L’hydrogène après la Lune

Nicolas Voinchet, Exane Solutions

2 minutes de lecture

Si le multilatéralisme est ranimé par la transition énergétique, c’est surtout le keynésianisme qui renaît via les «Green New Deals».

En ralliant X. Jinping, V. Poutine et J. Bolsonaro au sommet sur le climat des 22 et 23 avril, J. Biden a prouvé que le multilatéralisme conserve un champ d’application. Cinq ans après l’accord de Paris suivi du retrait des Etats-Unis de Donald Trump, que signifie cette nouvelle «vague verte», entrainant une surenchère des objectifs de réductions d’émissions de carbone?

Si le multilatéralisme n’est pas mort, c’est surtout le keynésianisme qui renaît via les «Green New Deals». Ces derniers sont l’émanation du retour de l’Etat, qui souhaite orchestrer le cycle économique post Covid autour d’un objectif sociétal fédérateur, tout en soutenant l’appareil industriel et créant de l’emploi local. La Modern Monetary Theory y trouve une application naturelle, avec des gouvernements qui prennent le relais des banques centrales dans le soutien à l’économie en crise.

La neutralité carbone nécessitera incitations,
investissements massifs et prouesses technologiques.

Le New Deal de F. D. Roosevelt a sans doute inspiré J. Biden, mais c’est à une autre période de l’histoire américaine que les enjeux technologiques et économiques de la transition climatique renvoient. J. Kerry faisait référence récemment aux années 1960: «Nous sommes le pays qui a marché sur la Lune. Nous ne savions pas comment nous y parviendrions lorsque le président Kennedy a annoncé cet objectif, mais nous l’avons fait».

Tout comme les programmes «Nouvelle Frontière» et «Apollo» dévoilaient plus une ambition qu’une certitude au départ, le «Green Deal» ouvre la route. Si l’objectif de l’hydrogène a remplacé celui de la Lune, le consensus mondial autour du Green Deal est bien plus large que celui de la course à l’espace, mêlant fonds publics et capitaux privés, tout en reliant les pouvoirs politique et économique à la société civile. Une symbiose!

L’Europe a un temps d’avance.

Avec la Commission à la manœuvre, l’Europe crée un cadre légal de plus en plus contraignant pour accélérer la transition énergétique. L’envolée du droit d’émission de carbone en est la conséquence. Les prochains mois verront une mise à jour des mesures coercitives, bâties sur l’Emissions Trading System (ETS), autour d’un arbitrage: quel balancier entre la baisse des allocations gratuites de droit carbone et la création d’une taxe carbone aux frontières?

En parallèle, la Commission incite l’épargne privée à financer le Green Deal. En classifiant les activités économiques selon leur contribution à la transition climatique, la taxonomie vise à flécher objectivement les flux d’épargne vers les entreprises y contribuant le plus.

Ce caractère précurseur de l’Europe dans la transition énergétique se retrouve également dans le secteur privé. Qu’il s’agisse de l’essor des énergies renouvelables ou des technologies de capture du carbone, les entreprises européennes sont en avance. Le meilleur exemple provient du secteur pétrolier, le plus emblématique de l’ère fossile : des majors comme Total ou Equinor ont avancé dans la transition de leur business model vers le solaire et l’éolien, tandis qu’Exxon n’en est qu’aux balbutiements.

Les Etats-Unis vont-ils également
étendre leur leadership à la transition énergétique? 

Si l’Europe doit confirmer ses ambitions en inscrivant le Green Deal dans une loi sur le climat, le reste du monde a jusqu’ici adopté une approche moins contraignante, qui questionne sa résolution. Les derniers objectifs de réduction d’émissions du Japon ont ainsi été critiqués localement pour leur impréparation. 

Comme souvent, l’impulsion américaine sera critique pour asseoir définitivement le thème. Les dernières semaines ont été très révélatrices et porteuses, avec le gigantisme des plans d’infrastructure et la conversion des investisseurs américains aux bienfaits de l’ESG. Le secteur privé semble rejoindre l’ambition gouvernementale, en souhaitant investir dans une nouvelle révolution industrielle autour du climat et en appelant une forme de coercition de ses vœux.

Comment s’exposer à cette thématique drainant
autant de capitaux publics et d’épargne privée?

Les parallèles entre la révolution technologique du début du siècle et la révolution énergétique actuelle sont nombreux, jusqu’à espérer qu’une bulle verte joue le même rôle dans l’avènement de cette dernière que la bulle TMT en son temps. Il s’agit donc dès à présent de sélectionner les gagnants à long terme plutôt que d’investir sur les AOL, Yahoo ou Netscape du climat. 

Dans cette optique, la correction des «pure plays» renouvelables en mars confirme que les opportunités d’une révolution industrielle s’accompagnent d’autant de fragilités et de revers de fortune. Le stock picking est donc essentiel. A l’instar de notre indice Exane Apollo, cette démarche est au cœur de notre nouvel indice Exane Green Deal Explorer.

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