Huit raisons d’approuver le nouveau paquet Suisse-UE

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

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Les négociateurs suisses ont réussi à préserver les spécificités et les intérêts de notre pays face aux demandes de l’Union européenne.

Onze discussions exploratoires, 46 réunions techniques, 70 experts, 200 cycles de négociation: le Secrétaire d’Etat Alexandre Fasel et son adjoint Patric Franzen n’ont pas ménagé leur peine pour obtenir le plus de concessions possibles en faveur de la Suisse dans les nouveaux accords avec l’UE que le Conseil fédéral vient d’envoyer en consultation jusqu’à fin octobre. Ils méritent nos remerciements et nos félicitations.

L’on peut en fait aussi remercier ceux qui ont poussé le Conseil fédéral à interrompre en mai 2021 les négociations sur un accord cadre avec l’UE, même si certains secteurs en ont souffert. La nouvelle approche verticale, ou sectorielle, a permis de clarifier plusieurs points, de garantir certaines exceptions et aussi d’ajouter de nouveaux accords demandés par la Suisse. Il faut maintenant reconnaître les progrès accomplis. Voici 8 éléments qui devraient vous donner envie de voir ratifié le nouveau paquet d’accords avec l’UE:

Les chercheurs suisses pourront à nouveau participer aux projets stratégiques de l’UE et les étudiants suisses pourront à nouveau se former partout dans l’UE.

  • La Suisse sera à nouveau associée avec effet rétroactif au 1er janvier 2025 aux programmes Horizon Europe, Euratom et Digital Europe et devrait aussi retrouver son association à Erasmus+ dès 2027 (le Parlement suisse devra approuver le financement de cette participation, qui remplacera la solution suisse actuelle pour l’encouragement de la mobilité). Les chercheurs suisses pourront à nouveau participer aux projets stratégiques de l’UE (IA, technologies quantiques, espace) et les étudiants suisses pourront à nouveau se former partout dans l’UE.
  • Les relations avec l’UE seront stabilisées et pourront à nouveau se développer dans les domaines qui intéressent la Suisse, par exemple les services financiers transfrontaliers. L’UE ne pourra plus prendre de mesures de rétorsion arbitraires, sans lien avec l’objet de son mécontentement (comme ne plus reconnaître l’équivalence des bourses suisses). Au contraire, d’éventuelles mesures de compensation seront limitées aux accords relatifs au marché intérieur (l’accord agricole et celui sur la santé exigent en plus une violation dans leur domaine).
  • Avec le nouvel accord sur l’électricité, la Suisse limite fortement ses risques de flux d’électricité non planifiés et améliore la sécurité de son approvisionnement (surtout en hiver), tout en restant libre de constituer des réserves si nécessaire. Les cantons pourront conserver leurs pratiques actuelles en matière d’octroi de concessions hydroélectriques. En outre, les ménages et les PME pourront aussi choisir librement leur fournisseur d’électricité, tout en gardant la possibilité de rester ou de retourner dans l’approvisionnement de base régulé, assorti de prix plus stables (les fournisseurs d’électricité peuvent rester aux mains des pouvoirs publics). Un outil de comparaison sera mis à leur disposition.
  • Par opposition à l’accord cadre, il n’y a plus de nouvelle clause guillotine, qui aurait lié entre eux les accords concernés (les 7 accords des Bilatérales I restent liés entre eux). Il n’est plus question de revoir l’accord de libre-échange de 1972. La Cour de Justice de l’UE ne fera qu’interpréter le droit européen, quand cela est nécessaire et qu’une partie (la Suisse ou l’UE) le demande; elle ne tranchera aucun litige, seul le tribunal arbitral paritaire appréciera les faits, dans les seuls accords où il est prévu.
  • Le droit de séjour en Suisse restera lié à l’exercice d’une activité lucrative. A défaut, les ressortissants de l’UE, y compris les étudiants, n’auront pas droit à l’aide sociale. Les criminels étrangers pourront toujours être expulsés selon le droit suisse. Les activités lucratives indépendantes de trois mois au plus devront aussi être annoncées. Et surtout, grâce à une clause de sauvegarde, le Conseil fédéral pourra prendre des mesures de protection en cas de «difficultés sérieuses d’ordre économique» liées à la libre-circulation (notion que la Cour de Justice n’a pas de compétence pour interpréter et qui sera précisée dans une loi suisse).
  • La protection des salaires est garantie en Suisse, y compris par une clause de non-régression (i.e. la Suisse n’est pas obligée de reprendre de futures règles européennes qui affaibliraient cette protection). Les mesures d’accompagnement critiquées par l’UE (annonce préalable, caution) sont certes assouplies, mais aussi mises à l’abri de toute critique ultérieure – alors qu’aucun Etat de l’UE n’en bénéficie. Le système dual appliqué en Suisse est aussi garanti et les branches à risque et la densité des contrôles continueront d’être définies de manière autonome. Enfin, la loi suisse sur le détachement sera modifiée pour forcer l’employeur à compléter l’indemnité pour les frais de détachement si celle-ci ne couvre pas les frais suisses.
  • Les règles de l’UE sur les aides d’Etat ne seront intégrées que dans les accords sur les transports terrestres et aérien et dans celui relatif à l’électricité. En outre, le premier ne concerne que le transport international (routier et ferroviaire); les sillons (possibilités de circulation) réservés au transport ferroviaire national restent prioritaires. La Suisse pourra toujours adjuger directement des marchés publics aux CFF pour développer le transport régional international dans les régions frontalières. Enfin, même si l’UE augmente sa limite à 60 tonnes pour le trafic lourd sur route, la Suisse ne sera pas tenue de l’appliquer; l’interdiction pour les camions de circuler la nuit et le dimanche est aussi garantie. La Suisse pourra aussi continuer à soutenir les énergies renouvelables.
  • L’accord agricole actuel ne s’applique qu’aux denrées alimentaires d’origine animale. Le protocole sur la sécurité des aliments couvrira aussi les denrées d’origine non animale. Cela renforcera la protection des consommateurs (accès aux systèmes d’alerte de l’UE) et la compétitivité des producteurs suisses. Le volet agricole de cet accord restera non concerné par la reprise dynamique du droit de l’UE et la Suisse peut maintenir sa politique agricole et ses protections douanières (droits de douane et contingents). Les règles suisses de protection des animaux, plus strictes, restent préservées, tout comme l’autonomie de la Suisse en matière d’OGM. La Suisse a aussi pu obtenir le maintien de l’obligation d’indiquer le pays d’origine sur les denrées alimentaires distribuées dans le pays.

Le paquet d’accords ainsi négociés reflète les relations sur mesure entre la Suisse et l’UE et des améliorations ont même été obtenues par rapport au mandat de négociation suisse, que seul un canton avait rejeté. La prospérité de la Suisse, de son économie comme de ses habitants, passe par un accès aux marchés étrangers et par une stabilité juridique. Le paquet d’accords avec l’UE renforce ces aspects, sans toucher à la Constitution fédérale, ni aux compétences du peuple, des cantons, du Parlement fédéral et des tribunaux suisses. Sa ratification devrait donc être une évidence, sauf à vouloir retourner au marasme des années 1990, tensions géopolitiques en sus.

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