Au début du siècle, l'Europe de l'Est était souvent considérée comme une région émergeant de l'époque du communisme, avec des économies qui accumulaient un retard considérable par rapport à leurs homologues d'Europe occidentale. Cependant, en l'espace de deux décennies à peine, des pays tels que la Pologne, la République tchèque ou encore la Slovaquie, sont parvenus à se transformer en quelques-unes des économies à la croissance la plus rapide de l'Union européenne. Cette transformation économique stupéfiante est à la fois la preuve de leur capacité d'adaptation ainsi que de l'impact considérable de l'intégration à l'UE.
L’impact de l’adhésion à l’UE sur la croissance économique
L'un des principaux moteurs du développement économique en Europe de l'Est depuis l'adhésion à l'UE a été l'infusion de fonds structurels et de cohésion. Ces fonds visent à réduire les disparités économiques au sein de l'UE et ont joué un rôle essentiel dans la modernisation des infrastructures et le soutien de la croissance à long terme dans ces pays. Entre 2004 et 2020, les pays d'Europe de l'Est ont reçu des centaines de milliards d'euros de ces fonds, qui ont été affectés à des projets allant des réseaux de transport aux systèmes éducatifs. La Pologne, le plus grand bénéficiaire des fonds structurels de l'UE, avec environ 250 milliards d'euros depuis 2004, a utilisé ces fonds pour augmenter la longueur des routes d’environ 550%, stimulant le secteur de la logistique et du transport. La Hongrie et la Roumanie ont fait de même pour moderniser leurs infrastructures énergétiques, investissant dans les sources d'énergie renouvelables et les systèmes intelligents, rendant ainsi leurs économies plus compétitives et moins dépendantes des sources énergétiques extérieures.
La République tchèque est un cas exemplaire, ses échanges avec les autres Etats membres représentant 80% du commerce national.
Non seulement l'adhésion des pays d'Europe de l'Est à l'UE leur a permis d'accéder à la plus grande zone de marché unique au monde, mais l'élimination des barrières commerciales et l'adoption de réglementations communes ont également permis à ces pays de s'intégrer dans le cadre économique de l'UE. Ceci a été particulièrement bénéfique pour les économies axées sur l'exportation, comme la République tchèque et de la Slovaquie, où l'accès au marché de l'UE a entraîné une augmentation substantielle des volumes d'échanges. La République tchèque est un cas exemplaire, ses échanges avec les autres Etats membres représentant 80% du commerce national, soulignant l'importance du marché unique de l'UE pour son économie. La facilité de faire des affaires au sein de l'UE a également facilité le développement de chaînes d'approvisionnement complexes couvrant plusieurs pays. Cela a permis aux pays d'Europe de l'Est de se spécialiser dans certains secteurs, tels que la construction automobile en Slovaquie ou l'électronique en Hongrie.
L'élimination des barrières commerciales a également attiré des investissements étrangers, de nombreuses multinationales cherchant à profiter des avantages concurrentiels de ces économies, tels que les coûts de main-d'œuvre moins élevés et la main-d'œuvre qualifiée, tout en bénéficiant d'un accès illimité à un large marché. Les investissements directs étrangers (IDE) ont été un pilier de la réussite économique de l'Europe de l'Est depuis son adhésion à l'UE. Des pays comme la Pologne, l'Estonie, la Hongrie et la Slovaquie ont efficacement attiré des investissements, et de nombreuses entreprises y ont établi des sites de production, contribuant à transformer leurs économies en acteurs clés des chaînes d'approvisionnement mondiales. Les «nouveaux Etats membres», les onze pays ayant adhéré à l'UE en 2004, avaient déjà attiré un total cumulé d'IDE brut d’environ 700 milliards d'euros à la fin de 2016. Les IDE ont été particulièrement importants dans les secteurs de la construction automobile, l'électronique et les technologies de l'information. Ces investissements ont directement conduit à la création de milliers d'emplois et contribuent au développement d'une main-d'œuvre hautement qualifiée, accroissant leur compétitivité sur la scène mondiale.
Modèles de réussite
La Pologne, qui a plus que doublé son PIB depuis son adhésion à l'UE en 2004, est un exemple brillant de réussite. Il s'agit de l'un des redressements économiques les plus impressionnants de l'histoire moderne de l'Europe. De 212 à 2022, son économie a connu un taux de croissance moyen de 3,7%, moyenne nettement supérieur à celle de 2,5% de l'Europe de l'Est et à celle de l'UE. Cette croissance résulte d'une combinaison de facteurs tels que l'utilisation efficace des fonds de l'UE, une forte demande intérieure et un secteur d'exportation résistant. La Pologne a également connu une réduction substantielle du chômage, qui est passé de 18,6% en 2004, le taux le plus élevé de la zone euro à l'époque, à 3% en 2024, le deuxième taux le plus bas de l'UE. La Pologne a été la première destination d'IDE en Europe centrale et orientale en 2019, 2020 et 2021, attirant 424 projets d'IDE en 2021. Parmi ses principaux secteurs d'investissement figurent les logiciels et les services informatiques, la logistique et la construction.
