La poussière semble retomber lentement sur Wall Street et Tokyo. L’orage boursier est-il déjà passé pour autant? Personne d’intellectuellement honnête ne peut répondre à cette question. En revanche ce qui est certain, c’est que ce mercredi matin 7 août, le marché n’a plus du tout le même visage qu’il y a un mois. Rappelons-nous, le 10 juillet le VIX (volatilité du S&P500 – SPX) se languissait en-dessous de 13, votre serviteur roulait vers la belle Ombrie, on était bien… Et puis quelque chose a changé, qui a progressivement réveillé la bête volatilité, pour accoucher de cet éphémère monstre que nous avons tous regardé passer éberlués lundi. Contrairement à octobre 2008 ou mars 2020 (si ces dates ne vous disent rien, sortez immédiatement), la hausse violente de la volatilité du marché n’est cette fois-ci pas due à un événement clair et distinct. Non, la cuvée 2024 ressemble beaucoup plus à un assemblage, de résultats trimestriels de sociétés perçus comme décevants (le marché est un indécrottable capitaliste glouton), de baisses de taux de la Fed chaque jour un peu plus imminentes (le marché a-t-il déjà intégré une bonne partie de ces coupes dans les prix?), d’un secteur technologique américain gavé de hausses depuis si longtemps et de facto candidat numéro un aux prises de profits le cas échéant, prises de profits qui ont probablement débuté le 16 ou le 17 juillet et ont été amplifiées par la décision de la Banque du Japon le 31 juillet de relever son taux directeur, mettant mécaniquement fin à la récré du carry trade, cette pratique qui consiste à emprunter des yen pour pas cher et de réinvestir cet argent à meilleur compte, notamment dans la bourse américaine.
Ajoutez à cela une saison de résultats de sociétés franchement décevante en Europe, saupoudrée de nombreux avertissements sur bénéfices à venir, une situation géopolitique globalement calamiteuse avec des tensions croissantes autour du conflit entre Israël et le Hamas, une guerre en Ukraine dont on parle moins mais qui est bel et bien toujours d’actualité et une élection présidentielle aux Etats-Unis qui implique une guerre commerciale féroce entre Washington et Pékin, quel que soit le vainqueur le 5 novembre, qui impactera le secteur technologique de ces deux pays et d’ailleurs.
L’équation boursière, déjà bien complexe en «temps normal», est probablement devenue tellement illisible en fin de semaine passée que nous avons dû passer par ce lundi étrange, nettement différent d’autre journées de forte baisse des indices d’actions. De nombreux petits porteurs ont été éjectés de la partie, les institutionnels ont profité de la chute pour acheter sur faiblesse (selon Goldman Sachs, ses clients hedge funds ont été très actifs lundi et se sont penchés pour se servir en actions... technologiques). Rien de nouveau sous le soleil me direz-vous. Ce mercredi matin, les voix de la sagesse / raison se font nettement plus entendre que lundi, personne ne voulait les écouter alors. On se rend compte dans les salles de marchés que fondamentalement pas grand-chose n’a changé, les chiffres économiques ralentissent depuis un certain temps déjà, c’était à prévoir, la Fed restant restrictive. Les membres de la Fed s’emploient à calmer tout un chacun depuis lundi et cela semble porter ses fruits. Mary Daly (Fed de San Francisco) déclare que l'économie américaine n'est pas au bord du gouffre et souligne que le rapport sur l'emploi de juillet comprenait un nombre élevé de licenciements temporaires et une augmentation de l'offre de main-d'œuvre. Ce commentaire fait suite à celui de M. Goolsbee, qui indique pour sa part que les chiffres de l'emploi étaient moins bons que prévu certes mais qu'il n'y a pas encore de récession. Daly et Goolsbee s’opposent tous deux à l'idée que la Fed réagisse à une seule série de chiffres économiques. Jerome Powell s'exprimera lors de la conférence de Jackson Hole le 23 août. La seule publication économique d’hier, la balance commerciale américaine, ressort plus faible que le consensus.
