Le logement est le premier composant de l’indice des prix. Il correspond à 16% de l’indice des prix à la consommation en Suisse et à près d’un tiers du CPI aux Etats-Unis. Son impact est donc considérable sur la politique monétaire. Quand les prix du logement vont, la politique monétaire va. Malheureusement le processus de transmission de la politique monétaire est mise à mal par les modifications structurelles du marché immobilier.
Le principal objet de l’attention des banques centrales pose problème. Dans leur travail d’observation de l’indice des prix à la consommation, les autorités statistiques se concentrent uniquement sur l’évolution d’une partie du marché immobilier, à savoir celle des loyers et non celle des prix des immeubles. Cette situation est problématique si les loyers et les prix des maisons n’évoluent pas de concert. C’est pourtant ce qui est en train de se produire, selon une étude de la Banque des Règlements Internationaux (BRI): «Monetary policy and housing markets: insights. using a novel measure of housing supply elasticity» (BIS, Quarterly Review, 10 décembre 2024).
Une moindre élasticité de l’offre
La BRI, communément appelé la banque centrale des banques centrales, met en exergue les tendances des marchés immobiliers des pays industrialisés sur 50 ans au sein de 21 pays industrialisés. Consciente du rôle fondamental de l’immobilier dans la transmission des politiques monétaires, elle souligne non seulement une moindre croissance des mises en chantier de logement mais aussi, et, surtout, une hausse plus forte des prix des immeubles que celle des loyers. En termes économiques, elle met en exergue un changement de l’élasticité de l’offre, soit la réponse de l’offre de nouveaux logements aux modifications de prix-. Dans les pays émergents, la situation est différente: la croissance de l’offre n’a pas décliné et le lien entre les prix des immeubles et les loyers est resté stable.
«Ces observations démontrent que la transmission de la politique monétaire se fait au niveau du bilan des propriétaires immobiliers»
Dans un deuxième temps, les chercheurs analysent la façon à laquelle l’élasticité de l’offre d’immeubles impacte la transmission de la politique monétaire dans les 21 pays analysés, à travers l’évolution des permis de construire sur 50 ans. Il en ressort que l’élasticité de l’offre a diminué durant ce demi-siècle. C’est crucial parce que ce phénomène d’inélasticité croissante conduit à une modification du rapport entre le prix des immeubles et les loyers. Les prix des immeubles sont les seuls à réagir aux modifications de l’offre. En revanche, les loyers y répondent nettement moins.
Impact sur les propriétaires et non sur les locataires
Ces observations démontrent que la transmission de la politique monétaire se fait au niveau du bilan des propriétaires immobiliers. La raison de cette situation tient au fait, selon les auteurs, qu’en cas d’inélasticité de l’offre, c’est le comportement de la demande qui influence les variations de prix des maisons.
Le faible impact sur les loyers implique qu’une grande part de l’indice des prix, à savoir la composante «loyers», réagit très peu à la politique monétaire.
C’est ici qu’il importe de rappeler l’autre composante du problème. L’indice des prix à la consommation (IPC) est mesuré en tenant compte non pas des prix de l’immobilier mais de l’évolution des loyers. Aux Etats-Unis, les autorités mesurent les loyers selon ce qu’ils appellent «le loyer équivalent du propriétaire de la résidence principale», c’est-à-dire le montant que les propriétaires devraient payer s'ils louaient leur logement. Nul doute que ce choix peut être matière à débat. Or il représente 22,3% de l’IPC.
Nous précisons que l’indice des prix à la consommation ne correspond pas à un indice du coût de la vie. En effet, l’IPC n’intègre pas les prélèvements obligatoires -primes d’assurance maladie, impôts et taxes- qui grèvent de plus en plus fortement les budgets des ménages.
Les économistes et les experts financiers qui analysent l’impact de la politique monétaire devraient donc être rendus encore plus prudents sur les conséquences de l’action des banques centrales.