Synchronisation des politiques monétaires et décompte des coûts.
Au cours des 18 derniers mois les investisseurs ont compté les hausses de taux des banques centrales des principales économies développées. La Réserve fédérale (Fed) a relevé ses taux 11 fois depuis mars 2022, la BCE 10 fois depuis juillet 2022 et la Banque d'Angleterre 14 fois depuis décembre 2021. Ces mesures ont porté les taux d'intérêt à des niveaux jamais atteints depuis le début du XXIe siècle. Sur la base des orientations de ces banquiers centraux, nous pourrions être proches du pic des taux dans ce cycle monétaire.
Qu'est-ce que cela signifie pour les investisseurs? Il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles. La bonne nouvelle est que les emprunteurs et les investisseurs auront plus de visibilité, ce qui devrait permettre une meilleure planification et de meilleures prévisions. La mauvaise nouvelle, c'est que les taux d'intérêt élevés accéléreront le ralentissement économique. D'une part, cela devrait permettre de maîtriser l'inflation, mais d'autre part, cela pèsera sur les dépenses des entreprises et du commerce de détail. L'opinion dominante est que l'économie connaîtra un atterrissage en douceur, mais il est trop tôt pour savoir combien de temps il faudra pour voir les pleins effets des taux actuels.
Le consensus prévoit que les taux actuels resteront sur un plateau au cours des six prochains mois avant d'être réduits par les banques centrales. Ces baisses interviendront si l'inflation a suffisamment baissé ou si l'économie devient trop faible. Il est important de noter que la Fed a le double mandat de poursuivre les objectifs économiques d'un emploi maximum et de la stabilité des prix. Les marchés financiers anticipent généralement les événements six à neuf mois à l'avance. Il faut donc s'attendre à une volatilité accrue au cours des prochains mois, car les statistiques économiques commenceront à refléter l'ampleur du ralentissement et détermineront la prochaine action de la Fed. Les banquiers centraux gardent leurs options ouvertes et n'hésiteront pas à augmenter à nouveau les taux pour éviter qu'une inflation élevée ne s'installe.
Les bénéfices des entreprises ont bien résisté, la plupart d'entre elles ayant pu maintenir leurs marges élevées. Les sociétés cotées en bourse ont été très proactives dans l'augmentation de leurs prix. Les volumes ont été décevants, les consommateurs ayant été contraints de réduire leur consommation pour compenser la hausse des prix. Les consommateurs ont défié les attentes, car ils ont largement utilisé leur épargne excédentaire accumulée pendant la crise du Covid. Malheureusement, l'épargne excédentaire s'est en grande partie épuisée au moment même où l'économie frôle la récession.
La Fed surveille de près les dépenses de consommation. Nous pensons que les entreprises devront commencer à stimuler les volumes pour éviter un effet de levier opérationnel négatif. Nous sommes donc prudents en ce qui concerne les bénéfices à court terme, ce qui explique pourquoi nous maintenons notre sous-pondération des actions. D'un point de vue positif, lorsque l'économie ralentit, l'inflation «cœur», ou sous-jacente, diminue généralement et les banques centrales ne relèvent plus leurs taux. Dans ce scénario, on peut s'attendre à une baisse des rendements obligataires à long terme, ce qui contribuera à soutenir les valorisations des actions. Il sera important de garder un œil sur les taux d'intérêt réels (rendements corrigés de l'inflation). Les marchés d'actions européens semblent attractifs sur ce critère, tandis que les marchés américains paraissent plus chers. Toutefois, la forte composante technologique des marchés américains offre un potentiel de croissance des bénéfices à long terme plus intéressant. Le marché américain des actions est particulièrement sensible au thème de l'intelligence artificielle. À ce stade, les attentes sont assez élevées, mais le temps nous dira si elles se concrétiseront par des bénéfices réels.
Les investisseurs du marché obligataire attendent impatiemment la fin du cycle de hausse des taux. La plupart des obligations ont rebondi en 2023, mais la route est encore longue pour couvrir la sous-performance de 2022. Les investisseurs du marché obligataire s'attendaient à ce que le cycle de hausse des taux atteigne son apogée plus tôt, mais la plupart d'entre eux sont restés patients et ont continué à accumuler des positions. Nous surpondérons les obligations souveraines et d'entreprise de qualité, car nous pensons que le moment est propice à l'obtention de rendements attrayants. Certes, les taux des dépôts à court terme sont plus élevés que les rendements des obligations à moyen et long terme, mais ces dépôts comportent un risque de réinvestissement. Les rendements obligataires attrayants offerts aujourd'hui diminueront rapidement lorsque le marché réévaluera le prix des obligations pour refléter des taux plus bas et un risque d'inflation moindre. Nous pensons que l'économie sera suffisamment résistante pour éviter un risque de crédit important dans les obligations de qualité. Les marchés obligataires américains offrent plus d'opportunités car les taux sont plus élevés. Cependant, corrigé de l'inflation, même le marché suisse offre quelques opportunités intéressantes pour les investisseurs locaux. Les obligations européennes sont assez attrayantes pour les investisseurs basés en euros.
Le réalignement des politiques monétaires de l'Europe, du Royaume-Uni et des États-Unis réduira probablement la volatilité de leurs monnaies, car les différentiels de taux d'intérêt resteront assez stables. La volatilité pourrait provenir d'attentes différentes en matière de croissance. Les métaux précieux pourraient bénéficier de la baisse des taux d'intérêt, mais cela ne se produira probablement pas avant six mois. Les matières premières industrielles devraient être soumises à une certaine pression en raison du ralentissement de la croissance économique. La Chine reste une inconnue dans cette équation. Le rebond économique qui a suivi la crise du Covid n'a pas vraiment eu lieu malgré une multitude d'annonces politiques visant à stimuler l'économie. L'économie chinoise est toujours aux prises avec son secteur immobilier et le manque de confiance des consommateurs et des entreprises.
Les prix de l'énergie ont été dissociés de la croissance économique à court terme. Les prix du pétrole ont été tirés vers le haut par les réductions de production des membres de l'OPEP+, notamment de l'Arabie saoudite. En revanche, les prix du gaz en Europe ont fortement chuté d'une année sur l'autre en raison des différentes dynamiques de l'offre et de la demande liées à la guerre en Ukraine.
Dans l'ensemble, nous sommes prudemment optimistes quant à la capacité des banquiers centraux à orchestrer un atterrissage en douceur aux États-Unis et en Europe. Nous maintenons une légère sous-pondération des actions et une surpondération des obligations.