Gonet: l'actualité des marchés au 7 avril

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

4 minutes de lecture

Dow -5,50%, S&P 500 -5,97%, Nasdaq -5,82%, Russell -4,37%, SOX -7,6%, Eurostoxx -4,6%, SMI -5,14%.

 

Wall Street est en train de passer du côté obscur de la force, agacée, découragée, inquiète, surprise, fatiguée, désabusée de la persistance de DD (Dark Donald) à s’acharner à casser l’économie américaine et, par ricochet, remettre en question la globalisation toute entière. La politique extrêmement agressive du président des Etats-Unis accélérée la semaine passée a envoyé le marché au tapis et instillé un doute quant à l’homme jusque dans son propre camp. Bill Ackmann, un allié du président, déclare que les tarifs douaniers sont une erreur et exhorte Trump à décréter une pause de 90 jours. Il est rejoint dans sa critique par Stanley Druckenmiller, cela ne fait que commencer. Les milieux économiques dans leur ensemble perdent confiance dans le grand blond à la vitesse grand V. Et pendant ce temps-là, le principal intéressé joue au golf et la Maison-Blanche confirme durant le weekend que «ce sera douloureux à court terme mais nécessaire pour la prospérité future des Etats-Unis». Donald Trump enfonce le clou hier soir. Interrogé par des journalistes pour savoir s’il cherche délibérément à faire chuter les marchés, il répond que ce n’est pas vrai, mais qu’il veut résoudre le déficit commercial avec la Chine, l’Union européenne et d’autres pays. Il indique par ailleurs avoir parlé à des dirigeants européens et asiatiques pendant le week-end, affirmant qu’«ils meurent d’envie de conclure un accord». Concernant la réaction des marchés, Trump déclare: «Que va-t-il se passer pour les marchés? Je ne peux pas vous le dire. Mais notre pays est beaucoup plus fort.» Il ajoute: «Je veux que rien ne baisse. Mais parfois, il faut prendre un médicament pour réparer quelque chose». Je me demande ce qu’en pensent les millions d’Américains qui regardent quasiment quotidiennement leur compte 401K (équivalent de notre troisième pilier).

Les financiers ne sont manifestement pas d’accord avec le locataire de la Maison-Blanche. C’est dans une ambiance absolument détestable et sous forte pression de qui vous savez pour qu’il baisse les taux que Jerome Powell, patron de la Fed, s’exprime et fait preuve de courage. Le premier banquier du monde fait fi des pressions / menaces du président et déclare «qu’il devient clair que les taxes sur les produits importés seront significativement plus étendues qu'anticipé» avant d'ajouter que les conséquences économiques seront-elles-aussi plus étendues que prévu. Powell évoque une inflation plus forte que prévu et une croissance en ralentissement, il va au bout du raisonnement et rappelle que le risque de progression du chômage, additionné à une inflation en redémarrage constituent un défi de taille pour la Fed.

L’aversion au risque est omniprésente à Wall Street en fin de semaine passée. Le Nasdaq100 (NDX) entre en bear market (marché baissier = 20% de baisse ou plus depuis son récent top). L’annonce d’une riposte de la chine vendredi à la mi-journée assombrit encore un peu plus le tableau du sentiment général, aucun secteur du S&P500 (SPX) n’est épargné, les trois moins mauvaises performances du jour sont réalisées par la consommation discrétionnaire (-4,5%), les biens de consommation de base (-4,55%) et l’immobilier (-4,62%). La pire du jour se trouve dans les valeurs de l’énergie (-8,7%). Les 7 magnifiques sont attaqués de toutes parts, ce qui amplifie encore plus la pression sur les indices du fait de leur poids. Les volumes d’échanges décollent fortement, les intervenants cherchent refuge dans les bons du Trésor US, le rendement du 10 ans recule à 3,90%, prochain niveau 3,83%, puis 3,69%. Le franc suisse et le yen font aussi l’objet d’une forte demande, la paire USD/CHF traite ce matin à 0,8474, jeudi elle était à 0,8818, elle voit un support important à 0,8400. Sur le dollar/yen, actuellement à 145,56, on suivra de près le niveau de 139,58 (bas en séance du 16 septembre). La volatilité monte fortement à nouveau, le VIX gagne 51% à 45,31, il devrait progresser encore ce matin au vu du comportement des futures d’actions. Selon BTIG, l’indice de la peur de Wall Street est entré en zone de panique, selon votre serviteur, aujourd’hui plus que jamais il faut penser à Warren Buffet et son approche contrariante vis-à-vis d’un sentiment en chute libre.

L’or recule légèrement, on prend probablement quelques profits dans le cadre d’appels de marges ou de réinvestissements ailleurs. Le pétrole est mis KO par les craintes montantes de récession et l’annonce surprise de l’OPEP qu’elle veut augmenter la production, joli timing. Le dollar reste faible, la paire EUR/USD traite ce matin à 1,1009, la zone de 1,1050 – 1,1100 est très importante, si elle est cassée à la hausse cela marquera la fin de la tendance baissière entamée par l’euro en 2008.

