Les systèmes de santé et de retraite avancent lentement mais sûrement vers l’abîme faute d’un financement adéquat. «En clair, les hommes politiques des États-Unis et d'autres pays ont créé des programmes de droits et de transferts qui sont tout à fait inabordables. Pourquoi ? Parce qu'il y aura de plus en plus de personnes âgées qui demanderont des prestations et de moins en moins de contribuables en âge de travailler pour financer ces avantages», résume l’économiste Daniel Mitchell sur son blog. Les questions de santé, de fertilité, de vieillissement sont-elles vraiment urgentes dans les pays industrialisés?
A ce sujet, la situation de l’Allemagne inquiète, elle qui fut autrefois la locomotive de l’Europe mais qui a perdu un quart de ses emplois manufacturiers depuis le covid, selon le Financial Times. «Pourtant, durant l’actuelle campagne électorale, l’Allemagne a ignoré les questions de santé», constate l’économiste Daniel Stelter, dans la Handelsblatt.
La crise démographique n’est pas un thème à la mode, à la différence de l’intelligence artificielle, de l’immigration et du réchauffement climatique. Le vice-chancelier allemand a récemment avancé l’idée de faire davantage appel aux marchés financiers pour financer les besoins de santé. Mais l’ajout d’une nouvelle source de financement ne servirait qu’à poursuivre temporairement le même chemin sans résoudre le problème de fond, juge Daniel Stelter.
En matière de santé, l’Allemagne dépense 8440 dollars par habitant, soit un peu moins que la Suisse (9688 dollars). La question principale que nos voisins doivent se poser est celle de l’efficience du système, selon Daniel Stelter. Or elle est très médiocre, avec 7,98 lits d’hôpital pour 1000 habitants, contre 4,63 en Suisse. Le potentiel d’économie est manifeste. Il devrait passer par la digitalisation du système allemand, qui est estimé à 12% par McKinsey, pour ce système de 343 milliards d’euros. Le gain serait de 47 euros par assuré. Ce potentiel d’efficience n’est pas utilisé parce que les autorités refusent de s’attaquer aux nombreux intérêts particuliers représentés dans ce dossier, juge Daniel Stelter.
Le vieillissement démographique, en particulier la baisse de la fertilité, amène Jesús Fernández-Villaverde, chercheur à l’American Enterprise Institute, à parler de «crise existentielle» au plan global. Dans une analyse publiée par l’AEI, il révèle qu’au plan global, le taux de fertilité est probablement dès maintenant trop faible pour assurer le «remplacement» naturel de la population. Aux Etats-Unis, le taux est de 1,6, en Suisse de 1,39, en Allemagne de 1,46, alors qu’il faudrait atteindre 2,18%. La tendance est générale puisqu’elle se vérifie dans les pays industrialisés comme dans les pays émergents (sauf en Afrique sub-saharienne et en Asie centrale), dans les pays riches comme dans les pays pauvres, dans les pays religieux comme dans les pays sécularisés, dans les pays qui ont une politique restrictive à l’égard de l’avortement comme dans les pays plus laxistes. Même la France ne fait plus exception à la baisse de la natalité, comme le montre une récente video du Figaro organisée par Eugénie Bastié (https://video.lefigaro.fr/figaro/video/la-demographie-cest-le-destin-retrouvez-le-club-le-figaro-idees-presente-par-eugenie-bastie/).
«La crise démographique n’est pas un thème à la mode, à la différence de l’intelligence artificielle, de l’immigration et du réchauffement climatique».
Crise de la croissance
Le problème est économique, note le blog de l’AEI. Sans croissance économique, la crise de la santé et des retraites ne peut qu’empirer. Malheureusement, les perspectives sont décevantes. La croissance économique est la somme de la productivité (production par actif) et de l’évolution de la main d’oeuvre. Aux Etats-Unis, depuis plus d’une siècle, la croissance à long terme du taux de productivité est de 1,9% et la croissance économique de 2,9%, selon l’AEI. Mais une cassure est en train de se produire. Le nombre d’actifs devrait diminuer de 1% par an si bien qu’en moyenne la croissance économique annuelle tombera à 0,9%. L’Amérique est donc menacée d’une forme de «japonisation» de son économie. Le déclin annuel de la population active japonaise a atteint 0,54% entre 1991 et 2019, ce qui a pesé sur sa croissance économique. Pendant cette période, la population active des Etats-Unis a augmenté de 0,91% par an, en raison du taux de fertilité et de l’immigration.
Le taux de croissance économique sera, comme le démontre Jesus Fernandez-Villaverde, crucial pour financer les retraites, la santé, la dette publique et les dépenses militaires. Le ralentissement économique causé par le vieillissement est une mauvaise nouvelle non seulement pour les assurances sociales et la dette mais aussi pour l’environnement parce qu’elle réduira les budgets consacrés à ce domaine, juge l’AIE.
L’appel à l’immigration n’est pas la solution, poursuit l’AEI, parce que les migrants sont majoritairement des receveurs nets du système social. L’IA n’est pas davantage la solution en raison du paradoxe de Moravec. En effet, les problèmes liés au vieillissement peuvent être gérés par des services de soins à la personne et non par des algorithmes.
Le retour des politiques familiales?
La solution au vieillissement démographique reste incertaine, reconnaît Jesus Fernandez-Villaverde. Une politique familiale plus active peut améliorer le taux de fertilité, par exemple en améliorant l’accès à l’immobilier ou en réformant le système éducatif. Mais l’exemple hongrois montre que les couples réagissent très peu aux incitations financières. Pour l’AEI, la crise de la fertilité est encore plus importante que le sujet du réchauffement climatique. Les technologies permettant la transition existent déjà en partie et il ne manque que la volonté politique. Face au défi démographique, les autorités n’ont pas encore de solution.
Pour Daniel Mitchell, il reste deux solutions: «La première option consiste à ne rien faire, à faire traîner les choses en longueur, puis à subir une sorte de crise que les politiciens utiliseront comme prétexte pour augmenter massivement les impôts, ce qui sera suivi d'un déclin et d'une crise encore plus importants. La seconde option est de s'engager dans une réforme globale des droits, notamment en apportant des corrections à la sécurité sociale.» Pour l’instant, aucun pays industrialisé ne s’est résolument attaqué à ce défi, même pas l’équipe de Doge liée à l’efficacité de l’Etat aux Etats-Unis. Mais ce n’est pas en ignorant les problèmes que le financement de la santé et des retraites sera assuré.