Le président américain a signé un décret qui prévoit la création d’un fonds souverain pour les Etats-Unis. Si Donald Trump a loué les avantages de disposer de l’un des plus grands fonds souverains au monde, il est resté flou sur ses objectifs et sa mise en œuvre. Le Secrétaire au Trésor Scott Bessent a promis de le mettre sur pied en 12 mois et précisé qu’il répondrait aux meilleures pratiques. Il a ajouté que son objectif consisterait à monétiser l’actif du bilan des Etats-Unis. L’idée avait déjà figuré dans les promesses de campagne de Donald Trump, note le Wall Street Journal. Son financement devait provenir des recettes des droits de douane et l’un des investissement possibles pourrait être une participation dans le réseau social TikTok. Aujourd’hui, les critiques ont fusé, de droite comme de gauche. Que faut-il en attendre?
Un fonds souverain est généralement financé par les excédents de revenus de ressources naturelles, par exemple en Norvège et en Arabie Saoudite. Les Etats-Unis ne sont pas dans cette situation puisqu’ils souffrent d’un énorme déficit public et d’une dette abyssale. En réalité, les Etats-Unis disposent déjà d’un fonds souverain mais il est dans une piètre situation (failed Sovereign Fund), ironise Ross Marchand, sur Substrack, il s’agit du service postal USPS. Créé en 1775, il dispose d’énormes actifs, à travers son réseau d’agences, de camions et d’immeubles et environ un demi-million d’employés mais il est en déficit. Les causes sont nombreuses, «des contrats de travail pléthoriques à la sous-évaluation probable des parcelles par l’agence».
«Le processus conduit les Etats-Unis, à son avis, à une forme de socialisme, «l’Etat devenant le propriétaire de larges pans de l’économie».
Un fonds pour les politiciens?
Si Donald Trump imagine les vertus possibles de ce fonds, de la promotion d’une politique budgétaire durable, à la sécurité économique des générations futures en passant par un leadership économique et stratégique, l’éditorial du Wall Street Journal n’a pas tort d’y voir avant tout un «fonds souverain pour les politiciens»: Il «prélèverait des ressources sur l'économie privée, financerait des gaspillages politiques et perturberait les décisions commerciales des entreprises privées». L’économiste Tyler Cowen, créateur du blog marginal revolution, va plus loin. Le processus conduit les Etats-Unis, à son avis, à une forme de socialisme, «l’Etat devenant le propriétaire de larges pans de l’économie».
Comment Donald Trump peut-il ignorer que si les Etats-Unis n’ont pas de fonds souverain, cela tient d’abord à l’absence d’excédents structurels de revenus? Le déficit budgétaire atteindrait 1900 milliards de dollars cette année. Comme indiqué plus haut le Trésor américain entend monétiser les actifs de l’Etat qu’il estime à 5700 milliards. Mais ces actifs ne sont pas ce qu’ils semblent être, avertit le Wall Street Journal. Le principal «actif»? Ce sont les 1600 milliards de dettes des étudiants. On y trouverait aussi, il est vrai, 2600 milliards d’immobiliers, logiciels, équipements, à amortir.
Outre le risque de corruption lié à des fonds souverains, à l’image du cas de 1MDB en Malaisie, «le premier danger d’un tel fonds souverain résiderait dans la possibilité offerte aux politiciens d’investir dans des sociétés privées sans avoir besoin d’obtenir l’accord du Congrès», avance le WSJ. Le risque d’intimidation des entreprises en portefeuille serait considérable. Qu’il suffise de penser à ce qui se passerait si l’Etat, omniprésent dans l’autorisation et le mécanisme de prix des médicaments, détenait 10% de Pfizer. Après les énormes programmes de subventions de Joe Biden que sont le Chips Act et l’Inflation Reduction Act, on créerait un nouvel instrument pour empêcher le libre jeudi de la concurrence. L’allocation optimale des ressources n’est théoriquement pas le fait de l’Etat.
Aux yeux du plus grand laboratoire d’idées libérales américain, l’institut Cato, l’idée d’un fonds souverain américain est «économiquement contre-productive» et «une invitation à des malversations politiques». L’institut remet les autorités face à leurs responsabilités, et en particulier à la nécessité de prendre des mesures extraordinaires pour éviter un défaut sur une dette de 36 000 milliards de dollars.
Les contradictions de Donald Trump
Donald Trump se contredit, note Cato, puisqu’il veut financer le fonds souverain avec des droits de douane et en même temps il laisse entendre qu’il pourrait remplacer l’impôt sur le revenu par les revenus des tarifs douaniers. Ce n’est guère que dans un pays imaginaire que les droits de douane sont la solution à tous les problèmes.
Les Républicains au pouvoir devraient aussi comprendre, suggère l’institut Cato, qu’une fois de retour au pouvoir les Démocrates apprécieraient grandement d’utiliser le fonds souverain pour «faire avancer leur agenda woke et vert.» Le président serait alors l’auteur d’un incroyable auto-goal. Mais attendons les prochaines étapes du projet.