Le dollar se renforce face au risque politique

Axel Botte, Ostrum AM

3 minutes de lecture

La volatilité observée sur les marchés financiers traduit en premier lieu l’imminence des risques politiques.

© Keystone

Le dollar est redevenu le principal baromètre de l’aversion pour le risque. Le billet vert (1,166 dollar pour un euro) s’avère même être le seul refuge face à la chute des actifs risqués. L’or décroche aussi autour de 1850 dollars l’once.

Le taux américain à 10 ans est inchangé à 0,66%. La courbe américaine ne montre pas de tendance. En zone euro, le Bund à 10 ans reste sous -0,50% sans préjudice aux spreads des emprunts périphériques (140pb sur le BTP 10 ans). Les swaps spreads s’affichent en hausse d’1pb sur la semaine. Le crédit souffre davantage de prises de profit probablement motivées par le risque entourant les échéances politiques, en Europe, avec la reprise des négociations sur le Brexit et, aux Etats-Unis, avant le premier débat Biden-Trump. Des deux côtés de l’Atlantique, les spreads sur le high yield s’écartent fortement avec des mouvements de l’ordre de 50pb.

Sur les actions, Shanghai tangue alors que le CNY reperd un peu de terrain face au dollar. Les marchés américains sont aussi volatiles pénalisés par le secteur de l’énergie. La technologie a mieux terminé la semaine. En Europe, les banques ont décoté de plus de 10% en septembre mais les rachats de positions vendeuses semblent enfin stabiliser les cours.

Le graphique de la semaine

L’indice des valeurs bancaires européennes cote au plus bas depuis 2009, voire 1996. La déstructuration de valeur pour l’actionnaire semble sans fin.
Le secteur ne s’est jamais remis de la crise des dettes souveraines en zone euro et de son traitement monétaire provoquant la chute en territoire négatif des taux d’intérêt sur des maturités allant jusqu’à 30 ans pour les emprunts souverains les mieux notés. Les montants provisionnés traduisent l’inquiétude sur la qualité des actifs. La consolidation du secteur apparait plus que jamais nécessaire.
Entre risques politiques et incertitudes économiques

La volatilité observée sur les marchés financiers traduit en premier lieu l’imminence des risques politiques mais également des questions sur la vigueur de l’activité à l’entame du quatrième trimestre ou les valorisations des principaux marchés d’actions.

Les échéances politiques sont dans toutes les têtes. En Europe, les négociations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni reprennent cette semaine. Il s’agit en premier lieu de retirer, au plus tard le 30 septembre, le projet de loi britannique modifiant l’accord sur la frontière irlandaise négocié l’an passé. Une sortie de l’UE sans accord n’a jamais été aussi proche. Les délais pour faire valider un texte par les Parlements nationaux sont sans doute trop courts. Le Conseil Européen du 15 octobre risque de faire le constat d’un échec des négociations. Les négociations dans l’impasse constituent un nouvel obstacle à la reprise de l’activité, qui, selon les indicateurs PMI français et allemands, montre déjà des signes d’essoufflement.

Les nouvelles restrictions sanitaires pèseront sur l’activité dans les services des deux côtés de la Manche.

Le Brexit et la situation des banques constituent
deux sources de ruptures potentielles.

Parallèlement, l’élection présidentielle se profile aux Etats-Unis. Joe Biden est en tête des sondages avant le premier débat prévu cette semaine. A ce stade, on ne peut exclure un raz de marée démocrate emportant la Présidence et le Sénat tout en conservant la majorité à la Chambre de Représentants. Le sempiternel refrain selon lequel un gouvernement démocrate serait moins favorable aux entreprises et aux marchés financiers resurgira immanquablement. La dynamique de croissance est pourtant encourageante malgré l’absence de rallonge budgétaire. Les enquêtes conjoncturelles sont bien orientées et l’investissement productif s’améliore. Le redressement de l’investissement immobilier se confirme. La baisse transitoire du revenu des ménages en août ralentit toutefois la consommation.

