Les entreprises pharmaceutiques suisses investissent beaucoup à l’étranger, ce qui devrait être un signal pour la politique concernant la place économique. Scienceindustries juge indispensable de définir sans tarder une stratégie claire si l’on veut que la Suisse demeure à l'avenir un site d'investissement privilégié.
Les nouveaux investissements des entreprises pharmaceutiques suisses de pointe aux Etats-Unis montrent de façon spectaculaire que la concurrence internationale pour les emplois liés à la recherche et la création de valeur redouble d’intensité. Ces investissements sont un indicateur de la force mondiale de notre branche, en même temps qu’un signal d'alarme pour la place économique suisse. Car la Suisse perd du terrain. L'accès aux principaux marchés d'exportation - notamment l'UE - est limité et devient de plus en plus ardu. Le nombre d'études cliniques diminue rapidement. Et dans des domaines politiques clés, une vision cohérente du futur fait défaut.
L'exigence d'une stratégie de site bien réfléchie n'est pas nouvelle - scienceindustries la porte depuis longtemps. Mais les développements actuels lui confèrent un degré d’urgence supplémentaire. «Quiconque veut attirer des investissements doit offrir des conditions attrayantes. D'autres pays déploient pour cela des stratégies efficaces. La Suisse doit en faire autant», déclare Stephan Mumenthaler, directeur de scienceindustries.
La Suisse a certes de solides fondamentaux – excellence de la recherche, personnel qualifié, structures stables - mais cela ne suffit plus. Pour que notre pays retrouve sa place de leader dans la concurrence internationale, nous devons avoir le courage de nous fixer quelques jalons bien précis:
- Assurer la prévisibilité fiscale. Pour préserver son attrait de site d'implantation pour les entreprises à fort coefficient de recherche, la Suisse doit réagir vite et bien à l'impôt minimum de l'OCDE. La mise en œuvre doit se faire en tenant compte des développements internationaux et dans le souci de promouvoir la place économique suisse. Les entreprises ont besoin de prévisibilité en matière de planification – non d'incertitudes supplémentaires.
- Garantir l'accès aux marchés mondiaux. Tournée vers l'exportation, l'industrie chimique, pharmaceutique et des sciences de la vie est tributaire de relations commerciales stables. Voilà pourquoi nous devons assurer dans la durée nos relations avec l'Union européenne, notre principal marché d'exportation, tout en poursuivant l'extension du réseau d'accords de libre-échange et la modernisation des accords existants. Sans négliger l’examen de nouvelles approches, comme celle d’accords sectoriels avec des partenaires partageant les mêmes convictions.
- Rendre les innovations rapidement disponibles dans notre pays. Un accès immédiat aux nouvelles thérapies et un système de rémunération qui récompense l'innovation renforcent la confiance dans le marché national et envoient un signal fort aux entreprises actives sur le plan international.
- Stratégie visionnaire en faveur de conditions-cadres vertueuses dans les domaines à fort potentiel d'innovation. Il s'agit notamment de la recherche biomédicale et clinique, un domaine d'une importance capitale pour le pôle d’innovation qu’est la Suisse. Le fait que des initiatives stratégiques existantes, comme le Masterplan Biomédecine, ne soient pas poursuivies souligne l’impérieuse nécessité d'un nouveau plan de site bénéficiant d'un large soutien. Seule une orientation claire permettra à la Suisse de préserver sa compétitivité sur la durée et de maintenir le niveau des investissements internationaux dans les domaines de la R+D.
- Renforcer la compétitivité de la place économique suisse. Il est impératif de renoncer à des réglementations inutiles et des surcroîts de charges pour les entreprises. Tout projet susceptible d’alourdir la charge financière des entreprises dans notre pays doit faire l’objet d’un examen critique. Les prix élevés de l'énergie qui nous caractérisent par rapport aux États-Unis et à la Chine doivent être soigneusement pris en considération.
La Suisse a certes beaucoup à offrir - mais pas tout. Et elle peut aussi perdre des points. C'est le moment d'aborder la question de notre place économique dans une approche stratégique courageuse. Les responsables politiques et de l'administration doivent se demander honnêtement quelle place notre pays entend occuper à l'avenir face à la concurrence internationale. Les réponses à cette question doivent être trouvées en collaboration avec l'économie, avant que d'autres acteurs ne nous mettent devant la dure réalité de faits accomplis.