Gare à la hausse des taux!

Florian Roger, Exane Derivatives

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La hausse des taux n’est pas terminée vu les perspectives d’accélération de la croissance nominale au second semestre 2021.

Le taux des obligations souveraines américaines à 10 ans a progressé de plus de 40 points de base depuis le début de l’année et de plus de 80 points de base depuis son point bas d’août 2020. Cette dynamique haussière devrait se poursuivre lors des prochains mois du fait des perspectives d’accélération de la croissance nominale au second semestre 2021. 

Au printemps, d’importants effets de base vont faire bondir l’inflation. Les prix du pétrole dépassent aujourd’hui 60 dollars le baril alors qu’ils avaient temporairement plongé en territoire négatif en avril 2020. Parallèlement, la première vague de COVID-19 a effondré les prix dans les secteurs du tourisme et des loisirs. En conséquence, l’inflation totale devrait accélérer de près de 200 points de base pour dépasser 3% en avril et en mai 2021, tandis que l’inflation sous-jacente devrait revenir structurellement vers 2% (avec un pic vers 2,4% en mai 2021). Historiquement, lorsque le profil d’inflation est autant heurté par des effets de base, les chiffres mensuels publiés tendent à surprendre positivement le consensus.

Les surprises positives sur les fronts de l’activité et de l’inflation
devraient alimenter le scénario de reflation sur les marchés.

Nous escomptons également des surprises positives pour la croissance réelle, grâce à un impact plus fort qu’attendu du stimulus budgétaire et grâce à un rebond marqué de la demande finale en sortie de crise sanitaire (provenant d’un rattrapage de la consommation et d’effets d’accélérateur financier sur les composantes courtes de l’investissement). Ces surprises positives sur les fronts de l’activité et de l’inflation devraient alimenter le scénario de reflation sur les marchés.

La Fed doit faire marquer des paliers de décompression au marché obligataire

Dans ce contexte cyclique porteur, la remontée des rendements obligataires constitue un des principaux risques pour la stabilité macro-financière car cela peut raviver les inquiétudes quant à la valorisation de certains segments de marché (en particulier les actions technologiques américaines) et engendrer d’importantes rotations de portefeuilles. En effet, les investisseurs sont hyper-exposés à la variation des taux: dans la sphère fixed income, la faiblesse du portage rend le rendement global des obligations très sensible à la duration; sur le marché actions, les gérants ont accumulé d’importantes positions sur les valeurs de croissance, encouragés par la compression structurelle des taux longs.

Si le taux 10 ans américain venait à dépasser 1,5%/1,6% d’ici deux mois,
la hausse des taux réels provoquerait un regain de volatilité.

Il sera donc impératif que la Fed pilote la courbe des taux, en amenant le marché obligataire à marquer des paliers de décompression et en prévenant un durcissement des taux réels. Nous estimons que si le taux 10 ans américain venait à dépasser 1,5%/1,6% d’ici deux mois, la hausse des taux réels provoquerait un regain de volatilité. Pour la fin de l’année, nous révisons notre cible pour le taux 10 ans américain de 1,5% à 1,75%, sachant que la hausse des prix des commodities nous conduit parallèlement à relever nos prévisions d’inflation moyenne pour l’ensemble de l’année 2021 (de 2,1% à 2,5%). Nous ne tablons donc pas sur des tensions durables pour les taux réels, ce qui nous amène à conserver une vision constructive pour le second semestre 2021.

Une évolution de la courbe des taux favorable aux financières

Concernant la dynamique de la courbe des taux, les anticipations de sortie de crise sanitaire suite à la découverte du vaccin contre la COVID-19 ont amené les investisseurs à prendre plus en considération la perspective d’un tapering de la Fed. La pentification a alors été plus marquée sur le segment 5-10 ans (en particulier sur les maturités 5/7 ans). L’accélération de la croissance nominale au S2 2021 devrait conduire les investisseurs à intégrer davantage de hausses de taux de la Fed dans leurs prévisions. Le segment (2-5) ans devrait alors plus fortement se «pentifier», ce qui se révèle historiquement favorable aux financières.

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