La Suisse dispose du savoir-faire, des technologies et des structures nécessaires pour jouer un rôle actif dans la protection du climat. Mais cela ne suffit pas. Réduire les émissions difficilement évitables nécessite des investissements ciblés, de l’innovation et des lignes directrices politiques claires. Une nouvelle étude menée par BAK Economics et l’Agence allemande de l’énergie (dena), mandatée par scienceindustries, identifie les leviers d’action – et montre comment la politique, l’économie et les infrastructures peuvent agir conjointement pour obtenir des résultats.
Le changement climatique figure parmi les défis les plus urgents de notre époque. Il exige des transformations profondes dans presque tous les domaines de la société et de l’économie. L’industrie chimique et pharmaceutique émet environ 1,4 million de tonnes d’équivalents CO₂ par an en Suisse1, d’émissions de gaz à effet de serre, soit environ 3,5% des émissions nationales de quelque 41 millions de tonnes d’équivalent CO₂2.
Une part importante de ces émissions est difficile à éviter. Dans l’industrie chimique et pharmaceutique, les émissions difficilement évitables proviennent notamment de la valorisation thermique des déchets spéciaux, ainsi que des processus chimiques où des gaz à effet de serre sont émis comme sous-produits de synthèses.
Potentiel de captage du CO₂ dans les UIOM spécialisées
Les installations d’incinération des déchets spéciaux (IDDS) jouent un rôle écologique et sociétal clé: elles assurent une élimination sûre et respectueuse de l’environnement. Le traitement thermique permet de neutraliser de manière fiable les substances toxiques et les agents pathogènes, protégeant ainsi la santé publique et l’environnement. En parallèle, la chaleur générée est valorisée efficacement, par exemple via des réseaux de chauffage à distance.
Les émissions ponctuelles issues de ces installations sont particulièrement adaptées à des solutions technologiques comme le captage du CO₂ (Carbon Capture). Des approches comme le Carbon Capture and Storage (CCS) ou le Carbon Capture and Utilization (CCU) – qui permettent de stocker ou de réutiliser le CO₂ – constituent des pistes prometteuses pour réduire les émissions à leur source.
Le CCS en Suisse – possible, mais coûteux
Une étude publiée en mars 2025 par BAK Economics et dena révèle cependant que les coûts actuels de réduction constituent un obstacle majeur à l’introduction du CCS dans les installations IDDS. Pour 2030, les coûts sont estimés entre 381 et 739 francs par tonne de CO₂ – bien au-dessus des prix prévus sur le marché des droits d’émission (ETS). Le transport et le stockage du CO₂ représenteront jusqu’à 58% de ces coûts.
Le CCU comme levier d’économie circulaire et de décarbonation
Contrairement au CCS, qui vise à stocker le CO₂ de manière permanente, le CCU ouvre de nouvelles perspectives à l’industrie chimique et pharmaceutique : la valorisation du CO₂ capté comme matière première, par exemple pour produire des carburants synthétiques, des plastiques ou des produits chimiques de base. L’intégration du CCU permet à cette industrie de réduire sa dépendance aux ressources fossiles tout en renforçant sa compétitivité dans un contexte réglementaire de plus en plus strict.
Conditions-cadres préalables aux investissements
Pour exploiter ce potentiel, un cadre adéquat est indispensable. Malgré l’intérêt évident du CCS/CCU, des obstacles réglementaires et financiers limitent actuellement leur déploiement à grande échelle en Suisse. Les instruments existants – comme ceux prévus par l’Ordonnance sur la protection du climat – ne suffisent pas à combler le déficit de financement prévu entre les prix du marché du carbone (SEQE) et les coûts de prévention élevés.
Les contrats carbone pour différence (CCfD) constituent un instrument prometteur pour combler ce déficit. Ces contrats garantis par l’État assurent une compensation entre les coûts réels de réduction des émissions et les prix du marché. Ils offrent une sécurité d’investissement en couvrant les coûts d’exploitation ainsi que ceux liés au transport et au stockage.
Une motion parlementaire comme levier
Un signal politique fort a été envoyé avec l’adoption de la motion 24.4256 de la CEATE-E, qui demande une réglementation nationale pour le captage, le transport et le stockage du CO₂. scienceindustries soutient cette initiative, qui constitue une base essentielle pour la promotion ciblée de ces technologies. Outre un cadre juridique clair et harmonisé au niveau international, il faudra toutefois aussi des instruments de mise en œuvre concrets: le développement d’infrastructures transfrontalières, des mécanismes d’encouragement efficaces et la reconnaissance du CO₂ comme matière première. Un cadre juridique et incitatif harmonisé à l’échelle internationale est indispensable pour que l’industrie suisse reste compétitive face à ses concurrentes globales.
1 Source: BAK Economics
2 Source: Inventaire des gaz à effet de serre de la Suisse, OFEV