Au cours des trois dernières années, les investisseurs se sont concentrés sur la hausse et la baisse de l’inflation dans les marchés développés. Étant donné que le précédent épisode de forte inflation remonte aux années 70 et au début des années 80, il s’agit d’une nouvelle expérience pour de nombreux investisseurs. Bien qu’il soit trop tôt pour crier victoire, la plupart des banques centrales sont suffisamment confiantes pour avoir commencé à réduire les taux d’intérêt. La Réserve fédérale a été la dernière à baisser ses taux, mais elle l’a fait avec fracas en réduisant ses taux de 50 points de base. La Réserve fédérale part d’un niveau plus élevé et dispose donc d’une plus grande marge de manœuvre.
DE L’INFLATION À LA CROISSANCE
L’économie américaine est restée très résiliente malgré des taux d’intérêt supérieurs à 5% depuis mai 2023. Cette résilience a donné à la Réserve fédérale plus de temps pour maîtriser l’inflation en vue d’atteindre son objectif de 2%. Une majorité d’investisseurs et d’économistes prévoient un atterrissage en douceur de l’économie américaine. Ce scénario signifierait que la Réserve fédérale a suffisamment ralenti l’économie pour freiner l’inflation tout en maintenant le taux de croissance du PIB en territoire positif. Les dernières données économiques confirment le scénario de l’atterrissage en douceur. Il est important de rappeler que le Federal Reserve Act (loi sur la Réserve fédérale) charge la Réserve fédérale de « promouvoir efficacement les objectifs d’un emploi maximum, de prix stables et de taux d’intérêt modérés à long terme ». A l’occasion de la baisse des taux d’intérêt du 18 septembre, le président Jerome Powell a clairement indiqué que la Réserve fédérale mettait désormais l’accent sur le soutien au marché de l’emploi. Les membres de la Réserve fédérale s’attendent à ce que le chômage augmente légèrement, car il y a un certain effet de décalage lorsque les taux d’intérêt sont réduits. Pour les investisseurs, l’accent est clairement passé de l’inflation à la croissance. Il est rassurant de savoir que la Réserve fédérale fait maintenant tout ce qui est en son pouvoir pour atteindre les mêmes objectifs. Par conséquent, il est devenu assez consensuel de se positionner en faveur d’un atterrissage en douceur, car le contraire impliquerait de «combattre la Fed», ce qui, dans l’histoire de Wall Street, est rarement une idée rentable. Se positionner du côté de la majorité n’est pas nécessairement une mauvaise chose, mais il faut rester vigilant pour repérer dans les données économiques les tendances qui menaceraient le scénario principal. Heureusement, il existe de nombreux indicateurs que les investisseurs peuvent suivre pour se faire leur propre idée. Nous pensons que les actifs américains sont assez généreusement valorisés, mais une mauvaise série de statistiques économiques peut entraîner des corrections brèves et brutales, comme nous l’avons vu au début du mois d’août et en septembre. Ces replis peuvent être utilisés à bon escient.
ÉLECTIONS AMÉRICAINES: LE FLOU DES PROGRAMMES ÉCONOMIQUES
En plus de surveiller la Réserve fédérale et d’essayer d’anticiper ses prochaines actions, les investisseurs seront bientôt occupés par les prochaines élections présidentielles. La course a été extraordinaire jusqu’à présent : nous avons eu un changement de candidat démocrate et deux tentatives d’assassinat sur le candidat républicain. Depuis l’arrivée de Kamala Harris, la course s’est beaucoup resserrée. Malheureusement, il n’est pas facile de comprendre clairement les politiques des deux candidats, car les gros titres sont dominés par des commentaires désobligeants de part et d’autre et des sujets complètement hors de propos. En faisant abstraction du bruit, nous pouvons observer que le candidat Trump propose une baisse des impôts, une diminution de la réglementation, une augmentation des droits de douane sur les importations et une diminution de l’immigration. La candidate Harris propose des impôts plus élevés, davantage de réglementation et un contrôle des prix des denrées alimentaires et des soins de santé.
