Les déficiences de la taxe sur les rachats d’actions

Emmanuel Garessus

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Les Etats-Unis et la France taxent les rachats d’actions en arguant de l’effet de ces opérations sur les salariés. La recherche économique peine à confirmer cet impact.

 

Les Etats les plus endettés sont à la recherche de pistes qui leur permettraient d’augmenter leurs revenus. Une taxe sur les rachats d’actions est une mesure particulièrement en vogue. Les promoteurs de cette idée avancent que les rachats d’actions se font au profit du capital et au détriment du facteur travail à un moment où la part de la rémunération du travail est en diminution. Aux Etats-Unis, à l’époque de Joe Biden, en 2022, l’Inflation Reduction Act, une taxe de 1% a été décidée pour les rachats d’actions de plus d’un million de dollars sous prétexte qu’ils se faisaient au détriment des salaires. Les sénateurs démocrates américains Bernie Sanders et Chuck Schumer ont calculé qu’entre 2008 et 2017 ni plus ni moins que 466 des entreprises appartenant à l’indice S&P 500 avaient dépensé 4000 milliards de dollars en rachats d’actions, ce qui correspondait à 53% des profits. 

La France a aussi inscrit cette mesure dans son budget 2025. Le Figaro rappelle que cette taxe était «voulue par Emmanuel Macron, envisagée par Gabriel Attal et bâtie par Michel Barnier pour être à l’ordre d jour du gouvernement de François Bayrou». L’impôt concernerait les rachats d’actions allant de mars 2024 à fin février 2025.

Comme ces rachats se sont multipliés ces dernières années et ont permis aux investisseurs d’accroître leurs gains bien au-delà des hausses de salaires, les autorités politiques avancent l’argument d’une «plus juste imposition» pour taxer les rachats d’actions. En l’occurence, «plus juste» signifie généralement «plus forte». Les chercheurs parviennent-ils à démontrer que ces opérations de rachats se font vraiment au détriment du facteur travail?

«L’impôt sur les rachats d’actions n’est donc aucunement appuyé par la recherche».

Baisse de la part du travail

Il est vrai que de nombreuses études confirment que la part du travail a diminué dans la valeur ajoutée aux Etats-Unis ces dernières décennies. La part du travail est définie comme la rémunération du travail divisée par la valeur ajoutée totale. Pourtant «rien ne montre que les rachats d’actions diminuent la part du travail», démontre une récente étude «Corporate Share Repurchase Policies and Labour Share» (SSRN, Not Peer Reviewed), évoquée sur le blog marginal revolution. 

Comment lier les deux faits, à savoir la baisse de la part du travail et l’absence d’impact des rachats d’actions sur la part du travail? Dans leur travail, Xudong Fu, Darren Kisgen et Lei Kong regardent si d’autres stakeholders que les investisseurs sont à prendre en compte, à commencer bien sûr par l’Etat (à travers les impôts) ou les détenteurs de dettes. Il est aussi possible que cette absence de relation s’explique par une augmentation de la part de cash de l’entreprise, ou par exemple que l’épargne des sociétés s’investisse davantage dans des dépenses d’investissement. Il est également possible que ce ne soit pas la part du travail qui ait diminué mais la valeur ajoutée totale qui ait augmenté. 

Pour répondre à ces questions, les auteurs étudient les entreprises américaines qui ont procédé aux plus grands programmes de rachats d’actions entre 1982 et 2016. Le résultat ne souffre d’aucune discussion. Il n’y a pas de lien entre la hausse des rachats d’actions et un déclin de la part du travail. «S’il y a une corrélation entre les deux, elle est plutôt positive», ajoutent-ils.

L’étude est intéressante parce qu’elle s’intéresse à d’innombrables cas possibles, tels qu’un lien sur le travail non pas lors de l’année du rachat mais par exemple sur les 7 années suivantes. Ici aussi il ressort que les 40 plus grands programmes de rachats d’actions n’ont pas été associés à une variation de la part travail durant les 7 années suivantes. D’autres chercheurs ont révélé que des entreprises qui ne parviendraient pas tout à fait à satisfaire les attentes bénéficiaires du marché étaient tentées de procéder à des rachats pour soutenir leurs titres. Ici aussi, il n’y a pas de lien entre ces sociétés et une variation de la part du travail.

L’impôt sur les rachats d’actions n’est donc aucunement appuyé par la recherche. La mesure est donc purement politique ou idéologique. Elle augmente les recettes fiscales du pays concerné jusqu’au moment où les entreprises réduiront ces opérations. 

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