En France, le projet de budget 2025 présenté par les ministres des Finances et du Budget inclut une hausse significative de la pression fiscale, qui devrait atteindre 46,6% du PIB, un niveau proche des records mondiaux. Malgré la promesse de ne pas instaurer d'austérité ni de "matraquage fiscal", un ajustement budgétaire de 60 milliards d'euros est prévu. Ce plan repose sur un partage entre un tiers d'augmentations d'impôts et deux tiers de restrictions de dépenses. Cependant, environ 20% de ces mesures d'ajustement sont en fait des hausses d'impôts déguisées, telles que le reprofilage des prélèvements sociaux.
L'objectif du gouvernement est de ramener le déficit public à 5% du PIB en 2025, alors que le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) estime que les augmentations d'impôts représenteront en réalité 70% de cet ajustement. Le déficit pour 2024 est déjà prévu à 6,1% du PIB, soit une augmentation de 1,7 point par rapport aux prévisions initiales, surpassant les 0,6 point supplémentaires déjà observés en 2023. Ce dépassement illustre une spirale budgétaire hors de contrôle, qui n'a pas été vue depuis les grandes crises comme celle de 2008 ou la pandémie.
Le plan budgétaire français risque d'affecter directement l'économie par des hausses d'impôts significatives et une limitation des dépenses publiques, des facteurs qui pèsent traditionnellement sur la demande intérieure et l’investissement privé. Selon l’INSEE, un choc budgétaire de cette ampleur, réparti entre taxes et réductions de dépenses, pourrait entraîner une baisse du PIB de 0,5 à 0,7 point en 2025.
Si le projet n'est pas adopté dans les délais constitutionnels (70 jours), le gouvernement pourrait être amené à le mettre en œuvre par décret.
Or, la conjoncture actuelle est déjà peu réjouissante. Le climat des affaires se dégrade et est en dessous de la moyenne historique. Les carnets de commandes sont en baisse dans l'industrie, et très détériorés dans le secteur de la construction. De plus, les investissements des entreprises se contractent depuis le premier trimestre 2024, avec une baisse prévue de 2% sur l'année, après deux années de croissance (+3% en 2022 et 2023). Par ailleurs, la consommation privée reste stagnante depuis le début de l'année. Le taux d'épargne des ménages, qui avait baissé en 2021 et 2022 après la levée des confinements, a de nouveau augmenté ces derniers trimestres, atteignant des niveaux 4 points supérieurs à ceux d'avant la pandémie. Malgré des gains de pouvoir d’achat et un taux de chômage relativement bas, la consommation ne redécolle pas, tandis que l'investissement des ménages, notamment immobilier, a chuté de 18% au cours des trois dernières années.
Le projet de loi de finances sera examiné cette semaine par la Commission des Finances de l'Assemblée nationale, puis débattu en séance plénière entre le 21 et le 29 octobre pour la partie «recettes». La partie «dépenses» sera examinée du 5 au 19 novembre. Si le projet n'est pas adopté dans les délais constitutionnels (70 jours), le gouvernement pourrait être amené à le mettre en œuvre par décret. En raison de l'absence de majorité, il est probable que l'exécutif fasse appel à l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer le budget sans vote, ce qui exposerait toutefois le gouvernement à un vote de défiance. Par ailleurs, le retour du déficit public sous la barre des 3% du PIB, exigé par les règles européennes, n'est pas prévu avant 2029.
Les agences de notation Moody’s et S&P réévalueront la note souveraine de la France respectivement les 25 octobre et 29 novembre. Vendredi dernier, Fitch a mis sous perspective négative la notation française (AA-) en raison (i) d’un possible dérapage budgétaire qui conduirait la dette publique a atteindre 118,5% du PIB en 2028, (ii) d’une forte fragmentation politique et d’un gouvernement minoritaire qui ne permettront pas de convergence vers un déficit public de -3% d’ici 2029. La détérioration continue des déficits publics ces dernières années est inégalée en Europe, et pourrait entraîner une dégradation de la note souveraine de la France, ou au minimum une révision négative de sa perspective.