les investisseurs parlent désormais d’un basculement de la stratégie «Make America Great Again» vers un «Make Europe Great Again». Les perspectives de croissance aux États-Unis se sont assombries, entraînant des prévisions de baisses de taux d’intérêt par la Réserve fédérale, tandis que l’Europe revoit ses attentes à la hausse. Ce changement de dynamique entre les deux continents pourrait marquer un tournant majeur pour les marchés financiers mondiaux. L’article du FT résume bien la situation actuelle.
C’est dans ce contexte que l’indice S&P500 (SPX) termine sa séance d’hier quasiment au plus bas du jour. Cela fait six sessions que le SPX bouge de plus de 1% en clôture, on n’avait plus observé un tel phénomène depuis 2020, cela illustre la nervosité croissante des acteurs du marché, le VIX grimpe d’ailleurs de 14% hier, il clôture à 24,87 et se trouve désormais aux portes de l’intéressante zone 25 – 30. Le SPX semble bien parti pour réaliser sa pire semaine depuis septembre. Au chapitre des secteurs, le podium du jour des mauvais élèves se compose de la consommation discrétionnaire, de l’immobilier et de la tech. Les semi-conducteurs sont massacrés, grâce à Marvel qui sombre de 20% après ses résultats, ils se consoleront peut-être aujourd’hui avec Broadcom, qui a publié de bons chiffres après la cloche. Les géants de la tech ne sont pas épargnés, le sentiment du marché évolue vite, je note ceci dit que celui des petits porteurs (dumb money) s’effondre tandis que les institutionnels (smart money) semblent retrouver une certaine forme d’optimisme, intéressant et à suivre.
L’incertitude entourant les plans de tarifs douaniers de Trump cause donc de sérieuses préoccupations sur les marchés. Certains économistes craignent que cette incertitude ne pèse sur le moral des investisseurs au point de provoquer une récession. David Rosenberg de Rosenberg Research souligne que dans le rapport Beige Book de la Réserve fédérale publié mercredi, le mot «incertitude» a été mentionné 45 fois et «tarif» 49 fois, contre 23 en janvier.
On comprend mieux pourquoi les investisseurs se tournent vers des titres plus défensifs tels que Verizon (+3,2%), UnitedHealth (+2,5%) ou McDonald's (+1%). Nvidia perd 5,7% supplémentaires, portant ses pertes à 22% sur trois mois. Les financières sont à suivre, elles reculent de 1,7% hier, inquiètes de la dégradation du contexte économique.
On gratte la surface du marché et on constate que le SPX teste sa moyenne mobile à 200 jours en séance pour clôturer à 5738 points contre la 200 dma à 5730 pts. En revanche l’indice a désormais cassé sa tendance haussière entamée en octobre 2023. Le Nasdaq100 (NDX) a quant à lui cassé sa 200 jours, il clôture 52 petits points au-dessus du niveau de 20'000 pts, a perdu 10% depuis son top du 19 février et entre donc techniquement en phase de correction, tout en clôturant tout en bas de son canal haussier entamé en janvier 2023. Pour sa part l’indice S&P500 équipondéré (SPW) casse aussi sa 200 jours à la cloche. Le Russell2000 (petites capitalisations) sous-performe nettement le reste de la cote depuis quelques temps, il voit un support à 2000 points, clôture hier à 2066 pts. Pour le reste, le breadth du marché est clairement négatif, force est de constater que les indicateurs internes de marché et techniques se détériorent manifestement, voyons ce que le rapport mensuel sur l’emploi américain nous apprendra cet après-midi.
En Europe, les indices Stoxx Europe 600 (SXXP) et Swiss Market Index (SMI) vous saluent bien, ils flirtent avec leurs sommets grâce à Donald et son MEGA.
L’euro est en train de mettre le dollar au tapis, la paire EUR/USD traite ce matin à 1,0844, elle voit une résistance très importante à 1,1150 – 1,1200, si elle la traverse elle remettra en cause toute la tendance baissière entamée par la monnaie unique européenne en 2009. En parallèle, les traders se positionnent en vue de 1,20 dans les mois qui viennent (MEGA?). Cette force de l’euro est aussi alimentée par les attentes du marché de 3 baisses de taux par la Fed cette année encore, alors que la BCE nous confirme hier qu’elle va très probablement ralentir le rythme de son propre cycle de coupes.
Sur le front obligataire, le 10 ans US rend 4,25% ce matin, il a sa 200 jours à 4,24% et sa prochaine résistance à 4,40%. En Allemagne, le 10 ans Bund rend 2,84%, il a réalisé cette semaine un décollage plus vu depuis 1990, sa résistance se situe à 3,02%, c’est le top en séance du 4 octobre 2023.
La Banque centrale européenne (BCE) abaisse son taux directeur de 25 points de base, le portant à 2,5%, une décision qui était attendue par les investisseurs. Il s’agit de la sixième baisse depuis juin 2024. Cependant, la BCE laisse entendre que le cycle de baisse des taux touche à sa fin. La BCE souligne que sa politique devient moins restrictive, rendant les emprunts moins coûteux et accélérant la croissance du crédit pour les entreprises et les ménages.
Trump signe des ordres suspendant les tarifs sur les produits canadiens et mexicains conformes à l'accord commercial USMCA jusqu'au 2 avril. Environ 62% des importations canadiennes et la moitié des produits mexicains restent néanmoins soumis à ces mesures.
Les exportations chinoises atteignent un record de 540 milliards de dollars depuis le début de l’année, stimulées par l’anticipation des hausses de tarifs américains. Cependant, cette augmentation est inférieure aux attentes, et Bloomberg Intelligence estime que la baisse surprise des importations révèle une faiblesse de l’économie.
Trump souhaite lier l’accord proposé entre les États-Unis et l’Ukraine sur les minerais à l’engagement de Kiev en faveur d’un cessez-le-feu rapide avec la Russie, selon l’agence Bloomberg. Les États-Unis n’hésiteront pas à appliquer des sanctions maximales sur l’énergie russe si cela peut contribuer à un accord, déclare Scott Bessent.
Au menu macro-économique du jour, les commandes d'usines allemandes (faibles), la balance des comptes courants et la balance commerciale en France (le déficit se creuse) puis, aux Etats-Unis, les variations de l'emploi non agricole et le taux de chômage (14h30).
Sycamore va racheter Walgreens Boots pour 23,7 Mds$, soit 11,45 USD par action. Meta prévoit d'introduire des fonctions vocales améliorées dans son dernier modèle de langage large open source, Llama 4, selon le FT. Le conseil d'administration de Nissan se réunira le 11 mars pour discuter des successeurs potentiels du CEO, selon Reuters. Samsung Electronics cherche un responsable des affaires publiques américaines ayant des liens avec Trump, selon la presse.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse. Tokyo perd 2,17% à la cloche, Hong Kong rend 0,57%, Shanghai abandonne 0,25%, Séoul égare 0,49% et le Nifty50m traite pile à l’équilibre. Le future SPX récupère 10 points et l’Europe ouvre en repli de 1,2%.
L’analyse technique montre une claire détérioration des principaux indices boursiers des Etats-Unis, la volatilité a significativement progressé, le marché semble avoir perdu patience à l’égard de qui vous savez. Dans un tel contexte, garder le cap et ne pas précipiter de décisions est important. En parallèle, saisir des opportunités, par exemple en produit structurés, aussi.