Un CPI inquiétant mais…
Mercredi dernier, le premier CPI concernant l’année 2025 a été publié et cela n’a pas été un moment évident à comprendre. Des chiffres d’inflation mensuels de +0,5% et de +0,4% hors alimentation et énergie en janvier ont propulsé les progressions annuelles à respectivement +3% et +3,3%. Le Core PCE de +2,9% est donc confirmé par ce Core CPI de +3,3% dans un environnement où la Fed donne l’impression de minimiser ces contretemps.
Cela n’est guère étonnant mais ce qui l’est plus est la réaction des marchés obligataires qui auraient pu et dû sanctionner sévèrement ce dérapage inflationniste problématique. Visiblement, nous ne sommes pas proches de l’objectif de 2% et comme le faisait remarquer Jim Bianco sur Bloomberg TV, le fameux «last mile» va être compliqué à parcourir. Cela fait deux ans que nous sommes censés être en train de combler ce «last mile» et Bianco prédit encore deux années supplémentaires de galère. Jerome Powell pourrait jouer «En attendant Godot» mais il va vraisemblablement se retrouver l’acteur principal d’une autre tragi-comédie absurde intitulée «En attendant Kevin Warsh». Le problème pour lui est que Kevin Warsh a beaucoup plus de chances d’arriver que Godot!
Le 10 ans US s’est tendu d’une dizaine de points de base sur la nouvelle, de 4,55% à 4,65% mais est rapidement rentré dans le rang. Et ce n’est pas le PPI publié le lendemain qui a changé quelque chose malgré des chiffres pas encourageants du tout! La semaine s’est terminée dans un range 4,45%-4,5% avant un weekend de trois jours (Presidents’ Day). Ces chiffres d’inflation presque inquiétants nous ramènent à nos discussions de fin janvier à la veille du DOGE rally. L’inflation est loin d’être sous contrôle et dans ces conditions, compte tenu des perspectives de croissance et du marché de l’emploi, il n’y a a priori aucune raison valable pour que la Fed baisse ses taux en 2025. Qu’elle le fasse une dernière fois, ce ne serait pas encore dramatique en soi mais deux baisses de taux (ou plus) seraient dignes d’une erreur de politique monétaire aux conséquences fâcheuses.
Le 10 ans se stabilise
Le 10 ans US s’est donc stabilisé aux alentours de 4,5% pour une semaine supplémentaire malgré un risque potentiel et réel de sell-off. C’est sans doute dû à la poursuite du DOGE rally mais nous sommes tentés de croire qu’un personnage-clé n’est pas étranger à tout cela. Si le grand public et les autres marchés sont plus enclins à décortiquer les faits et gestes de messieurs Trump et Musk, les marchés obligataires ont écouté attentivement Scott Bessent, le nouveau Secrétaire du Trésor et les propos qu’il a tenus ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd. Scott Bessent a, en effet, tenu à préciser que son objectif (partagé par le président) est de faire baisser le taux du 10 ans qui est son véritable benchmark. Autrement dit, le taux directeur de la Fed passe au second plan. Cela change tout car les investisseurs ont compris que Scott Bessent fera tout pour «manipuler» les taux longs américains et qu’il s’avère périlleux de parier contre les puissants.
Cela signifie que les taux longs US pourraient se retrouver dans une forme de stabilisation, le 10 ans naviguant par exemple dans une fourchette 4,4%-4,6%, avant de retrouver une tendance véritable qui serait enfin le fruit d’une évolution des fondamentaux économiques inflation/croissance/emploi. Combien de temps cela va-t-il durer? Quelle volonté va mettre le Trésor US à maintenir les taux longs sur les niveaux actuels voire plus bas si cela est possible? Nous sommes donc convaincus que notre stratégie est la bonne. Nous étions initialement dans le camp des bears avec un objectif de 5% sur le 10 ans pour repasser bullish duration longue. Nous sommes passés récemment en mode neutre compte tenu du DOGE rally et des propos de Scott Bessent. A 4,5%, le 10 ans est au milieu du gué. Il n’y a pas de raison aujourd’hui à ce qu’il plonge à 4% et il n’y a pas de risque qu’il grimpe à 5%.
Plus précisément, il y aurait de très bonnes raisons pour qu’un sell-off se mette en place et qu’on atteigne ce fameux 5% mais Scott Bessent en a décidé autrement, du moins pour l’instant. C’est pour cela que nous prêtons une oreille extrêmement attentive à tous les propos provenant du Secrétaire au Trésor. Il reste dans l’ombre de Donald Trump et Elon Musk pour le grand public et les médias mais ne nous méprenons pas : si vous êtes intéressés par les taux longs américains, c’est Scott Bessent qu’il faut écouter!