Malgré notre optimisme à long terme sur les semi-conducteurs, les investisseurs doivent rester prudents au cours du prochain trimestre.
Après avoir nourri pendant des années l’informatique et la téléphonie mobile, deux secteurs désormais matures, les semi-conducteurs permettent le développement d’un large éventail d’industries, des jeux aux véhicules électriques (VE) en passant par le minage de crypto-monnaies et – de manière essentielle – l’IA. Cette technologie requiert d’énormes quantités de données, des calculs complexes et des algorithmes sophistiqués; elle nécessite en outre un matériel suffisamment efficace pour satisfaire ses exigences en matière de puissance de traitement.
À en juger par la hausse stupéfiante des actions de certaines entreprises au cours des dernières semaines, les investisseurs semblent en avoir pris conscience tous en même temps. De fait, l’IA a un besoin crucial de semi-conducteurs. Depuis que ChatGPT a fait une entrée fracassante sur la scène internationale à la fin 2022, la puissance des grands modèles de langage et des agents conversationnels d’IA générative est devenue une évidence. Malgré des décennies de développement dans cet espace technologique, cela a représenté pour beaucoup un premier pas concret vers l’IA. L’engouement pour l’IA semble justifié et les gains des entreprises de semi-conducteurs ne sont pas le fruit du hasard. Ils ne se limitent pas non plus au succès d’une plateforme, d’un programme ou d’un produit. Dans le domaine de l’IA, le succès de ChatGPT profitera à Microsoft et celui de Bard à Alphabet. Ces programmes, ces modèles et les paramètres qui les rendent si étonnants sont des secrets d’entreprise étroitement gardés. Néanmoins, le puissant modèle de Meta – Large Language Model Meta AI (LLaMA) – a été divulgué au public.
Open source, closed source, free for all, black box… Les fabricants de semi-conducteurs et de GPU bénéficient énormément de ces tendances, pour la simple raison qu’ils les alimentent. Certains fabricants ont même activement encouragé le développement de l’open source. C’est notamment le cas de Nvidia avec la plateforme Compute Unified Device Architecture (CUDA). Cette plateforme de calcul parallèle «open source» donne aux développeurs l’accès aux puissants GPU de Nvidia, dont le coût serait autrement prohibitif. CUDA a permis aux produits Nvidia d’atteindre un public plus large et d’accélérer l’adoption de l’IA, ce qui en retour a stimulé la demande de GPU Nvidia et en a fait la norme de facto pour le matériel d’IA. Loin d’être une coïncidence, c’était l’objectif visé depuis de nombreuses années. De telles initiatives stratégiques commencent à porter leurs fruits à grande échelle, ce qui a provoqué une véritable envolée de certains titres au cours des dernières semaines. Si un «retour à la réalité» ne peut être écarté après de telles envolées, nous pensons que l’engouement pour l’IA est à bien des égards justifié.
Alors que le thème de l’IA continue de susciter une frénésie d’achats sur les valeurs technologiques en général et les valeurs des semi-conducteurs en particulier, le nombre de recherches Google liées à l’IA et à ChatGPT a éclipsé le pic enregistré sur les cryptomonnaies en 2020. Cette frénésie alimente toutefois les inquiétudes quant à la solidité du récent rallye, le S&P étant clairement propulsé par un petit nombre de titres liés à l’IA. Le titre Nvidia, qui a atteint un sommet intrajournalier historique, a temporairement dépassé les 1 000 milliards USD de capitalisation boursière. Parallèlement, son ratio cours/bénéfice (C/B) a frôlé les 200x. Plus globalement, l’indice Philadelphia Semiconductor (SOX) a atteint son plus haut niveau en plus d’un an, après avoir progressé de plus de 70 % depuis le creux d’octobre dernier. Nous sommes convaincus par les fondamentaux du secteur, qui recèle un potentiel considérable, mais une consolidation à court terme est probable. Bien que les prévisions aient été excellentes dans de nombreux cas, les bénéfices réels par action n’ont pas été extraordinaires. En effet, l’ensemble du secteur est confronté à des vents contraires, le contexte économique mondial affectant la demande de semi-conducteurs utilisés dans tous les domaines, des voitures à l’informatique de pointe. Or, les récentes performances du secteur vont à l’encontre de cette tendance. Cela correspond à notre optimisme à long terme, mais les investisseurs doivent s’attendre à un ralentissement au cours du prochain trimestre.
La réouverture de la Chine prend plus de temps que prévu et la demande chinoise de semiconducteurs s’est avérée décevante. En outre, les marchés finaux tels que les centres de données ou les secteurs de l’automobile et de l’industrie ont montré des signes de faiblesse. Au lieu de culminer au dernier trimestre 2022, les stocks ont dès lors continué à augmenter au premier trimestre 2023. En données corrigées des variations saisonnières, il s’agit des pires niveaux de stocks depuis 20 ans. Les investisseurs doivent surveiller de près toute publication relative aux stocks de semi-conducteurs dans les mois à venir. Enfin, il faut garder à l’esprit que le secteur, qui représente un moyen de pression international – comme nous l’avons vu récemment avec les restrictions imposées par les États-Unis ou la Chine aux entreprises étrangères – pourrait subir les répercussions des conflits politiques opposant les principaux géants économiques. Avec la tendance mondiale à la numérisation ainsi qu’à l’électrification et la montée en puissance de l’IA, les besoins en semi-conducteurs continueront probablement à augmenter et les tensions devraient persister.