Correction du Nasdaq: un début de contagion?

Le mois de septembre aura sonné comme un coup d’arrêt dans la progression effrénée du Nasdaq portée par l’activité estivale des investisseurs individuels, notamment sur les marchés d’options d’échéance inférieures à deux semaines. L’indice a corrigé de 10% depuis son sommet du 2 septembre. Cette correction est généralement décrite comme salutaire et n’a pas engendré de réelle panique boursière. On note toutefois une première contagion au crédit et au high yield sur la semaine passée. Les flux sortants des fonds d’actions américaines s’accélèrent en effet atteignant 84 milliards de dollars sur quatre semaines selon les données d’ICI. Les valorisations élevées et les incertitudes politiques ou économiques doivent justifier des prises de profits. Cependant, le cycle de fusions et acquisitions revient. Les paiements en numéraire représentent les deux-tiers des opérations, ce qui peut sembler étonnant à ces niveaux de multiples. Les programmes de rachats d’actions ont diminué mais se situent encore autour de 100 milliards de dollars par trimestre. En Europe, les marchés d’actions avaient résisté initialement aidés en cela par l’ajustement de l’euro.

Cependant, le Brexit et la situation des banques constituent deux sources de ruptures potentielles. De fait, le secteur bancaire est au plus bas historique après une chute de plus de 10% en septembre. Les provisions pour pertes passées au premier semestre traduisent les difficultés à venir mais le pire n’est jamais certain d’autant que la consolidation du secteur semble désormais inévitable. Malgré les rachats de fin de trimestre, le retour de la thématique des valeurs décotées reste hypothétique, notamment pour les valeurs cycliques les plus exposées à la pandémie.

Les marchés de taux sont atones, maintenus dans une fourchette étroite par le poids des achats des Banques Centrales. Le 10 ans américain (0,66%) réagit peu à la volatilité des actions. La volatilité basse favorise une position longue profitant de la pente de la courbe des taux en dollars. Les JGBs couverts en dollars offrant une prime de 58pb par rapport au T-note 10 ans constituent une alternative pour s’exposer à la duration en dollars. Il convient également de s’exposer à la pentification sur le segment de courbe 10-30 ans afin de profiter d’un retour de la thématique déficit/inflation.

L’inertie des taux fait du dollar la seule valeur refuge à ce stade. L’once d’or ou le yen se déprécient même contre le dollar. L’indice DXY cote au-dessus de 94 en hausse de 2% en septembre.

Le Bund n’offre aucune direction sous -0,50% tardant à casser sa référence à la baisse de -0,55%. La demande de liquidité des 388 banques participantes au TLTRO du 24 septembre (175 milliards d'euros ou 158 milliards d'euros nets des remboursements) continuera d’alimenter le resserrement des spreads des souverains périphériques: l’Italie à 10 ans cote 140pb, l’Espagne et le Portugal s’échangent sous 80bp. Le Gilt (0,20% à 10 ans) oscille au gré des déclarations divergentes des membres du MPC (Bailey, Tenreyro) quant à l’attrait des taux d’intérêt négatifs. Les marchés monétaires (OIS) estiment à une chance sur cinq la probabilité d’un taux de repo négatif dès février. L’augmentation du QE de 100 milliards de livres prévue en novembre et les perspectives de baisse de taux militent pour un sterling plus faible mais, force est de constater que la Livre est restée ferme contre l’euro jusqu’ici.

L’écartement des spreads de crédit répond sans doute aux impératifs de limites de risques bancaires en fin de trimestre. L’activité primaire participe à la pression haussière sur les primes d’autant que les flux indiquaient des prises de profit au cours de la dernière semaine. Les spreads euro IG (118pb) demeurent la seule source de rendement sur les marchés de taux européens.

A lire aussi...