JP Morgan participe à l’opération de communication zen en nous apprenant que, selon elle, 50% à 60% des opérations de carry trade les plus agressives sur le yen ont déjà été débouclées, ce qui suggère que le marché a encaissé une majeure partie du choc. En plus la banque du Japon semble quasiment paniquer à l’idée de déstabiliser le marché global en relevant ses taux qu’elle calme le jeu cette nuit et permet au yen de se déprécier à nouveau et de revenir ce matin à 146,70 contre dollar, on repart du coup pour un tour de carry trade?
À Wall Street on rebondit hier, malgré un trou d’air en fin de séance. Les mastodontes de la tech sont recherchés, surtout Nvidia (NVDA +3,78%) et Meta (META +3,86%). Les volumes d’échanges sont stables et le breadth excellent (4:1 positif sur le SPX). Les intervenants sortent des bons du Trésor US pour revenir dans les actions, le rendement du 10 ans remonte de 3,66% lundi à 3,92% ce matin, il traite pile sur une résistance. Les 11 secteurs du SPX clôturent dans le vert avec, sur le podium, l’immobilier, les financières et les services de communication. La volatilité recule significativement, le VIX revient à 25,22 mais se maintient nettement au-dessus des bas de juillet et offre de ce fait de belles opportunités, notablement en produits structurés. L’or semble perdu dans la traduction, le métal jaune recule à 2390 dollars l’once, malgré un dollar plutôt faible mais qui tente un rebond ce matin, la paire EUR/USD traite à 1,0922, elle voit sa principale résistance à 1,1000 et son support à 1,0795.
Techniquement le SPX semble tenu en respect par sa moyenne mobile à 100 jours (qui évolue à 5308 points contre 5240 pts à la cloche). Le Nasdaq100 (NDX) se bat pour sa part avec sa 200 jours (clôture à 18'077 pts contre la 200 dma à 17'673 pts). Attention au SMI, qui a entamé une bagarre technique avec sa 200 jours depuis lundi, la moyenne mobile se situe à 11'441 points, à suivre de près).
Ce matin il semble que l’optimisme prévale sur les places financières, le marché des Fed Funds se calme quelque peu et prévoit désormais «seulement» 100 points de base de coupes par la Fed cette année encore…
Le yen revient près des 147 dollars après que le vice-gouverneur de la Banque centrale japonaise, Shinichi Uchida, se soit engagé à ne pas relever les taux si les marchés sont instables. Les mouvements récents ont été «extrêmement volatils» et la banque centrale doit maintenir une politique souple pour le moment, déclare-t-il dans ses premières remarques publiques à la suite de la déroute des marchés.
Kamala Harris monte sur scène avec son colistier Tim Walz, gouverneur du Minnesota, à Philadelphie, alors qu'ils se lancent dans une campagne éclair dans les États fédérés. Selon un sondage NPR/PBS News/Marist, la vice-présidente devance Donald Trump de 51% à 48%.
Le Hamas nomme Yahya Sinwar, la principale cible d'Israël et le cerveau des attaques du 7 octobre, en tant que chef politique. Entre-temps, Lloyd Austin accuse les milices soutenues par l'Iran d'être à l'origine de l'attaque contre les troupes américaines.
Au menu macro-économique du jour, peu d'indicateurs hormis les stocks pétroliers US du DOE (16h30).
Novo Nordisk déçoit au deuxième trimestre. Continental publie bien au deuxième trimestre mais réduit ses prévisions à cause de sa division automobile. Roche envisage de céder sa société de données sur le cancer pour un montant de 1,9 milliard de dollars, selon le FT. Siemens Energy relève ses perspectives en matière de flux de trésorerie après un solide troisième trimestre. ABN Amro affiche des revenus d'intérêts nets supérieurs aux estimations pour le deuxième trimestre. Logitech nomme Matteo Anversa directeur financier. Walt Disney annonce de grosses hausses de tarifs pour son offre de streaming hier, à J-1 de la publication de ses trimestriels, tout à l'heure à la mi-journée. Waymo élargit les zones de service de covoiturage autonome à Los Angeles et San Francisco.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse. Tokyo progresse de 1,19% à la cloche, Hong Kong prend 1.05%, Shanghai grappille 0,09%, Séoul avance de 1,83% et le Nifty50 monte de 1%. Le future SPX récupère 28 points supplémentaires et l’Europe a ouvert en progression de 1%.