Fixed Income: une année à oublier?

Cyril Parison, Exane Solutions

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Mais peut-être une opportunité idéale pour mettre en place le scénario du Reflation Trade (Recovery & Inflation) avec des émetteurs mal-aimés.

Le début d’année 2021 est véritablement compliqué pour l’univers fixed income. La remontée des taux d’intérêt, rapide mais finalement assez logique, a envoyé en territoire négatif une grande majorité des segments taux et crédit. Voyez par vous-même les indices Iboxx: Souverains Eurozone à -2,4%, Treasuries à -4%, dettes émergentes autour de -5%... et l’Investment Grade qui ne fait guère mieux (-0.8% sur l’Europe, -6% aux USA) en raison d’une duration toujours plus longue et d’un coussin de protection (spread) malheureusement trop faible en ce début d’année.

Bref, l’année morose annoncée par tous semble se concrétiser… et les investisseurs portent naturellement leurs regards sur les autres classes d’actifs (matières premières, actions value), beaucoup plus porteuses dans ce climat incertain.

Voyons le verre à moitié plein:
une bonne partie de la remontée des taux a déjà eu lieu.

Néanmoins, tout n’est pas à éviter sur le segment fixed Income. Premièrement, voyons le verre à moitié plein: une bonne partie de la remontée des taux a déjà eu lieu. Le mouvement n’est probablement pas terminé, mais il est certain que d’ici à la fin de l’année, il y aura un point d’entrée pour revenir sur la duration. Les plus optimistes diront que l’essentiel de la remontée des taux est derrière nous, mais il est plus vraisemblable que nous ayons une dernière patte de hausse (30-40bp sur un Treasury 10Y) lorsque l’inflation anticipée se concrétisera par des données concrètes. Attention donc à rester sur des durations intermédiaires et à conserver ses produits de couverture (steepeners et produits Bear Treasuries, les TIPS jouant très mal leur rôle d’amortisseur depuis le début de l’année). 

Deuxièmement, il est satisfaisant de voir que certains segments s’en sortent mieux: le High Yield, bien mieux doté en termes de spreads (>400bp) sort la tête de l’eau même si les performances sont encore faibles: +1% en Europe pour le HY corporate, +0,8% pour le HY financier (AT1s).

Ce qui est intéressant sur ces sous-segments, ce n’est pas seulement un positionnement spread/duration favorable (la duration étant actuellement autour de 4), c’est aussi plus de visibilité sur les fondamentaux. Ainsi, les agences de notations ont arrêté leur mouvement de dégradation pour stabiliser leurs perspectives et même dans certains cas, pour remonter leurs ratings. Le ratio upgrade/downgrade est donc de retour à un niveau >1x sur le Q1 2021 (1,7x) après avoir touché un plus bas de 0,1x au T2 2020. 

2021 c’est un peu l’effet miroir de 2020, avec à la clé des arbitrages radicaux.

De même, le scénario catastrophique des défauts n’aura pas lieu: forts de leurs récentes levées de cash et de refinancements à bon compte, les corporates ont repoussé une nouvelle fois le mur de la dette au-delà de 2024. Suffisant pour Moody’s pour abaisser ses estimations de taux de défaut: l’agence voit désormais le taux monde repasser sous la barre des 5% à fin 2021 (4,7%)… rien à voir avec la «Grande Crise Financière» de 2008! Le segment du High Yield corporates représente donc, selon nous, une opportunité idéale pour mettre en place le scénario du Reflation Trade (Recovery & Inflation) avec des émetteurs du secteur des matières premières, de la chimie de spécialité, du transport de marchandises ou de l’immobilier commercial.

Côté banques, l’histoire est similaire même si les catalyseurs sont différents: si la hausse du marché actions souligne les bonnes perspectives 2021 (steepening de courbe favorable aux revenus nets d’intérêts et donc à la rentabilité), les gérants obligataires apprécieront la solidité des bilans qui ont plutôt bien résisté à la montée de actifs non-performants en 2020 et qui affichent des ratios de capitalisation (CET1 ratio) en hausse: au final, la marge de manœuvre pour payer le coupon des AT1 s’est encore accrue en Europe par rapport au minimum demandé par le régulateur (MDA buffer > 550 bp en moyenne)… ce qui est très rassurant pour les porteurs obligataires.

En conclusion, 2021 c’est un peu l’effet miroir de 2020, avec à la clé des arbitrages radicaux. La duration avait tiré les performances des souverains et de l’Investment Grade pendant les trois quarts de l’année 2020; cette fois-ci elle plombe la première partie de 2021 et encourage les investisseurs à descendre dans l’échelle de notation pour aller chercher de la protection sur les spreads. 
Qui a dit que la rotation growth/value était le seul débat du moment?

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