Zone euro: la lumière au bout du tunnel?

Lucas Meric, Indosuez Wealth Management

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Les récentes données macroéconomiques ont montré des signes encourageants allant dans le sens de notre scénario d’une reprise de l’activité en 2024.

© Keystone

Malgré une dynamique actuellement morose dans l’économie de la zone euro, les récentes données macroéconomiques ont montré des signes encourageants allant dans le sens de notre scénario d’une reprise de l’activité en 2024. Les progrès importants de ces derniers mois du côté de la hausse des prix viennent soutenir cette vue, même s’il nous semble encore trop tôt pour crier victoire sur l’inflation. 

INFLATION: JEU, SET ET MATCH?

À l’heure d’écrire ces lignes, les marchés anticipent désormais, pour la fin décembre 2024, une inflation en zone euro à peine au-dessus de 1,5%, alors que les attentes trônaient encore à 2,5% fin octobre. Cette euphorie désinflationniste fait notamment suite à trois mois de surprises positives sur l’inflation du vieux continent qui se porte désormais en glissement annuel à 2,4% sur l’inflation totale et 3,6% sur l’inflation sous-jacente. Bien que cette dynamique aille dans le sens de nos attentes d’une continuation de la désinflation en zone euro, les attentes de marché nous apparaissent fortement optimistes alors que nous anticipons que l’inflation moyenne annuelle devrait passer de 5,5% en 2023 à 2,7% en 2024. Dans un premier temps, nous nous attendons à ce que l’inflation totale ré-accélère autour des 3% en raison d’effets de base liés aux subventions sur le gaz naturel mises en place en Allemagne en décembre 2022. Cependant, ce rebond ne serait que temporaire et devrait être suivi d’une décélération de l’inflation qui devrait osciller entre 2,5% et 3% durant l’année 2024: au-delà des 2% d’inflation cible de la Banque Centrale Européenne (BCE). En effet, une combinaison de facteurs devrait agir tel un plancher sur l’inflation du vieux continent: le retrait de nombreuses aides d’état instaurées en réponse à la crise énergétique de 2022, une inflation alimentaire qui devrait continuer à être en raison de prix producteur élevés et d’événements climatiques et enfin un marché du travail historiquement tendu qui devrait continuer d’alimenter les pressions salariales.

À plus long-terme, les thématiques de la transition énergétique et de la déglobalisation notamment devraient également jouer en faveur d’une inflation structurellement plus élevée.

UNE DYNAMIQUE MOROSE MAIS DES PERSPECTIVES ENCOURAGEANTES 

Dans ce contexte de surprises positives sur le front de l’inflation, l’économie européenne continue d’afficher une dynamique en demi-teinte comme en témoigne la contraction de 0,1% du PIB au troisième trimestre 2023. Cependant, au-delà du chiffre de croissance négatif, le détail semble lui plus encourageant au regard de la contribution positive de la demande domestique, le PIB ayant été principalement tiré à la baisse par les variations de stocks. Notamment, la consommation des ménages a contribué de manière significative à la croissance du PIB au troisième trimestre 2023 pour la première fois cette année, ce qui constitue une évolution positive étant donné notre scénario basé sur une reprise de la consommation portée par l’amélioration du revenu réel des ménages dans un contexte de rattrapage des salaires et de continuation de la désinflation.

En effet, même si la dynamique de désinflation a été très positive récemment, il est important de rappeler qu’un pays comme l’Allemagne par exemple affichait encore des niveaux d’inflation supérieurs à 6% cet été et que les prix de l’alimentation en zone euro, une composante de la vie quotidienne des ménages, ont augmenté de 7% en glissement annuel en novembre, un rythme qui devrait décélérer vers des niveaux entre 3% et 4% en 2024, mais qui restent pour l’heure encore très élevés. L’amélioration du pouvoir d’achat devrait représenter un moteur important de croissance alors que les ménages européens, au contraire de leurs homologues américains, bénéficient encore de niveaux d’épargne importants, symbole d’attitudes de consommation beaucoup plus précautionneuses ces dernières années. La reprise de la consommation devrait également s’accompagner d’une diminution de la contrainte du resserrement monétaire tandis que le secteur manufacturier semble avoir atteint un point bas au regard des dernières enquêtes publiées et devrait se redresser l’an prochain grâce à un impact moins défavorable des prix de l’énergie et à la reprise du cycle manufacturier mondial. Cependant, du côté de la politique fiscale, nous nous attendons à ce que l’impulsion budgétaire pèse plus lourdement en 2024 sur la croissance dans un contexte de continuation de la consolidation budgétaire et de retrait des mesures fiscales relatives à l’énergie. La dette publique devrait également constituer un enjeu important avec un risque latent qui pourrait subsister, la viabilité de la dette italienne suscitant des inquiétudes dans un environnement de taux d’intérêt élevés et de croissance nominale plus faible. 

UNE CROISSANCE EN-DEÇÀ DE SON POTENTIEL 

Ainsi, malgré nos anticipations d’amélioration de la dynamique de croissance, in fine, notre scénario pour la zone euro reste celui-ci d’une croissance graduelle et modeste de 0,6% en 2024. Nous avons notamment décidé de réviser légèrement à la baisse nos attentes de croissance (-10 points de base) en raison de la faible dynamique actuelle de l’économie européenne et de la situation entourant la crise budgétaire allemande qui devrait peser (modestement) sur la croissance en zone euro.

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