Le génie de l’inflation est-il hors de la lampe?

Nicolas Voinchet, Exane Solutions

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Un nouveau cycle d’inflation modérée est apparu au sortir de la pandémie, avec la hausse des matières premières comme signe précurseur.

Si la réponse des banques centrales à la crise de 2008 a mis brutalement fin à l’ère Volcker, elle n’avait pas pour autant fait ressurgir le spectre de l’inflation. Bien au contraire! Jusque récemment, toute l’attention du marché était encore portée sur les pressions déflationnistes et le risque de désancrage des anticipations d’inflation du fameux «Graal» des 2%, ayant souvent eu cours tout au long de la grande et prospère modération des dernières décennies.

Il aura donc fallu la conjonction du retour en force du keynésianisme, de l’inélasticité de l’offre d’un certain nombre de biens durables et du redémarrage brutal des économies post Covid pour faire douter de la stabilité des prix.

Habitué à se trouver de nouvelles peurs, le marché s’inquiète donc subitement d’un thème qu’il avait laissé dans les manuels d’histoire, et sur lequel les dernières crises d’angoisse avaient été autant de faux départs. Cette peur reste néanmoins diffuse et mêlée d’incrédulité: aucun acteur n’a d’épisode inflationniste en mémoire, tandis que les propos des banques centrales se veulent unanimement rassurants sur le caractère éphémère de la situation.

Le phénomène est sans doute beaucoup plus complexe
qu’une simple rotation vers la value.

Nous pensons pour notre part qu’un nouveau cycle d’inflation modérée est apparu au sortir de la pandémie, avec la hausse des matières premières comme signe précurseur. Dès avril 2020, nous avions mis en avant les métaux industriels, censés prendre le relais de notre conviction sur l’or avec le redémarrage du cycle des affaires.

Au-delà de sa résurgence, l’inflation est-elle une bonne nouvelle pour les marchés d’actions? Sur ce point, tout dépendra du rythme auquel iront les choses. Une inflation trop brutale aurait sans aucun doute un effet notoirement déstabilisateur pour les actifs risqués, tandis qu’une remontée progressive et par palier, accompagnée de taux d’intérêt réels négatifs, pourrait permettre de sortir les économies de l’ornière… et donc d’avoir un impact bénéfique sur les actions!

Si la vue directionnelle dépend de la vigueur du phénomène, il s’agit dès à présent de savoir comment positionner des portefeuilles habitués à une désinflation et une baisse des taux séculaires. Le phénomène est sans doute beaucoup plus complexe qu’une simple rotation vers la value, même si l’exemple de la sous-performance boursière des Nifty Fifty dans les années 70 aux Etats-Unis malgré la poursuite de leur surperformance opérationnelle devrait inquiéter les investisseurs exposés de manière trop caricaturale aux valeurs technologiques et de croissance.

La transition énergétique et l’adaptation des business models
à un univers de taux bas risque de réserver quelques surprises!

La confirmation éventuelle d’un nouveau paradigme inflationniste nécessite d’associer de vieux réflexes à une réflexion innovante, dans le stock picking comme dans la construction de portefeuille. Si l’on s’en réfère à l’histoire, certains secteurs seront à privilégier, au premier rang desquels les financières et les commodities. Une approche aussi caricaturale nous semble néanmoins dangereuse: la transition énergétique et l’adaptation des business models à un univers de taux bas risque de réserver quelques surprises!

Pour la construction de nos solutions d’investissement, conçues pour profiter d’un retour de l’inflation, nous souhaitons faire preuve de pragmatisme et d’un souci de diversification. Nous les inscrivons dans l’optique souhaitable d’une hausse des taux d’intérêt nominaux plus que des taux réels, ces derniers étant condamnés à rester durablement en territoire négatif. Par ailleurs, le soutien des investissements publics permettra de maintenir un niveau d’activité satisfaisant plutôt que de renouer avec la croissance de l’après-guerre, dernière époque en date à avoir su surmonter de tels niveaux d’endettement.

S’il faut savoir s’exposer aux secteurs les plus à même d’être favorisés par la poursuite du rebond des anticipations d’inflation et des taux nominaux, le travail de stock picking nécessite surtout d’identifier les valeurs qui bénéficieront d’un réel pricing power pour affronter les tensions inflationnistes. La duration plus faible et les multiples de valorisation moins exigeants seront nos principaux fils conducteurs dans la sélection de valeurs de qualité. L’adaptation du «Growth At Reasonable Price» au nouveau monde?

En dehors de ce scénario enviable du retour d’une inflation modérée, nous n’oublions surtout pas qu’une déflation comme une vraie surchauffe inflationniste auraient des conséquences bien plus préjudiciables pour l’économie et les actifs risqués, qui nous contraindraient à changer notre fusil d’épaule, moins pour le meilleur que pour le pire!

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