Prévision BCE: les taux de la politique monétaire ont-ils atteint leur point le plus bas?

Felipe Villarroel, TwentyFour AM (Boutique Vontobel)

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Bien qu'il ne semble pas y avoir de surprises quant à la baisse attendue des taux, nous pensons qu'il s'agit d'une réunion importante pour deux facteurs principaux.

La Banque centrale européenne (BCE) sera seule cette semaine à annoncer sa dernière décision de politique monétaire, les prochaines réunions de la Réserve fédérale, de la Banque d’Angleterre et de la Banque du Japon n’étant prévues que pour la semaine du 16 juin. A l’heure actuelle, le consensus Bloomberg et les marchés anticipent pleinement une baisse des taux de 25 points de base, ce qui porterait le taux de dépôt à 2%.

Si cette réunion ne marquera sans doute pas l’histoire, il convient de noter que cette baisse pourrait faire de la BCE la première banque centrale d’un marché développé à atteindre son taux terminal, c’est-à-dire le point le plus bas atteint dans un cycle donné. Il va sans dire que le mot «pourrait» est essentiel, car les titres liés aux droits de douane continueront d’influencer les prévisions macroéconomiques. Quoi qu’il en soit, à 2%, le taux de dépôt se situerait en plein milieu de la fourchette de 1,75%-2,25% que la BCE considère comme sa meilleure estimation du taux neutre – le niveau où les taux ne stimulent ni ne freinent la croissance – pour la zone euro. Fait intéressant, la dernière enquête de consensus Bloomberg, menée du 23 au 28 mai, indique que 56% des prévisionnistes estiment le taux neutre à 2%, un seul répondant le situant en dessous de 2%; la grande majorité l’évalue entre 2% et 2,25%.

Il est clair que dans un scénario de base prévoyant une forme d’accord sur les droits de douane, nous approchons de la fin du cycle de baisse des taux.

La courbe des taux intègre une baisse du taux directeur atteignant un point bas juste sous 1,6% d’ici mi-2026, soit un niveau inférieur à la fourchette neutre de la BCE et à la médiane du consensus Bloomberg anticipant un taux terminal à 1,75% pour ce cycle. Cependant, gardons à l’esprit que les anticipations de marché intégrées dans la courbe de rendements ne doivent pas être considérées comme un scénario de base: il s’agit d’une moyenne pondérée de différents scénarios. Lorsqu’un contexte macroéconomique binaire se présente avec un scénario extrême sévère (dans ce cas, l’absence d’accord commercial entre les Etats-Unis et la zone euro et d’énormes droits de douane pénalisant fortement la croissance), ce scénario tire la médiane vers le bas sans nécessairement représenter le scénario de base du marché. Seul le temps nous dira si la baisse de cette semaine est la dernière de ce cycle, mais il est clair que dans un scénario de base prévoyant une forme d’accord sur les droits de douane, nous approchons de la fin du cycle de baisse. Bien que le risque d’un scénario extrême soit réel, il est tout à fait possible que la situation tarifaire débouche sur un accord limité entre les Etats-Unis et la zone euro, avec des conséquences négatives faibles sur la croissance européenne, déjà bien anticipées, et ne justifiant pas une poursuite des baisses de taux par la BCE.

Un autre élément important de la réunion de cette semaine sera les projections des membres de la BCE et ce qu’elles indiqueront sur les scénarios tarifaires possibles. Ces projections, établies chaque trimestre, ne reflètent pas les vues du Conseil des gouverneurs de la BCE, mais sont bien sûr prises en compte dans les décisions de politique monétaire. Les projections du T1 prévoient une croissance du PIB de 0,9% en 2025 et une inflation moyenne de 2,3%, cette dernière tournant autour de 2,0% à partir du début de 2026. Ces chiffres incluaient les droits de douane annoncés jusqu’au 19 février (date limite des prévisions du T1) et ne prenaient donc pas en compte les droits de douane imposés sur l’acier ni les droits réciproques de manière plus générale. Les chiffres de cette semaine fourniront une mise à jour des médianes pour ces indicateurs, mais nous serons surtout attentifs à ce que les projections diront sur des scénarios commerciaux plus sévères.

Ainsi, une réunion en apparence sans surprise, avec une baisse de 25 points de base du taux de dépôt déjà totalement intégrée par les marchés. Mais il faudra surveiller les indications prospectives et les nouvelles projections macroéconomiques, car elles pourraient modifier la perception des marchés sur la trajectoire future de la politique monétaire.

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