Gonet: l'actualité des marchés au 6 août

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

4 minutes de lecture

Dow -2,60%, S&P 500 -3,00%, Nasdaq -3,43%, Russell -3,33%, SOX -1,92%, Eurostoxx -1,45%, SMI -2,8%.

C’est désormais officiel, les Suisses Romands sont différents des Suisses Allemands. Figurez-vous que pas un quotidien francophone ou presque ne fait sa une de la chute des bourses d’hier. De l’autre côté de la Sarine c’est le contraire. On peut en conclure que, soit les romands sont pauvres et n’ont de facto rien à perdre, soit la presse francophone du pays a anticipé le rebond qui s’annonce ce mardi, soit les welsches n’en ont cure et préfèrent regarder leur verre de Pinot Gris totalement plein, se léchant les babines.

Et pourtant il y en a des choses à dire après ce lundi vraiment étrange, teinté d’une mise en orbite rare de la volatilité sans que le dollar ne soit recherché, bien au contraire, pendant que l’or glisse et que le marché effectue ses nettoyages d’été, lisez il renvoie les petits porteurs / spéculateurs à leurs études sur Youtube.

Pendant des années, les investisseurs du monde entier ont acheté des actifs tels que des actions américaines et ont financé leurs transactions avec le yen, grâce aux taux d'intérêt extrêmement bas pratiqués au Japon. Jusqu'à récemment, de nombreux fonds spéculatifs et gestionnaires de fonds s'attendaient à ce que les taux restent bas et le yen faible. Au lieu de cela, le renforcement récent du yen a mis à mal le carry trade. Les investisseurs qui avaient emprunté des yens pour financer leurs paris ont été contraints d'acheter davantage de devises, leur intraitable banquier exigeant des garanties supplémentaires. Cette situation a poussé le yen à la hausse, ce qui entraîné une augmentation des appels de marge, la boule de neige s’est formée. Le «débouclement» de certaines des transactions les plus populaires (crowded trades) de Wall Street s’intensifie hier, entraînant les actions japonaises dans leur pire journée depuis le krach boursier de 1987 et faisant chuter Wall Street, tech (oblige) en tête.  Les indices boursiers américains ouvrent en forte baisse, suivant les déclins des marchés internationaux, avant de se redresser quelque peu après qu'une enquête auprès des directeurs d'achat a montré que le secteur des services s'est développé le mois dernier à un rythme légèrement plus élevé que prévu. On se détend quelque peu quant à une récession éventuelle donc.

Les mouvements d’hier sont amplifiés par l’absence de nombreux intervenants (c’est l’été), on ne peut s’empêcher de se demander si la Fed n’a pas commis une erreur en ne démarrant pas son cycle de baisses de taux mercredi passé, tout semblait réuni pour cela. La pression augmente mécaniquement sur les indices, la faute au rebond du yen et du coût du crédit au Japon, on observe des mouvements rares et clairement exagérés, surtout sur le VIX (volatilité de l’indice S&P500-SPX). Sur le front des secteurs, tout le monde termine dans le rouge, la tech joue le rôle de locomotive, le marché obligataire perd le nord, il envoie le rendement du 10 ans US à 3,67% en séance, pour le ramener à 3,87% ce matin, son principal support se situe à 3,81%. Le marché perd tellement la boule que la courbe des taux 2 / 10 ans repasse brièvement en territoire positif hier (elle nous dit donc que la récession ne guette plus alors que la marché s’en inquiète depuis quelques jours, allez comprendre…) pour s’inverser à nouveau de 13 points de base ce matin. Le dollar est aux fraises, personne ne le recherche alors que le VIX nous annonce la fin du monde en direct, étrange. Le Dollar Index (DXY) tente un timide rebond ce matin. La paire EUR/USD traite à 1,0935 ce matin, elle atteint 1,1008 hier. On notera tout de même que le franc est recherché, notamment contre euro, la paire EUR/CHF recule à 0,9210 en séance, pour revenir à 0,9357.

Les volumes d’échanges augmentent fortement sur le Dow Jones et le SPX mais pas vraiment sur le Nasdaq. Le breadth est déplorable, seulement 22 titre du SPX montent hier, c’est assez rare pour être mentionné. Sur la partie technique, l’indice Nasdaq100 (NDX) rebondit en séance quasiment sur le bas de son canal haussier entamé en janvier 2023, clôture au-dessus de sa moyenne mobile à 200 jours qui évolue à 17'657 points contre 17'895 pts à la cloche. L’indice Russell2000 (RTY) n’évolue pas dans une tendance particulière mais parvient aussi à défendre sa 200 jours en fin de séance. Le SMI rebondit en séance de sa… 200 jours décidément, il clôture à 11'543 points contre la 200 dma à 11'437 pts.