Quelle que soit la suite des «festivités», ce qui s’est passé sur les indices jeudi et vendredi passé est déjà historique. En pourcentages, le repli de ces deux jours constitue le quatrième pire épisode du SPX depuis sa création en 1957. Les trois premiers sont le Covid, la chute de Lehman Brothers à la fin 2008 et le krach de 1987.

Allez, on ferme les yeux, on se bouche le nez et on plonge dans l’analyse technique des indices, plutôt ardue ce matin car les indices cash ne servent à quasiment rien, les futures glissent encore plus, utilisons donc les génériques. Sur le e-mini S&P500 (ES1), qui traite actuellement à 4861 points, on note tout d’abord qu’il est entré en territoire survendu (énorme surprise), qu’une death cross se profile à un horizon de 3 jours et que sa tendance haussière entamée en octobre 2022 fait désormais partie de l’histoire. En revanche, il est intéressant de constater que la tendance à la hausse débutée en mars 2020 fait actuellement l’objet d’une bagarre de rue. En bref, le ES1 est pile dessus, très intéressant et à suivre. Sur le front du Nasdaq100, son future traite à 16'606 pts, là également une death cross guette mais en revanche la tendance haussière entamée en mars 2020 est intacte et l’indice est clairement survendu.

Ajoutons à cela les indicateurs internes de marché, qui nous montrent que le pourcentage d’actions du SPX atteignant leur plus bas sur 252 jours a grimpé au-dessus de 18%, signe d’un affaiblissement généralisé du marché et d’une aversion au risque croissante. Historiquement, lorsque les nouveaux plus bas augmentent, cela indique généralement un risque de baisse accru pour le marché. Il est souvent préférable d’attendre que ces nouveaux plus bas diminuent, signe que la pression vendeuse s’atténue. Depuis 1929, il y a eu 25 épisodes où plus de 1% des actions du S&P 500 ont atteint un plus bas annuel, peu après un sommet historique. La majorité des baisses récentes concernent des secteurs cycliques, tandis que les secteurs défensifs restent solides, une situation atypique pour une correction de marché profonde, qui touche généralement tous les secteurs.

Retour au VIX qui vient d’ouvrir en hausse de 30% supplémentaires, à 58,63 points. Depuis 2000, hormis en 2008 et en 2020, ce niveau n’a été atteint que trois fois, ce qui confirme que le SPX est en mode capitulation.

En conclusion, l’analyse technique des deux principaux indices de Wall Street est morose mais une lueur d’espoir subsiste, les indicateurs internes de marché incitent à la prudence tandis que la volatilité nous dit d’acheter le marché. La prudence reste probablement de mise, les produits structurés sont indubitablement d’actualité. 

Les responsables politiques chinois discutent de mesures pour stabiliser l'économie et les marchés face à l'offensive tarifaire des États-Unis, y compris l'anticipation de plans de relance, selon l’agence Bloomberg.

Les perspectives évoluent. Les économistes de Goldman Sachs augmentent leur probabilité de récession et avancent leur prévision d'une baisse des taux par la Fed. Le rendement des bons du Trésor à 10 ans pourrait chuter à 3% d'ici la fin de l'année, selon TD Securities.

Scott Bessent rejette l'idée que les tarifs douaniers provoqueront une récession aux États-Unis. Il déclare à NBC que plus de 50 pays ont contacté l'administration, mais que toute négociation prendra du temps.

Daniel Ives, fervent partisan de Tesla, réduit son objectif de cours pour l'action de 43%, évoquant une crise de l'image de marque. 

Au menu macro-économique du jour, la production industrielle mensuelle allemande (plus faible que prévu) et les ventes de détail de la zone euro (11h00) lanceront la semaine.

Berkshire Hathaway dément une fausse rumeur diffusée sur les réseaux et relayée par Donald Trump selon laquelle Warren Buffett approuve la politique économique du président américain. Walmart infirme l'information d'ABC News selon laquelle il pourrait se joindre à un groupe d'investisseurs pour acheter TikTok. Le responsable de l'ingénierie logicielle de Tesla va démissionner, selon l’agence Bloomberg. Jaguar Land Rover (Tata Motors) va suspendre ses livraisons aux États-Unis en raison des droits de douane. Nintendo reporte les commandes pour sa console Switch 2 aux USA en évoquant les droits de douane. Nissan envisage de transférer une partie de sa production nationale aux États-Unis, selon Nikkei. Prada devrait prendre une décision sur le rachat de Versace cette semaine. Foxconn publie un CA record au T1 et dit surveiller de près la politique mondiale.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en forte baisse. Tokyo chute de 7,83% à la cloche, Hong Kong s’effondre de 13%, Shanghai abandonne 7,34%, Séoul perd 5,57% et le Nifty50 rend 4,52%. Le future SPX recule de 4,8%, le Nasdaq de 5,4% et l’Europe ouvre en baisse de 6,8%.

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