En outre, des pays comme la Tchécoslovaquie et la Slovaquie ont utilisé leur situation stratégique et leurs bases industrielles solides pour devenir des acteurs clés du secteur automobile européen. Ce dernier a été un moteur essentiel de leur croissance économique, les deux pays étant aujourd'hui des centres de production majeurs pour les entreprises automobiles mondiales. En République tchèque, c’est le plus grand secteur industriel national, représentant plus d'un quart de sa production manufacturière et employant directement plus de 180’000 personnes. La République tchèque produit aujourd'hui environ 1,4 million de véhicules par an, et des entreprises telles que Skoda Auto y jouent un rôle essentiel. Ces accomplissements sur le front industriel ont contribué aux solides performances économiques de la République tchèque, qui se traduisent par une croissance moyenne du PIB réel de 2,2% entre 2012 et 2022. Depuis son adhésion à l'UE, la République tchèque a vu son PIB par habitant tripler, ce qui, en SPA (Standard de Pouvoir d'Achat), la place au-dessus de l'Espagne et de l'Italie. En outre, grâce aux investissements des entreprises automobiles telles que Volkswagen, Kia et Jaguar Land Rover, la Slovaquie est devenue le premier constructeur automobile mondial par habitant, avec une production de 184 voitures pour 1000 habitants en 2022. Le secteur automobile représente à lui seul 46,5 % de la production industrielle de la Slovaquie et 41,4% de ses exportations.
Les Etats baltes d'Estonie, de Lettonie et de Lituanie ont également connu des transformations économiques notables depuis leur adhésion à l'UE. Ces pays ont transitionné d'économies post-soviétiques à des marchés dynamiques, mettant l'accent sur l'innovation numérique. L'Estonie a acquis une reconnaissance mondiale en tant que leader de l'innovation et est en passe de devenir la star de l'économie numérique de l'UE. Ce petit Etat balte figure parmi les leaders mondiaux dans les technologies clés de nouvelle génération telles que la cybersécurité, la 6G, l'IA, les cryptomonnaies et la blockchain. Le pays va devenir le premier à adopter pleinement la technologie Web3, considérée comme l'avenir de l'internet.
Avec l'aide de grandes entreprises nordiques, telles qu'Ericsson et Nokia, l'Estonie a construit une infrastructure de communication de pointe. Ce pays a enregistré un taux de croissance moyen de 2,9% pendant les dix années précédant 2022, plus du double de la moyenne de la zone euro (1,4%). La Lettonie et la Lituanie se sont concentrées sur la construction de secteurs informatiques solides. En conséquence, la Lettonie est désormais reconnue comme une superpuissance croissante dans le domaine des technologies de l'information et de la communication (TIC), disposant de la sixième connexion à large bande la plus rapide au monde et du troisième plus grand cluster fintech en Europe. Ces Etats, particulièrement l'Estonie, ont également maintenu une forte discipline fiscale, avec de faibles niveaux de dette publique et des budgets équilibrés, les aidant ainsi à maintenir une croissance stable. A la fin de 2023, de tous les Etats membres de l'UE, c'est l'Estonie qui affichera le ratio dette/PIB le plus bas, à 19,6%, et la Lituanie un ratio nettement inférieur à celui de ses homologues occidentaux, à 38,3%.
La Roumanie, adhérée à l'UE en 2007, avait un PIB de 74 milliards d'euros à l'époque, chiffre qui est aujourd'hui supérieur à 300 milliards. La Roumanie a depuis réalisé des progrès considérables dans plusieurs domaines clés. Par exemple, l'espérance de vie a augmenté de près de quatre ans, passant de 72,76 ans en 2007 à 76,64 ans en 2021. Bien que la Roumanie soit retardée par rapport à des économies plus développées, le pays a connu une amélioration plus prononcée depuis qu'il est devenu membre de l'UE. Un autre indicateur de sa maturité économique est la réduction significative de son indice de GINI, qui est passé de 37,5 en 2007 à 33,9 en 2021, indiquant des progrès dans la réduction des inégalités de revenus. En outre, la Roumanie a progressé dans la réduction du chômage, faisant passer le taux d'environ 6,5% en 2007 à moins de 5% en 2019. Malgré une légère augmentation du chômage par suite de la pandémie, le taux d’inemploi national reste nettement inférieur à celui d'économies plus établies comme la France, l'Italie et la Belgique.
Performance des marchés boursiers
Les marchés boursiers des pays d'Europe de l'Est tels que la Roumanie, la République tchèque et la Hongrie ont connu une croissance significative depuis leur adhésion à l'UE. Le principal indice boursier de Prague, l'indice PX, en est un bon exemple. Au cours des deux dernières décennies, l'indice PX a surpassé les performances de nombreux marchés d'Europe occidentale. Cette performance s'est accompagnée d'une plus grande volatilité, en particulier lors du GFC de 2008 et de la crise de la zone euro, au cours desquels l'indice a subi des pertes substantielles. Par ailleurs, l'indice roumain BET a affiché de solides performances depuis son adhésion, subissant une volatilité encore plus importante au cours des deux dernières décennies, mais enregistrant également des rendements nettement plus élevés. Il en va de même pour le principal indice hongrois, le BUX, qui a connu une croissance significative depuis son adhésion en 2004. Dans l'ensemble, comparé aux marchés boursiers d'Europe occidentale, les indices d'Europe de l'Est ont offert des rendements plus élevés sur le long terme, bien qu'avec un risque et une volatilité plus importants, reflétant la croissance économique rapide de ces pays et le processus continu de rattrapage par rapport aux économies plus développées.
Source: Bloomberg