La proposition d’imposer les contribuables non pas sur la base de leur domicile, mais en fonction de leur nationalité revient de manière récurrente en France.
En octobre 2024, la Commission des finances de l’Assemblée nationale a accepté grâce au vote des députés LFI et RN un nouvel alinéa 3 de l’article 4 bis du Code général des impôts qui, il sied de le souligner, a été rejeté par l’Assemblée nationale:
«Sous réserve des conventions fiscales signées par la France, les personnes de nationalité française ayant résidé au moins trois ans en France sur les dix années ayant précédé leur changement de résidence fiscale vers un État pratiquant une fiscalité inférieure de plus de 50 % à celle de la France en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine. Les personnes soumises aux obligations du présent alinéa bénéficient d’un crédit d’impôt égal à l’impôt sur ces mêmes revenus qu’elles ont déjà acquitté dans leur pays de résidence.»
Cette proposition suscite de ma part les remarques suivantes.
Tout d’abord, le fait d’exiger qu’une personne paie des impôts non pas au lieu où elle est domiciliée mais en fonction de sa nationalité, n’a aucun sens. En effet, il appartient de financer l’Etat dont on utilise les infrastructures. Exiger qu’un ressortissant français paie des impôts en France uniquement parce qu’il a la nationalité de ce pays pue les relents immondes du nationalisme. Cela donne l’impression à l’Etat qui souhaite instaurer ce type d’impôt l’image qu’il est une grande nation comparable aux Etats-Unis. On voit ce que cela donne aujourd’hui…
En second lieu, à l’appui de ce qui précède, je tiens à mettre en exergue que j’ai toujours dit et écrit urbi et orbi que toute personne était en droit de s’installer dans n’importe quel pays, peu importe la raison, qu’elle soit professionnelle, personnelle, fiscale etc, mais que la condition sine qua non est que l’on doit payer ses impôts dans l’Etat où l’on vit. J’ai toujours milité contre les fausses délocalisations.
Enfin, autant le fait de devoir payer l’impôt sur le revenu et la fortune au lieu de son domicile dans la mesure où c’est le lieu où l’on utilise les infrastructures, autant on peut se poser la question de savoir si, concernant l’impôt sur les successions et les donations, il est normal qu’une personne ayant vécu toute sa vie dans un pays le quitte et paie l’entier de ses impôts dans un nouvel Etat. Cela pose la question de savoir s’il ne serait pas normal de considérer, comme le font certains Etats, que si l’on a vécu pendant de nombreuses années dans un pays on ne doive pas durant une période par exemple de cinq ans y payer l’impôt sur les donations ou sur les successions si l’on décède ou si l’on fait des donations dans ce laps de temps. Cela est une autre question qui n’a rien à voir avec la problématique de l’impôt en fonction de la nationalité. Si l’on va dans ce sens, on pourrait imaginer que la France impose les successions des personnes, françaises ou non, qui ont vécu plus d’un certain nombre d’années dans leur pays pendant une période, par exemple, de cinq ans après leur départ. Cela se justifierait par le fait qu’il n’est pas normal que le transfert d’un patrimoine constitué en France échappe totalement au fisc français lors de sa transmission.
Le problème est que la France impose en vertu de l’article 750 ter du Code général des impôts la part héréditaire d’un héritier qui a été domicilié en France pendant plus de six ans au courant des dix dernières années peu importe où est domicilié le donataire ou le défunt. Par conséquent, si la France souhaite continuer à imposer les transferts de patrimoine des personnes qui ont transféré leur domicile à l’étranger pendant un certain nombre d’années, elle ne peut pas d’un autre côté imposer le transfert d’un patrimoine totalement constitué à l’étranger uniquement parce que le donataire ou l’héritier est domicilié en France. Par conséquent, la France doit commencer par balayer devant sa porte. Elle ne peut pas à la fois considérer qu’il est justifié qu’elle impose l’héritage d’une personne domiciliée à Genève parce que l’héritier est domicilié en France, mais d’un autre côté considéré comme normal qu’elle continue, même pendant un nombre d’années limité, à imposer le patrimoine constitué en France d’une personne domiciliée à l’étranger.
En résumé, l’imposition en fonction de la nationalité a des relents de nationalisme inaudible et, concernant l’impôt sur les successions et les donations, il n’est pas possible de manger à tous les râteliers…