Fed: une baisse de taux sans baisse de taux

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux. Tandis que la Fed pourrait mettre en pause son programme de QT, il est important d’évoquer un black swan potentiellement grave sur les dettes supranationales.

 

Des minutes du FOMC intéressantes

La semaine dernière a été une fois de plus riche en enseignements mais si nous devions ne retenir qu’une chose, ce serait sans hésiter la publication des minutes du dernier FOMC. On y apprend que la Fed pourrait ralentir le rythme de son Quantitative Tightening (QT) voire décider de faire une pause. L’argument principal utilisé par la banque centrale est le risque lié au plafond de la dette dans un contexte de variation des réserves potentiellement élevées durant cette période d’incertitude. L’idée est de mettre en suspens le QT en attendant une résolution du problème épineux du fameux debt ceiling. Il faudra donc être très attentifs sur ce sujet les 19 mars et 7 mai. A priori, la Fed devrait annoncer un statuquo sur ses taux directeurs mais pourrait assouplir ou abandonner son programme de QT. Ce serait donc une manière de baisser ses taux sans toucher aux taux. Ce serait également une stratégie plutôt astucieuse d’accompagner l’administration Trump dans son désir de voir la partie longue de la courbe se détendre. Un début de Yield Curve Control devrait en effet avoir comme préalable un abandon du QT.

Faut-il accorder de l’importance aux accords Mar-a-Lago? Le président Trump pourrait forcer certains investisseurs non-résidents en US Treasuries d’échanger leurs dettes à duration courte contre des Treasuries ultra-longues. Cela nous paraît improbable car une telle opération s’apparenterait à une restructuration de dette, donc potentiellement à un défaut technique. Pour l’instant, cela nous semble donc inimaginable et les commentateurs insistent sur l’habitude qu’a Donald Trump dans de nombreux domaines à choquer son auditoire par des propos à l’emporte-pièce. Ce sujet est à surveiller de près mais il fait partie d’un plan plus vaste dont le but est également de réduire la surévaluation du dollar.

Eviter les TIPS et certains Supranationaux

Mars n’a pas encore commencé et nous commençons déjà à bâtir notre stratégie pour le second trimestre. Passons rapidement sur les deux grands sujets habituels que sont la duration via les Tresuries longues et les crédits. Le 10 ans se retrouve au milieu du gué, dans un couloir 4,4%-4,6% avec à moyen terme une tendance à la baisse mais à court terme un risque de remonter vers 4,8%-5%. Par conséquent nous sommes neutres en attendant d’y voir plus clair. Les crédits sont chers mais leur carry reste attrayant. En duration 3-6 ans, il est encore possible de construire des portefeuilles intéressants. Attention toutefois au spread entre émetteurs notés A et ceux notés BBB. La différence est parfois trop mince et mieux vaut abandonner une poignée de points de base pour investir dans de la qualité plus élevée.

Messieurs Trump et Musk pourraient décider de retirer la contribution des Etats-Unis à certaines institutions financières internationales de premier plan.

Le sujet des TIPS est plus compliqué. Nous avons décidé depuis plusieurs semaines de délaisser les TIPS au profit de leurs homologues à taux nominal. Les breakevens d’inflation ont augmenté sensiblement et les taux réels se retrouvent par conséquent trop bas par rapport aux taux nominaux. Comme les chiffres parlent parfois mieux que les mots, prenons l’exemple de Treasuries à échéance avril 2026 puisque dans quelques semaines, il s’agira du taux à un an. Depuis le début de l’année, le rendement du Treasury à taux nominal 15 avril 2026 est passé de 4,24% à 4,23%. Celui de son homologue TIPS est passé de 2,02% à 1,16%. Les anticipations d’inflation du marché ont rejoint les nôtres et aujourd’hui nous préférons investir à 4,23% plutôt qu’à 1,16% réel.

Le dernier sujet abordé dans cette chronique est majeur puisqu’il s’agit d’évoquer un black swan potentiellement grave. Depuis des lustres, nous avions l’habitude d’investir en dettes supranationales notées AAA-AA dans nos portefeuilles dont les contraintes d’investissement exigent une qualité extrêmement élevée. Aujourd’hui, le risque potentiel est énorme car dans leur quête d’économie et de rationalisation de leur gestion, messieurs Trump et Musk pourraient décider de retirer la contribution des Etats-Unis à certaines institutions financières internationales de premier plan. On parle potentiellement, pour ne citer que les trois principaux organismes concernés, de 48% du budget de NADB (Aa1/AA) qui émet d’ailleurs la plupart du temps en CHF, de 30% du budget de IADB (Aaa/AAA) et de 17% de celui d’IBRD (Aaa/AAA). Aujourd’hui, le risque est faible, personne n’en parle et l’éventualité d’un tel cataclysme n’est même pas apparu en filigrane dans les prix. Nous évaluons le risque pour éventuellement envisager des mesures de précaution et de prudence. Il s’agit sans aucun doute de l’un de nos chantiers majeurs du printemps 2025. 

A lire aussi...