Risque de nouvelle phase de volatilité sur les rendements obligataires

Florian Roger, Exane Solutions

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Un potentiel de surprises positives demeure sur l’inflation et sur la consommation.

Depuis un mois, les taux longs souverains américains marquent un palier. Cette stabilisation des rendements obligataires a provoqué une rotation sectorielle sur le marché actions en faveur des valeurs de croissance. Nous pensons que ce mouvement ne va pas perdurer. Même si le scénario d’une forte accélération de la croissance nominale est devenu très consensuel pour la mi-2021, nous estimons qu’un potentiel de surprises positives demeure sur l’inflation et sur la consommation. Cela devrait raviver les craintes sur la duration et inciter les investisseurs à revenir sur des positions d’investissement davantage value et cycliques. Nous conservons ces biais dans notre allocation d’actifs, en surpondérant particulièrement le secteur de la consommation discrétionnaire. 

Les indices d’inflation totale et sous-jacente
vont accélérer vers 3,5% et 2,5%.

L’inflation a fortement accéléré en mars aux Etats-Unis. La variation annuelle des prix à la consommation est passée de +1,7% à +2,6% pour l’indice global et de +1,3% à +1,6% pour l’indice sous-jacent (hors composantes énergie et alimentation). Cette hausse est principalement due aux effets de base, un an après la mise en œuvre des premières mesures de restrictions sanitaires dans le monde développé qui avaient mené à un effondrement des prix de nombreux biens et services. Il s’agit d’un mouvement mécanique et transitoire qui devrait projeter l’inflation totale vers 3,5% et l’inflation sous-jacente vers 2,5% à horizon fin mai. Si la hausse des prix à la consommation en mars était largement anticipée par le consensus des économistes, son ampleur a dépassé les attentes, à l’instar de l’augmentation de l’indice des prix à la production. L’analyse des chiffres suggère que germent des pressions haussières sur les prix de certains secteurs, notamment dans les transports, les services et les biens durables. La reprise économique en sortie de crise sanitaire devrait permettre à cette dynamique de se développer et aux indices d’inflation de rester durablement au-delà de 2% malgré l’atténuation des effets de base.  

L’envolée de la confiance des ménages
plaide pour une flambée de la consommation.

Nous anticipons, en effet, que la demande finale va fortement accélérer lors des prochains mois, grâce à des effets de rattrapage et à l’impact des mesures de stimulation budgétaire prévues par l’administration Biden. 

Les travaux de l’OCDE révèlent que les américains ont accumulé près de 10% du montant de la consommation en épargne involontaire, du fait de l’arrêt de certaines activités et de la fermeture de certains commerces. Le plan Biden prévoit une aide au revenu des ménages sous différentes formes, pour un montant total de 1’000 milliards de dollars, soit plus de 5% du nominal de la consommation. Au total, la croissance de la consommation pour les prochains trimestres présente un potentiel de hausse de plus de 15% par rapport à son rythme potentiel. Reste à savoir comment les ménages vont ventiler cet argent entre consommation, épargne et désendettement. 

Les estimations de la Fed de New York indiquent que les américains utilisent pour le moment leurs chèques fiscaux de la manière suivante: 25% en dépenses de consommation, 40% en épargne et 35% pour leur désendettement. L’envolée des résultats des enquêtes de confiance en mars plaide pour une déformation de ces chiffres très en faveur de la consommation, sachant que contrairement à la récession de 2007, les ménages ne sont pas confrontés à une nécessité de désendettement sur un plan macro-économique. L’indice du Conference Board a en effet enregistré sa troisième plus forte augmentation en 40 ans, juste en dessous des pics atteints en mars 1991 et en avril 2003, alors qu’il partait de niveaux beaucoup plus élevés qu’à ces deux dates. Ce bond de la confiance s’explique par la conjonction de la politique vaccinale efficace, de l’accélération des créations d’emplois et de la mise en application des mesures de stimulation budgétaire, qui laisse espérer une sortie de crise dès l’été outre-Atlantique.

L’exit strategy de la Fed devra rapidement être précisée.

Les perspectives que nous anticipons sur les fronts de la consommation et de l’inflation devraient obliger la Fed à revoir à la hausse ses prévisions de croissance nominale, comme a commencé à le mentionner J. Powell. Cette révision de son scénario économique pourrait engendrer un regain de tensions sur les taux. Si nous estimons que la hausse du taux 10 ans américain ne dépassera pas 25 pb in fine au T2 2021, les investisseurs restent très sensibles aux variations des rendements obligataires du fait de leur positionnement et pourraient initier d’importantes rotations de portefeuilles. Ces dernières pourraient engendrer un regain de volatilité sur les marchés. Pour juguler ce risque, la Fed doit préciser la manière dont elle entend modifier, à terme, son dispositif de soutien monétaire. L’idée est davantage de réduire l’incertitude à court terme pour favoriser la stabilité macro-financière en sortie de crise sanitaire, que d’enclencher de manière précipitée un processus de durcissement monétaire.

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