Et que dire du VIX, l’indice de la peur du SPX, qui avait clôturé à 18,59 jeudi soir, c’était alors déjà une forme de rebond. Fin de semaine au-dessus de 23 et lundi de folie avec une poussée de fièvre historique le propulsant à 65,73 en séance, pour clôturer à 38,57 soit 64,6% plus haut que vendredi. Depuis 2000 on n’avait jamais vu une telle hausse en séance (j’exclus ici octobre 2008 et mars 2020, des événements extra-extraordinaires). Lorsque ce genre de phénomène se produit, il est conseillé de regarder un poster de Warren Buffet, qui a probablement acheté des tombereaux d’actions hier. Ne dit-on pas que «when the Vix is high, it is time to buy, when the Vix is low, it is time to go»? Gardons par ailleurs en tête que, en règle générale les effondrements soudains des marchés sont moins dangereux que ceux qui s'étalent progressivement dans le temps. Les investisseurs qui intègrent rationnellement de mauvaises données économiques le font lentement, au fur et à mesure qu'elles sont diffusées. À l'inverse, les krachs éclair sont souvent le signe qu'une mauvaise nouvelle a fait déraper les paris spéculatifs (en l’occurrence le carry trade), déclenchant une cascade de transactions, souvent automatisées.

La poussière est peut-être déjà en train de commencer à retomber Downtown Manhattan. Quoi qu’il en soit il est bon de regarder l’histoire dans un tel contexte, ce que le Wall Street Journal fait en nous rappelant que 87% du temps, les investisseurs qui ont acheté le S&P 500 les jours où le VIX clôturait à 30 ou plus ont fini par gagner de l'argent un an plus tard.

N’oublions pas non plus que la saison des résultats du deuxième trimestre a apporté de plutôt bonnes nouvelles, 78% des entreprises du SPX qui ont publié leurs résultats jusqu'à présent ayant dépassé les estimations des analystes, contre une moyenne de 74% sur 10 ans. Les entreprises liées à l'IA et les autres entreprises affichent des bénéfices nets supérieurs aux prévisions d'il y a un mois. Dans l'ensemble, l'économie américaine semble toujours robuste : Le taux de chômage a augmenté parce que la population active s'est accrue. Là encore c’est le vénérable quotidien qui tente de ramener le plus grand monde à la raison. Cela ne veut pas dire que les inquiétudes concernant un ralentissement économique ou les valorisations des hautes technologies ne sont pas justifiées. Les investisseurs ont des raisons de se diversifier par rapport à la tendance de l'IA ou d'échanger des actions plus exposées aux cycles contre des titres plus «défensifs».

Goolsbee de la Fed déclare que la Réserve Fédérale ne réagit pas aux chiffres d'un mois sur l'emploi et qu'elle peut attendre d'autres statistiques avant la réunion de septembre. Les services ISM de juillet battent les estimations avec des nouvelles commandes de retour à l'expansion, les plus élevées depuis mars, bien que les prix payés aient légèrement augmenté. La composante emploi est également de retour en territoire d’expansion. Les responsables du ministère des finances, de la banque centrale du Japon et de la FSA tiendront une réunion tripartite à partir de 15 heures, heure locale, pour discuter des marchés financiers. Pendant ce temps, Mary Daly déclare que le marché de l'emploi, bien que toujours raisonnablement solide, s'affaiblit et indique que la Fed devrait commencer à réduire ses taux au cours des prochains trimestres. En Australie, la RBA a maintient ses taux inchangés comme prévu. Ce matin les Fed Funds prévoient 183% de probabilités d’une baisse de 25 points de base par la Fed le 18 septembre, soit presque 100% de chances de 50 bps. Pour le 7 novembre on en est à 133% et 125% pour décembre.

Au menu macro-économique du jour, les commandes d'usines allemandes (sorties nettement plus fortes que prévu) précèdent les ventes de détail européennes (11h00) et la balance commerciale américaine (14h30).

Adecco en repli au deuxième trimestre. Galenica améliore ses performances au premier semestre.  Palantir gagne 12% hors séance après ses trimestriels. Lucid gagne 6% hors séance après ses trimestriels. Un juge américain estime que Google est un monopole illégal sur la recherche, alors que la surveillance des grandes entreprises technologiques s'intensifie. Elliott a déclaré dans un document réglementaire détenir une participation de 7% dans Southwest Airlines. CrowdStrike est poursuivi en justice par des passagers après une panne massive qui a perturbé le transport aérien. Aramco voit ses résultats baisser au deuxième trimestre. 

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices rebondissent significativement. Tokyo gagne 10,23% à la cloche, ce qui nous fait un repli de «seulement» 3,42% depuis la clôture de vendredi. Hong Kong traite à l’équilibre, Shanghai grappille 0,23%, Séoul rebondit de 3.3% et le Nifty50 prend 0,54%. Le future SPX récupère 50 points soit près de 1%, le future Nasdaq progresse de 248 points ou 1,4%, l’Europe ouvre en hausse de 1,43%. On va rester prudents avant d’annoncer la fin de l’orage, le VIX recule de 15% à 32,67 dans les premiers échanges, dans l’intervalle les produits structurés restent ma foi fort alléchants (lorsque les market makers veulent bien les coter…).

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