Powell annonce 3 ans de statu quo sur les taux

Axel Botte, Ostrum AM

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Les orientations monétaires actuelles paraissent dérisoires face aux risques politiques et financiers planant sur l’économie mondiale.

© Keystone

Conformément au changement de cap annoncé à Jackson Hole, la Fed projette de maintenir les taux à zéro jusqu’en 2023. L’amélioration des prévisions économiques est sans effet sur l’orientation accommodante de la politique monétaire. Par ailleurs, la BoE a surpris les intervenants en agitant le risque de taux négatifs.

Les taux se sont légèrement détendus mais c’est davantage la faiblesse du Nasdaq qui entretient ce repli vers la valeur refuge que les décisions monétaires. L’indice technologique perd désormais 13% depuis son sommet du début du mois. Les valeurs bancaires européennes sont de nouveau sous pression. Le T-note s’échange sous 0,70% et le Bund se rapproche de ses plus bas récents. Les spreads périphériques résistent néanmoins, malgré l’abaissement des perspectives de notations de l’Espagne. Les spreads de crédit restent stables autour de 115pb contre Bund.

Ce contexte d’aversion pour le risque est favorable au yen. Le dollar rebondit également ce lundi à mesure que les indices actions décrochent.

Le graphique de la semaine

Depuis plusieurs années, la Fed juge l’inflation trop faible par rapport à sa cible de 2%. La reformulation récente de l’objectif en une moyenne sur une période longue traduit la «nécessité» de redresser la dynamique des prix.
Le paradoxe est que nombre d’estimations produites par la Fed dépeignent une situation très différente. Les indices des Fed d’Atlanta, de Cleveland et de New York montrent une inflation souvent supérieure à 2% et en accélération depuis le début de la pandémie. Les ménages perçoivent également ces tensions selon plusieurs enquêtes. Dès lors, une inflation plus forte est-elle souhaitable?
Fed: statu quo jusqu’en 2023

Le FOMC a laissé sa politique monétaire inchangée la semaine passée. La réunion de Jackson Hole avait permis de poser les jalons d’une période d’assouplissement monétaire prolongée. La Fed prend quelque distance par rapport à son mandat de stabilité des prix et d’emploi soutenable. Les projections de taux d’intérêt s’inscrivent dans ce nouveau cadre et une large majorité de membres du FOMC prévoient des Fed Funds nuls jusqu’en 2023. Les projections de croissance ont pourtant été relevées sensiblement. L’activité devrait se contracter de 3,7%a au 4T20 (contre -6,5% prévu en juin) avant un rebond de 4% l’an prochain puis deux années de croissance supérieure au potentiel estimé entre 1,7% et 2%.

L’inflation mesurée par le déflateur de la consommation privée convergera vers 2% à l’horizon de 2023 selon les banquiers centraux. Les prévisions situent le taux de chômage à 7,6% en fin d’année. Le maintien de la politique actuelle n’a pas réuni l’unanimité. Le FOMC compte deux dissidents. Robert Kaplan s’oppose à une forward guidance calendaire indépendante du cycle économique. Neel Kashkari plaide à l’inverse pour des taux inchangés tant que l’inflation sous-jacente n’est pas revenue à 2%. Par ailleurs, les marchés de taux anticiper l’annonce d’un twist, c’est-à-dire une augmentation des achats de Treasuries à long terme. Le réinvestissement des tombées s’effectue à due proportion des émissions du Trésor et l’investissement résidentiel ne requiert aucun soutien additionnel à ce stade.

De son côté, la BoE envisage finalement de recourir aux taux négatifs dès le 4T 2020 pour compléter son programme d’achats d’actifs, dont l’enveloppe sera probablement relevée de 100mds £ en novembre. Les négociations sur le Brexit sont dans l’impasse à quelques semaines du couperet. La BoE essaiera autant que possible de limiter les dégâts sur l’obligataire... au détriment du sterling. La livre devrait décrocher contre l’euro et les valeurs refuges éloignées telles que le yen.

Les nuages s’amoncèlent

Les orientations monétaires actuelles apparaissent dérisoires face aux risques politiques et financiers planant sur l’économie mondiale. La dégradation de la situation sanitaire en Europe, les échéances politiques avec le Brexit et l’élection présidentielle américaine, les tensions sino-américaines sur la question de l’exploitation des données personnelles voire les valorisations boursières du Nasdaq assombrissent le tableau de la fin d’année.

Conserver un biais acheteur de taux

La volatilité du Nasdaq risque d’engendrer un resserrement des conditions financières néfaste à la croissance économique. La hausse du VIX et le rebond du yen témoignent d’un regain d’aversion pour le risque. Dans ce contexte, il convient de maintenir un biais acheteur de sensibilité sur le Gilt, le Bund ou encore le T-note. La maturité privilégiée est le 10 ans.

Les rendements à 2 ans ont atteint leurs planchers, hormis peut-être au Royaume-Uni. Le rétrécissement des spreads 2-10 ans est favorisé. Au-delà de 10 ans, la dégradation des finances publiques voire le risque inflationniste maintiennent une pression à la pentification, en particulier aux Etats-Unis. Les niveaux de points morts d’inflation attrayants militent pour une exposition aux emprunts indexés.

Les dettes souveraines périphériques sont protégées par les Banques Centrales. Les spreads à 10 ans sont stabilisés autour de 150pb sur le BTP et 80pb dans la péninsule ibérique. Il n’y a cependant pas de place pour la complaisance. L’agence S&P l’a rappelé en abaissant les perspectives de notation de la dette espagnole. L’UE a déjà repoussé à mi-octobre le lancement de son premier emprunt lié au programme SURE. Le risque d’exécution des plans d’aide européens est significatif. L’UE optera probablement pour un emprunt obligataire à 10 ans qui viendra concurrencer l’OAT. Les institutionnels pourraient se reporter sur les maturités plus longues offrant encore un rendement légèrement positif.

Les banques sous pression

Les banques européennes (-8% cette semaine) sont également dans le viseur des agences en raison de la conjoncture économique mais aussi de leur exposition à la dette souveraine. L’assouplissement du critère de levier réglementaire et l’autorisation de verser des dividendes l’an prochain n’ont pas empêché un nouveau plongeon du secteur bancaire attaqué après de nouvelles révélations de blanchiment d’argent. Les volumes d’actions bancaires traités vendredi dernier traduisent une forme de capitulation. La consolidation du secteur demeure une priorité. Les valeurs cycliques sensibles à l’épidémie ont aussi repris le chemin de la baisse. Sur l’Euro Stoxx, les projections de bénéfices se sont stabilisées mais la dynamique des prix restera soumise au marché directeur américain. Les flux sortants des fonds d’actions américains ont nettement augmenté durant la dernière accélération haussière. Le ratio des volumes d’options sur les valeurs technologiques s’est aussi rééquilibré au profit des puts. Le Nasdaq 100 a décroché de 13% depuis le sommet de début septembre. Le seul soutien au marché des actions américaines semble être les opérations de fusions et acquisitions. Les transactions sont financées en numéraire à hauteur des deux-tiers même si les valorisations élevées favorisent généralement les échanges de titres. La baisse des taux orchestrée par les Banques Centrales a contribué à une hausse de l’endettement privé qui pèse le rally des spreads IG actuellement. La classe d’actifs crédit offre néanmoins le meilleur couple-rendement risque à court terme compte tenu du soutien des autorités monétaires. A ce sujet, la Fed s’autorise désormais à traiter avec le ‘buy side’ au travers de plateformes.

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