Pendant qu’au Royaume-Uni deux oursons font le mur pour s’offrir une orgie de miel, à Wall Street plus aucun plantigrade n’est en vue ou presque, les taureaux ont fermement et calmement repris le contrôle de la narration alors que le monde regardait ailleurs, le soap opéra trumpien (trumpesque? trumpitre?) au Moyen-Orient en l’occurrence.
Les rêveurs de service concluront que la bonne tenue actuelle des actions américaines est imputable au cessez-le-feu annoncé hier entre Israël et l’Iran. Les réalistes objecteront que la Fed reste et restera le chef d’orchestre du grand concert boursier. Or ces derniers mois le marché ne comptait plus trop sur elle, son patron Jerome Powell répétant à l’envi que l’inflation à venir provoquée par les tarifs du grand blond force la première banque du monde à se retenir de réduire le loyer de l’argent aux Etats-Unis. Il se trouve qu’Uncle Jay s’exprime à ce sujet hier devant des élus du Congrès, chaleureusement accueilli comme il se doit à distance par Donald Trump qui poste: «J'espère que le Congrès fera vraiment travailler cette personne très stupide et à la tête dure». On est presque déçu, cela est un peu moins virulent que d’habitude, il faut dire que le président des Etats-Unis a probablement épuisé son répertoire à l’égard du patron de la Fed. Mais revenons à nos taureaux moutons, le boss de la Fed indique hier qu’il se concentre sur son travail en faisant abstraction du «bruit politique», j’adore, il traite Trump de «bruit». Powell ajoute que la Fed aurait probablement déjà abaissé ses taux, probablement deux fois, si elle n’était pas confrontée à des risques d’inflation liés aux droits de douane annoncés le 2 avril. «Si l'on regarde dans le rétroviseur et que l'on examine les données existantes, on peut avancer de bons arguments pour nous amener à un niveau neutre».
Mais la Fed a choisi de patienter parce que «tous les prévisionnistes professionnels que je connais s'attendent encore à ce que les tarifs douaniers poussent l'inflation à la hausse dans les mois à venir». Le premier banquier du monde refuse de s’engager sur un calendrier précis mais ses propos suffisent à renforcer les attentes du marché selon lesquelles le mois de septembre est le plus proche pour un redémarrage des baisses de taux, ce matin les Fed Funds prédisent 84% de probabilités d’une coupe de 25 points de base le 17 septembre, puis 76% d’une rebelote le 10 décembre. Et ça, le marché ne s’y attendait plus vraiment, cela constitue un réel coup de pouce pour les actions, à suivre bien évidemment, chaque rapport à venir lié à l’inflation revêtira désormais une importance majeure pour les observateurs.
Wall Street ne se fait pas prier pour passer une bonne journée, disons que le retour apparent au calme en Iran permet de mettre le moteur de la hausse en marche et que la Fed le maintiendra allumé tant qu’elle restera accommodante. L’indice S&P500 (SPX) clôture à moins de 1% de son record historique, le Nasdaq100 (NDX) casse le sien à la cloche, il ne lui reste plus qu’à dépasser son plus haut niveau en séance, facile à rappeler car à 22'222 points. Les mastodontes de la tech sont à nouveau aux commandes Tesla mise à part, qui abandonne 2,3%, les intervenants ne goutent guère l’annonce que ses ventes reculent encore en Europe, de 28% en mai alors que globalement cela repart sur le vieux continent, l’effet Musk se fait encore bien sentir. On rachète massivement les shorts hier, les volumes d’échanges sont plutôt stables, la volatilité se ratatine, le VIX perd 12% à 14,48. Le pétrole aussi se prend les pieds dans le tapis, le baril de WTI Light Crude a désormais chuté de 13% en deux séances, il évolue ce matin à 65,48 dollars. Le dollar aussi est malmené, la paire EUR/USD évolue ce matin à 1,1606, on a grand peine à envisager pourquoi le billet vert devrait rebondir durablement en l’état.
Sur le marché obligataire on a aussi écouté Jerome Powell, le rendement du 10 ans US recule ce matin à 4,28%, il teste deux supports d’un coup, les lignes bougent en ce début d’été, aussi sur le métal jaune, l’or semble parti pour fondre, l’once traite à 3328 dollars, 112 dollars en-dessous de son niveau du 16 juin, elle teste actuellement sa moyenne mobile à 50 jours qui se situe à 3325 dollars.
Résumons: cela semble momentanément se calmer sur le front géopolitique, la Fed a envie de baisser les taux mais attend encore un peu, le budget des Etats-Unis, sorte de bombe atomique interne en puissance, n’est toujours pas voté au Congrès et la guerre commerciale a été mise de côté pour permettre au grand blond de se concentrer sur l’Iran et autres feux à arroser d’huile, mais ne nous leurrons pas, les principaux pays concernés semblent jouer la montre, cela ne devrait pas durer. Bref, Wall Street est en orbite alors que des dossiers brûlants la concernant au premier chef sont loin d’être réglés, une nouvelle illustration de la belle connexion entre le joyeux royaume des actions et la vraie vie, mais passons…
Selon les premières évaluations du Pentagone, les frappes aériennes américaines n'ont pas détruit les principaux composants nucléaires iraniens sous terre et auraient retardé le programme de plusieurs mois, voire d'un an. L'organe de surveillance des Nations unies a demandé de nouvelles inspections des sites. Les responsables de la Maison Blanche qualifient ces informations de fausses et Donald Trump déclare que les sites nucléaires sont «complètement détruits».
Jeff Schmid de la Fed déclare qu'une approche attentiste de la politique monétaire est appropriée, faisant écho aux commentaires antérieurs de Jerome Powell.
Même pas peur! L'UE prévoit des droits de douane en représailles si Trump établit des prélèvements de base sur le bloc, selon l’agence Bloomberg.
Au menu macro-économique du jour, les immatriculations voitures neuves dans l'Union européenne et les ventes de logements neufs aux Etats-Unis.
Les immatriculations de véhicules neufs en hausse de 1,9% en mai en Europe, annonce l'ACEA. En revanche les ventes de Tesla en Europe ont reculé de 27,9% en mai sur un an. L'Espagne autorise le rachat de Banco de Sabadell par BBVA mais impose des conditions drastiques qui compliquent la finalisation. Fedex chute de 6% hors séance après ses trimestriels.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse. Tokyo gagne 0,39% à la cloche, Hong Kong progresse de 1,34%, Shanghai monte de 1,03%. Séoul grappille 0,15% et le Nifty50 prend 0,64%. Le future SPX traite autour de l’équilibre, son alter ego du NDX traite en légère hausse, mon petit doigt de trader me murmure que nous sommes trop près du record en séance de tous les temps pour ne pas venir le payer, on pourra sortir les t-shirts et organiser un apéro piscine pour l’occasion, ne gâchons pas une telle opportunité. L’Europe ouvre en hausse de 0,2%.