Le peuple américain est libre d’élire qui il veut ; nous devons évaluer les implications pour les investisseurs. L’histoire des marchés boursiers montre qu’ils sont généralement sous pression dans le mois qui précède les élections, puis qu’ils rebondissent lorsque l’incertitude est levée. Plus la course est serrée, plus le rebond est important après l’élection. L’histoire montre également qu’en moyenne les marchés réagissent mieux dans un premier temps à la suite d’une victoire républicaine, mais qu’un mois plus tard, cette différence a pratiquement disparu. Il faut évidemment aussi tenir compte de l’évolution de l’équilibre des pouvoirs lors des élections au Congrès, qui se déroulent simultanément. Les investisseurs passeront sans doute le plus clair de leur temps à discuter et à analyser la campagne, mais les faits semblent indiquer qu’il est difficile de créer de la valeur en pariant sur un candidat plutôt que sur un autre, tant les chances sont égales. La meilleure chose à faire est probablement de rester concentré sur l’économie et de profiter de toute volatilité induite par la politique pour capitaliser sur les opportunités d’investissement générées par un éventuel repli du marché. Le sujet qui nous préoccupe à ce stade est le déficit budgétaire américain. Les programmes des deux candidats augmenteront la charge de la dette américaine. Aucun des deux candidats n’a parlé de réduire le déficit budgétaire.
Historiquement, les États-Unis ont bénéficié de l’achat de dettes en dollars par des entités étrangères, car le dollar était la monnaie dominante du commerce mondial. En raison des tensions avec la Russie, la Chine et le Moyen-Orient, de nombreux pays « non alignés » ont commencé à réduire leur utilisation du dollar. Donald Trump en a pris note et a menacé d’imposer des droits de douane à ces pays. Comme toujours, on ne sait pas très bien comment cela fonctionnerait, mais il est intéressant de noter que le candidat républicain aborde la question. Nous attendons avec impatience d’en savoir plus sur les projets des deux candidats en ce qui concerne le déficit budgétaire excessif.
CHINE ET EUROPE DANS L’ATTENTE DU MIEUX
Qu’en est-il des autres économies ? L’économie américaine reste le principal moteur de l’économie mondiale, d’autant plus que l’économie chinoise est engagée dans un long processus de consolidation pendant qu’elle se remet de la crise immobilière. Au début du printemps, on pouvait espérer que le pire était derrière nous, mais les dernières statistiques indiquent qu’il faudra encore plusieurs trimestres pour que le marché de l’immobilier se stabilise. Entre-temps, le gouvernement chinois s’est principalement attaché à soutenir son industrie d’exportation. La consommation intérieure reste faible et le moral des consommateurs est bas car la crise immobilière a généré un effet de richesse négatif important. L’économie européenne est très exposée à la Chine, qui est l’un de ses principaux partenaires commerciaux. Elle a commencé à se redresser au quatrième trimestre 2023, mais le rebond s’est ralenti au deuxième trimestre 2024. La situation politique en France et en Allemagne a ajouté à l’incertitude. Dans l’ensemble, l’économie européenne continue de se redresser, mais à un rythme beaucoup plus lent que prévu. La Banque centrale européenne a également commencé à réduire ses taux d’intérêt car l’inflation liée à la croissance des salaires a enfin commencé à ralentir. Le marché européen des actions est attractif, mais il a besoin de meilleures données économiques pour amorcer un rebond plus durable. L’économie suisse se comporte de la même manière que l’économie européenne, car ses marchés d’exportation sont plutôt faibles. Nous pensons que la Banque nationale suisse peut encore réduire ses taux d’intérêt car l’inflation est bien inférieure à 2 % et la croissance du PIB est faible.
ANTICIPATION POSITIVE
Dans l’ensemble, nous sommes donc plutôt positifs sur l’environnement actuel, car l’économie américaine semble se diriger vers un atterrissage en douceur. Les marchés évaluent correctement la situation actuelle, de sorte que nous aurions besoin d’un repli du marché pour être en mesure de saisir davantage de possibilités de hausse. L’élection présidentielle américaine à venir va sans aucun doute générer de la volatilité et nous chercherons à capitaliser si elle offre des opportunités intéressantes d’ajouter aux actions. Les marchés obligataires évaluent correctement les baisses de taux à venir et nous pensons que les obligations sont plus intéressantes pour les rendements qu’elles offrent que pour les gains en capital. Il reste judicieux de convertir les liquidités en obligations, car la rémunération des liquidités diminuera fortement à mesure que les banques centrales réduiront leurs taux de façon régulière. Nous continuons d’apprécier l’or car il devrait bénéficier de la baisse des taux d’intérêt et reste une valeur refuge lorsque les incertitudes géopolitiques augmentent.